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Une course à qui arriverait second

Commentaire italien à la rencontre de Castelgandolfo, le 23 mars (25/3/2013)

Ceux qui veulent "casser les pieds" aux papes François et Benoît

Cristiana Caricato (*)
http://www.ilsussidiario.net/
24 mars 2013
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De l''Église du week-end dernier, il y a deux choses à garder: la belle homélie de François le dimanche des Rameaux (je l'avoue: je l'attendais avec une certaine inquiétude après les premiers discours institutionnels martelant sur le triplet pauvreté-dialogue-création) et la double vision en blanc offerte par l'Eglise de Ratzinger et de Bergoglio. L'Église de deux papes. Inutile de tourner autour du pot. C'était un problème, le vrai problème, après la démission soudaine et troublante, des siècles de tradition à faire le deuil d'un pape avant de prendre une autre, l'habitude ecclésiale tributaire de la liberté de Benoît XVI.
Pendant des jours, on s'est interrogés sur le «pour toujours», ergotant sur les normes canoniques, sur la tradition emportée par le génie du théologien allemand, sur l'interprétation que le futur pape allait donner du fait, sans cesser d'exercer la capacité imaginative toute 'italiote' (ndt: je crois que cela correspond à notre 'franchouillard') - dans ce cas précis, d'une virulente contagiosité - d'imaginer des complots et des stratégies improbables.

L'inédit fait peur, on le sait. Et beaucoup ont tenté de surmonter la paralysie imposée par l'inconnu, ou tout simplement par l'imprévisible, se jetant sur les rapports reliés en rouge, les livres de secrets de cape et d'épée, les corbeaux et les espions, les analyses, en réalité inconnues de la plupart, de trois sympathiques petits vieux revêtus de pourpre (ndt: les trois cardinaux enquêteurs), grave et sereins, mais très éloignés du policier agressif et tranchant décrits dans certains de nos journaux. Et puis le Saint-Esprit s'en est mêlé. Il a roulé tout le monde, en envoyant le beau (!!) François. Et au lieu de se rendre à l'évidence d'une Église, gouvernée directement d'en haut, beaucoup sont tombés dans le piège de ce jeune apprenti-diable Malacoda/Wormwwod, parent de Berlicche/Screwtape [ndt: allusion à "Tactique du diable" de CS Lewis], suggérant une antagonisme inexistant, une discontinuité théorique, une rupture providentielle du nouveau cours ecclésial.
Bobards.
Bobards géants. Ou bulles. Comme celles de savon dont les enfants sont si friands, et qui hier ont fondu sous le soleil printanier, le soleil qui innondait le château sur le lac. Le soleil. Celui qu'une fois de plus Benoît XVI a rappelé, tandis que les bras d'immigrés (?) de François le soutenaient, dans le premier bel instant de la rencontre, à l'héliport.
«Le soleil nous salue» a -t-il murmuré d'une voix faible. On parle du temps quand on ne sait pas quoi dire, quand on veut cacher l'émotion ou surmonter le sentiment d'avoir affaire à un étranger. Benoît non, jamais. Il regarde le ciel parce que la réalité, même météorologique, pour lui est toujours un signe. Que ce soit les gouttes de pluie ou les rayons de soleil brûlants, le vent qui joue et ébouriffe ou le froid qui pique, tout est don pour le Pape émérite.
J'ai apris par coeur chaque mot, chaque geste, chaque hésitation, chaque soupir, bruit ou pas, des trois minutes d'images incroyables et éclairantes fournies par le Centre de Télévision du Vatican.

Et cette constatation sur le temps a été le prélude d'un crescendo d'émotions. Francis, qui court à la rencontre de Benoît, le juvénil homme de 76 ans face à la fragilité chenue du vieux pontife émérite, l'étreinte, les mains qui se cherchent et ne se détachent pas, les sourires qui révèlent des abîmes de profondeur. Et puis, ce mot échappé, Votre Sainteté, de la bouche de Bergolio, la reconnaissance d'un rôle, d'une place dans la cour de Pierre. Et encore ce plan/intérieur jour: les deux entrant dans la chapelle, d'abord le jeune, puis l'émérite avec sa canne et le gilet matelassé, à cause du froid des grandes pièces du Palais Apostolique.
François, qui se déplace avec aisance et regarde le prie-Dieu d'honneur, hébété, et Benoît qui lui court après, étend le bras, comme s'il rassemblait toutes ses forces, pour dire «le Pape est le Pape», à lui la place d'honneur.
Tout le monde l'a raconté, l'explication franciscaine du «nous sommes frères, prions ensemble», la décision de prier l'un à côté de l'autre ... mais rien ne peut faire oublier cette dévotion sénile (ndt: dans le sens éthymologique de "qui se rapporte à la vieillesse", et sans connotation péjorative) pour nouveau pape, l'élan de Joseph, enfant comme seuls les vieux savent l'être, plus humble que jamais, qui se soumet, devenant fils, lui qui pour tous a été le Père. Rien de plus beau. Pas même ces visages transportés dans l'intimité avec Dieu; pas même ces vêtements blancs rapprochés. Pas même l'air de paradis sur le visage transfiguré du vieux pape et le sourire heureux de François. Pas même la tendresse du don marial, l'icône de l'humilité (1), la candeur enfantine avec laquelle Benoît XVI a cherché les mains du nouveau Pape pour le remercier. Rien de plus beau que cette course à qui est le second. Rien de plus beau pour expliquer la communion ecclésiale. Rien de plus beau. Et dire que certaines personnes persistent à se concentrer sur autre chose. Et même sur un détail. Une cassette blanche sur une table, recouverte d'une enveloppe, dans le bureau où les deux papes ont parlé pendant 45 minutes. C'est comme quand il y a la lune et que l'on regarde le doigt qui pointe vers elle. Encore un de ces conseils bizarre de Malacoda/Wormwood.

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(*) Cristiana Caricato
Journaliste à TV 2000 (TV de la CEI), vaticaniste.
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(1) Il y a juste une petite chose qui met mal à l'aise, dans le choix de ce cadeau (Benoit dit gentiment qu'il "ne connaît pas" de "madone de l'humilité"... et pour cause, cf. http://yvesdaoudal.hautetfort.com/): c'est un cadeau recyclé! (cf. Miracle russe à Castelgandolfo )
J'imagine que c'est une icône moderne, comme on peut en acheter dans les marchés de Noël.
Peut-être ne faut-il pas accorder une importance excessive au titre... sans toutefois négliger qu'il s'agit d'un cadeau au Pape émérite, soit LE SPECIALISTE parmi les spécialistes.