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Tactique du diable?

Encore des questions - et un début de réponse - sur la fameuse lune de miel (23/5/2013)

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Ce n'est pas la première fois que je constate que les médias "boycottent" les propos du Pape, et même ses gestes (son salut à la marche pour la vie, du 12 mai, par exemple), lorqu'ils dérangent. C'était d'ailleurs le cas déjà à la fin du Pontificat de Benoît XVI: il pouvait dire ou faire ce qu'il voulait, on n'en parlait même pas, au moins en France, et ses épuisants voyages à l'étranger étaient carrément ignorés.
Berlicche s'est peut-être apercu qu'il était contre-productif d'attaquer frontalement le Pape. Car l'attaquer, c'est encore lui laisser la parole, et sait-on jamais.... Les gens sont si imprévisibles, et l'opinion si versatile... Il a donc décidé de changer de tactique. Mais au-delà des clins d'oeil aimables, le risque, pour la papauté, c'est de la banaliser, de la réduire à une simple ONG de piété (dixit François), ou de l'"applatir" au niveau de l'anecdote, et de confiner la prédication du Pape à la chapelle de Sainte-Marthe, la réservant aux (assez rares!) lecteurs de l'OR et de radio Vatican!!
C'est d'ailleurs ce que j'écrivais il y a une dizaine de jours (cf. La lune de miel médiatique de François ): "Ce qui pourrait se produire de pire, ce serait l'indifférence...".

Ce changement de tactique n'explique pourtant pas tout; en particulier pourquoi on ne parle pratiquement plus des scandales, et pourquoi la mal gouvernance et les intrigues curiales sont passées aux oubliettes. Et surtout pourquoi on a à ce point littéralement "pourri" la vie à Benoît XVI, jusqu'aux Vatileaks qui ont été le point d'orgue de cette campagne frénétique de déstabilisation. S'agissait-il de le pousser à partir? Ou même de le faire mourir d'épuisement, de chagrin et de contrariété? Oui, pourquoi?.

     

Applaudissements pour Bergoglio, mais l'Eglise a plein d'ennemis
Antonio Sanfrancesco
http://www.linkiesta.it/chiesa-ideologia
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Deux mois se sont écoulés depuis l'élection et les éloges pour le pape François abondent. Catholiques et laïques, athées et agnostiques, médias et institutions, gauche et droite. Aucun couac dans le chœur. L'ex-représentant de la théologie de la libération, le Brésilien Leonardo Boff exulte: «François va donner une leçon à l'Eglise. Nous allons sortir d'un hiver rigoureux et de ténébres. Avec lui vient le printemps».

Même la franc-maçonnerie est enthousiaste: «Avec le pape François rien ne sera plus comme avant», a écrit dans une note Gustavo Raffi, Grand Maître du Grand Orient d'Italie, «un choix clair de fraternité pour une Eglise du dialogue, non contaminée par la logique et les tentations du pouvoir temporel». Face à ce déluge de louanges, il vient à l'esprit les mots très durs avec lesquels Jésus a averti ses disciples: «Malheur à vous quand tous les hommes diront du bien de vous. De la même manière leurs pères traitaient les faux prophètes »(Luc 6,20-26).

Dans la civilisation médiatique dans laquelle nous vivons aujourd'hui, l'avertissement devrait être mis à jour comme suit: «Malheur à ceux qui feignent de parler en bien de vous». Oui, parce qu'avec le pape François, en fait, c'est exactement ce qui se passe. Ou plutôt, le mécanisme est plus subtil. On parle en bien uniquement des choses qui plaisent et on passe sous silence tout le reste. Et le silence de l'indifférence, on le sait, est la meilleure et la plus efficace forme de censure. Se dessine une sorte de pontificat à la carte où chacun prend ce qui lui plaît le plus, et le relance, cachant ce qui ne lui convient pas.

Les exemples sont nombreux. Jusqu'à présent, plus que dans les grandes occasions, les choses les plus importantes, Bergoglio les a dites au cours des homélies qu'il prononce a braccio tous les matins lors de la messe de 7 heures, à la Domus Santa Marta. Ses prédécesseurs, Jean-Paul II et Benoît XVI célébraient la messe dans leur chapelle privée avec leurs plus proches collaborateurs, en omettant parfois l'homélie. François, au contraire, a chaque jour devant lui de nombreux fidèles laïcs et des prélats qui travaillent au Vatican. L'occasion est bonne alors de lancer des messages précis également à ses propres collaborateurs. Ses interventions sont ensuite enregistrées et diffusées par Radio Vatican et l'Osservatore Romano.

Le prince de ce monde
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Il y a une constante dans la réflexion de François que beaucoup survolent: le diable. Les Pape en parle tout le temps, il ne croit pas du tout que c'est un mythe, mais un ennemi, et même L'ENNEMI, qui menace l'Église, est capable de faire le mal et doit être combattu tous les jours. «Par sa mort et sa résurrection, Jésus nous a rachetés du pouvoir du monde, du pouvoir du diable, du pouvoir du prince de ce monde», a-t-il dit, «l'origine de la haine est là: nous sommes sauvés et le prince de ce monde, qui ne veut pas que nous soyons sauvés, nous hait et fait naître la persécution qui, depuis les premiers temps de Jésus continue à ce jour».

La racine de la haine contre les chrétiens et l'Eglise, est donc à rechercher justement dans le diable, défini par le souverain pontife comme «prince de ce monde», et avec qui, prévient-il, il n'y a pas de compromis possible: «Le dialogue est nécessaire entre nous , pour la paix. Mais avec le prince de ce monde, on ne peut pas dialoguer. Jamais». Qu'il soit clair qu'il n'y a là rien de nouveau du point de vue biblique et théologique, mais si le pape revient constamment sur cette question, c'est parce qu'il sait que c'est d'abord dans l'Église que sa figure est minimisée, cachée, réduite à la métaphore et a presque disparu de la prédication.

«Les chrétiens dérangent»
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Il y a quelques jours, il a mis en garde contre les chrétiens de salon, rejetant l'idée d'un christianisme si aimablement immergé dans le monde qu'il en devient invisible et silencieux: «Dans l'Eglise, il y a des chrétiens tièdes, des chrétiens de salon, polis, mais qui ne peuvent pas faire des enfants à Église avec l'annonce et le zèle apostolique. Et si nous dérangeons, béni soit le Seigneur».

Reprenant l'une des thèmes les plus chers à son prédécesseur, le relativisme «qui ne reconnaît rien comme définitif et qui laisse comme critère ultime que son propre 'moi' et ses propres désirs», François a averti: «Nous vivons à une époque où l'on est plutôt sceptique quant à la vérité, son existence. La vérité ne s'appréhende pas comme une chose, mais se rencontre: ce n'est pas une possession, mais une rencontre avec une personne, avec Jésus, qui est la Parole de Vérité». Le 22 Avril, il était encore plus explicite quand dans une autre homélie, il a dit avec insistance que Jésus est «la seule porte» pour entrer dans le Royaume de Dieu et «tous les autres chemins sont trompeurs, ils ne sont pas vrais, ils sont faux» . Et le lendemain, dans la chapelle Pauline, il a insisté pour que l'on ne peut rencontrer le Christ qu'à l'intérieur de l'Église: «L'identité chrétienne est une appartenance à l'Eglise, parce que trouver Jésus dehors de l'Eglise n'est pas possible». À une autre occasion, il a remarqué: «On dira que je suis un intégriste (fondamentalista), mais c'est ainsi».

Mais quand en 2000, le pape Jean-Paul II (ndt: en réalité, et comme par hasard, le cardinal Ratzinger!!), avec la déclaration Dominus Jesus, a répété la même chose, à savoir que le seul sauveur de tous, c'est Jésus-Christ, beaucoup au sein de l'Eglise ont éprouvé du ressentiment et ont protesté. Cette fois, aucun titre dans les journaux, pas une critique. Seulement un silence embarrassé. Recevant les membres de la Commission biblique pontificale, le pape a expliqué que «l'interprétation des Saintes Ecritures ne peut pas être seulement un effort scientifique individuel, mais doit toujours être confrontée, insérée et authentifiée par la tradition vivante de l'Eglise».

Et donc «ceci comporte l'insuffisance de chaque interprétation subjective ou simplement limitée à une analyse incapable d'embrasser ce sens global qui au cours des siècles a constitué la tradition du peuple de Dieu tout entier». Il aussi tonné contre ces savants et ces théologiens, dont beaucoup de catholiques, qui interprètent la figure de Jésus dans une clé seulement humaine, comme un grand prédicateur ou un sage spirituel et pas le Fils de Dieu, les qualifiant d' «intellectuels sans talent, d'éthiciens sans bonté. Et ne parlons pas de beauté, parce qu'ils ne comprennent rien».

La pauvreté en tant qu'idéologie
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Commentant le passage de l'Evangile de Luc, où Marie-Madeleine lave les pieds de Jésus avec une huile coûteuse, et encourt les critiques de Judas qui dit d'utiliser cet argent pour aider les pauvres, le Pape a dit: «C'est la première référence que j'ai trouvée dans l'évangile, de la pauvreté comme idéologie. L'idéologue ne sait pas ce qu'est l'amour, parce qu'il ne sait pas se donner». Judas, a encore observé François était «séparé, par sa solitude» et cette attitude d'égoïsme a grandi «jusqu'à la trahison de Jésus». Une critique claire contre l'idéologie paupériste, très en vogue aujourd'hui dans l'Église, qui a de l'homme une vision abstraite et désincarnée. Les exemples pourraient continuer indéfiniment.

Mais de la prédication du pape François, il émerge clairement qu'il est bien conscient de ce qui est aujourd'hui le plus grand danger pour l'Eglise: c'est que le christianisme se réduise, justement à partir du monde catholique, à une mélasse "buoniste", un ensemble de valeurs et rien de plus, mettant de côté le salut opéré par Dieu à travers la mort et la résurrection du Christ.

On se souvient de la prophétie du philosophe russe Vladimir Soloviev, racontée dans «les trois dialogues et le récit de l'Antéchrist» (cf. Pierre, garant de la liberté ) où justement l'Antéchrist, le «prince de ce monde», selon le pape François, se présente au monde comme un homme d'une grande spiritualité, et même un ascète, pacifiste, écologiste et œcuméniste, prêt au dialogue avec tout le monde. Il prendra possession du monde, recherchera le consensus de tous, et les masses le suivront. Mais de l'annonce du Christ il n'y a aucune trace. Disparue. Si l'Eglise, met en garde le pape, se limite à faire cela, elle devient elle-même l'Antéchrist et utilise Jésus comme prétexte pour parler d'autre chose.