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Un Pape d'Amérique latine

Un bilan des JMJ - et un défi pour le nouveau Pontificat - dans l'analyse d'Angela Ambrogetti (7/8/2013)

On a beaucoup reproché à Benoît XVI d'ête un pape européen, et même eurocentrique. Beaucoup de ses gestes, et même ses voyages en Europe (je ne parle bien sûr pas de ceux en Afrique, et en Amérique) ont prouvé qu'il essayait au contraire de donner à son message une dimension universelle.
Angela Ambrogetti pense que c'est justement le défi qui attend le pape François: ne pas limiter son message à l'Amérique latine, mais le rendre universel.
Texte ici: http://www.korazym.org/8408/un-papa-con-gli-lo-sguardo-dell-america-latina/
Ma traduction.

     

Un pape avec le regard de l'Amérique latine
29 juillet 2013
Angela Ambrogetti

Un voyage entièrement latino-américain: le lieu, le Pape, les thèmes.
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Le premier voyage du nouveau pape, qui vient «du bout du monde», de la périphérie comme il aime à dire lui-même, a été un voyage «périphérique». Ou plutôt local. Les thèmes que le Pape François offre aux jeunes gens qui sont venus de partout dans le monde sont ceux qui sont au centre du débat en Amérique latine.

C'est là que réside la nouveauté. La périphérie devient le centre. Dans les discours à Rio de Janeiro, le pape a reproposé quelques-uns des thèmes forts de ses quatre mois et demi de pontificat. Sortir de soi-même pour aller à la rencontre de l'autre, au souffrant comme «chair du Christ», avoir le courage d'aller à contre-courant, ne pas faire de la vie de l'Église uniquement une structure efficace. Des thèmes qui viennent de loin, d'ailleurs, des Magistères des prédécesseurs du pape François.

Mais la marque du premier pape latino-américain est justement d'être lié de manière absolue à la réalité de ce continent. Le voyage au Brésil l'a clarifié et a donné un nouvel éclairage à bon nombre de ses discours romains.

Le pape trouve son inspiration dans le document d'Aparecida (cf. Aparecida, document programmatique du Pontificat ). Ce n'est sans doute pas un fait surprenant.

Le texte, comme lui-même l'a souligné, est l'un des documents les plus originaux de la production du CELAM, et le résultat de la plus originale des conférences depuis 1955. A Medellin, les évêques latino-américains commencent la nouvelle évangélisation, mais après la splendeur de Puebla en 1978, déjà Saint Domingue en 1992, est considéré par certains comme une conférence «affaiblie». C'est Aperecida en 2007, qui marque le temps de la renaissance d'une Église submergée par le pentecôtisme. On ne part pas d'idées abstraites, mais de la réalité concrète. Mais, en partie, ceci ne plaît pas à Bergoglio, qui y voit un risque également abordé à la Conférence de 2007: «La tentation résidait dans le fait d'opter pour une vision totalement aseptique, une vision neutre, ce qui est irréalisable. La vision est toujours influencée par le regard. Il n'existe pas d'herméneutique aseptique. La question était alors: Avec quels yeux allons-nous voir la réalité? Aparecida dit: avec un regard de disciple».

Le regard du pape François est celui-là, celui du «disciple missionnaire» que la Conférence de 2007 a mis au centre de ses travaux. Un thème que Benoît XVI avait mis lui aussi au centre de son message pour la Journée Mondiale de la Jeunesse à Rio (Message de Benoît XVI pour les JMJ) en prévision d'une lecture universelle du thème.

Et la question est en fait vraiment catholique (au sens: universelle). Du reste, tous les papes ont toujours indiqué dans le caractère missionnaire la nature de l'Eglise et donc l'identité du chrétien. Et les missions citadines qui ont lieu en Europe depuis des décennies en sont la preuve. «Une nouvelle conscience s'affirme: celle que la mission regarde tous les chrétiens, tous les diocèses et les paroisses, les institutions et les associations ecclésiales» écrivait Jean-Paul II dans Redemptoris Missio en 1990.

Bien sûr, le Pape Jean-Paul II, bientôt saint, était prophétique et voyait loin. Le CELAM, qui était aussi prophétique dans son existence même, avant tout dans la création d'une conférence épiscopale continentale, semble aujourd'hui quelque peu en souffrance.

Ainsi, le pape d'Amérique latine ressemble un peu maître qui cherche à récupérer un étudiant un peu en retard avec le programme.

Aux évêques du Brésil, il a dit d'être plus pastoral pour récupérer les fidèles déçus par une Église lointaine et peu attentive à la réalité; aux évêques du CELAM il a réexpliqué le texte d'Aparecida, l'intègrant avec quelques tentations à éviter, à commencer par les dérives de la théologie de la libération, qu'il ne mentionne jamais expressément, peut-être pour ne pas décevoir des théologiens comme Leonardo Boff, lequel semblait avoir vu venir sa «libération» en la personne de Bergoglio (cf. Leonardo Boff aime François...).

Et il y a d'autres «tentations» à fuire: le gnosticisme et le pélagianisme. Qui restent à comprendre pour nous, occidentaux, parce qu'en Europe, on ne les perçoit pas. La «lutte» entre conservateurs et libéraux n'est pas théologique mais pratique et politique dans le continent du pape François.

Eglise jeune, société jeune, avec beaucoup de bonnes propositions à exporter, mais aussi avec de nombreux problèmes à résoudre.
Dans le vieux continent, des problèmes, nous en avons d'autres. Ainsi qu'en Asie et en Afrique. Est-ce que le pape François, l'évêque de Rome venu du bout du monde, réussira à capter les exigences de toute l'Église catholique? C'est le véritable défi de son pontificat. Du reste, c'est aussi le défi qu'a affronté Jean-Paul II, auquel dans les premières années on a imputé une vision «polonaise» de l'Eglise et du catholicisme. Nous en avons même plaisanté sur le Pape, avec les jeunes d'une JMJ. Il en était conscient. A la fin, son pontificat était un universel.