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Benoît XVI au Portugal

Il y a tout juste trois ans, le Saint-Père était au Portugal, et en particulier à Fatima, pour le dixième anniversaire de la béatification de Jacinta et Francisco (11/5/2013).

     

Le printemps était traditionnellement, et de manière compréhensible, le temps des voyages internationaux.
Du 11 au 14 mai 2010, Benoît XVI était au Portugal pour le Xe anniversaire de la beatification de Jacinta et Francisco, les pastoureaux de Fátima. Un voyage moins marqué de polémiques que d'autres, mais où il avait été question du fameux "troisième secret".
J'ai suivi comme j'ai pu le voyage: http://benoit-et-moi.fr/2010-II .
Tout était à savourer, il faut bien choisir, et je chosis donc deux discours, plus quelques mots informels. Et le récit-synthèse magnifique de JL Restàn, traduit par Carlota.

Le Pape s'adresse au monde de la culture

Cf. http://benoit-et-moi.fr/2010-II

(...)
Aujourd’hui, la culture reflète une ‘tension’, qui prend parfois la forme de ‘conflit’ entre le présent et la tradition. L’élan de la société absolutise le présent, le détachant du patrimoine culturel du passé et sans l’intention de tracer les contours d’un avenir.
Mais une telle valorisation du ‘présent’ en tant que source d’inspiration du sens de la vie, aussi bien individuelle que sociale, se heurte à la forte tradition culturelle du peuple portugais, profondément marquée par l’influence millénaire du christianisme et par un sens de la responsabilité globale. Celle-ci s’est affermie dans l’aventure des découvertes et dans le zèle missionnaire, partageant le don de la foi avec les autres peuples. L’idéal chrétien de l’universalité et de la fraternité avait inspiré cette aventure commune également marquée par les influences des Lumières et du laïcisme. Cette tradition a donné naissance à ce que nous pouvons appeler une ‘sagesse’, c'est-à-dire, un sens de la vie et de l’histoire marqué par une cohérence éthique et un ‘idéal’ réalisé par le Portugal, lequel a toujours cherché à établir des relations avec le reste du monde.

L'Église apparaît comme le grand défenseur d’une saine et haute tradition, dont la riche contribution se met au service de la société ; celle-ci continue à en respecter et à en apprécier le service en faveur du bien commun, mais elle s’est éloignée de la dite ‘sagesse’ qui fait partie de son patrimoine. Ce ‘conflit’ entre la tradition et le présent s’exprime dans la crise de la vérité, mais c’est seulement celle-ci qui peut orienter et tracer le chemin d’une existence réussie, aussi bien en tant que personne que comme peuple. En effet, un peuple qui cesse de savoir quelle est sa vérité propre, finit par se perdre dans le labyrinthe du temps et de l’histoire, privé des valeurs clairement établies et sans grands buts clairement énoncés.
Chers amis, il y a tout un effort de compréhension à faire autour de la forme dans laquelle l'Église se situe dans le monde, en aidant la société à comprendre que l’annonce de la vérité est un service qu’Elle offre à la société, ouvrant de nouveaux horizons d’avenir, de grandeur et de dignité. En effet, l'Église a « une mission de vérité à remplir, en tout temps et en toutes circonstances, en faveur d’une société à la mesure de l’homme, de sa dignité et de sa vocation.[…] La fidélité à l’homme exige la fidélité à la vérité qui seule, est la garantie de la liberté (cf. Jn 8,32) et de la possibilité d’un développement humain intégral. C’est pour cela que l'Église la recherche, qu’elle l’annonce sans relâche et qu’elle la reconnaît partout où elle se manifeste. Cette mission de vérité est pour l'Église une mission impérative » (Caritas in veritate, n.9).
Pour une société formée en majeure partie de catholiques et dont la culture a été profondément marquée par le christianisme, la tentative de trouver la vérité en dehors de Jésus-Christ s’avère dramatique. Pour nous, chrétiens, la Vérité est divine ; elle est le « Logos » éternel qui a pris une expression humaine en Jésus-Christ, lequel a pu affirmer avec objectivité : « Je suis la vérité » (Jn 14,6). L’existence dans l'Église de sa ferme adhésion au caractère pérenne de la vérité avec le respect pour les autres ‘vérités’ ou avec la vérité des autres, est un apprentissage que l'Église elle-même est en train de faire. Dans ce dialogue respectueux peuvent s’ouvrir de nouvelles portes pour la transmission de la vérité.

« L'Église – écrivait le Pape Paul VI – doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L'Église se fait parole ; l'Église se fait message ; l'Église se fait dialogue » (Ecclesiam suam, n.67). En effet, le dialogue sans ambigüité et respectueux des parties impliquées est aujourd’hui une priorité dans le monde, priorité à laquelle l'Église n’entend pas se soustraire. Elle en donne un témoignage clair par la présence du Saint-Siège dans les divers organismes internationaux, comme par exemple, dans le Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe, fondé il y a 20 ans ici à Lisbonne, qui a comme pierre angulaire le dialogue interculturel dans le but de promouvoir la coopération entre l’Europe, le sud de la Méditerranée et l’Afrique et de construire une citoyenneté mondiale fondée sur les droits humains et la responsabilité des citoyens, indépendamment de leur origine ethnique et de leur appartenance politique, dans le respect des croyances religieuses. Étant donné la diversité culturelle, il faut faire en sorte que les personnes, non seulement acceptent l’existence de la culture de l’autre, mais aspirent aussi à s’en enrichir et à lui offrir ce que l’on possède de bien, de vrai et de beau.

Cette heure demande le meilleur de nos forces, une audace prophétique, une capacité renouvelée à « indiquer de nouveaux mondes au monde », comme dirait votre Poète national (Luís de Camões, Os Lusiadas, II, 45). Vous, artisans de la culture sous toutes ses formes, créateurs de pensée et d’opinion, « avez, grâce à votre talent la possibilité de parler au cœur de l’humanité, de toucher la sensibilité individuelle et collective, de susciter des rêves et des espérances, d’élargir les horizons de la connaissance et de l’engagement humain. […] Et n’ayez pas peur de vous confronter avec la source première et ultime de la beauté, de dialoguer avec les croyants, avec ceux qui, comme vous, se sentent en pèlerinage dans le monde et dans l’histoire vers la Beauté infinie (Discours aux artistes, 21/XI/2009).

C’est justement dans le but de « mettre le monde moderne en contact avec les énergies vivifiantes et pérennes de l’Évangile » (Jean XXIII, Const. Ap. Humanae salutis, n.3), qu’a eu lieu le Concile Vatican II, au cours duquel l'Église, partant d’un conscience renouvelée de la tradition catholique, prend au sérieux et discerne, transfigure et dépasse les critiques qui sont à la base des courants qui ont caractérisé la modernité, c’est-à-dire la Réforme et les Lumières. Ainsi, d’elle-même, l'Église accueille et régénère le meilleur des exigences de la modernité, d’une part en les assumant et en les dépassant et d’autre part en évitant ses erreurs et les chemins sans issues. L’événement conciliaire a posé les prémisses d’un authentique renouveau catholique et d’une nouvelle civilisation – la « civilisation de l’amour » – comme service évangélique à l’homme et à la société.

Chers amis, l'Église considère comme sa mission prioritaire, dans la culture actuelle, de tenir éveillé la recherche de la vérité et, en conséquence, de Dieu ; de porter les personnes à regarder au-delà des choses qui passent et à se mettre à la recherche des choses qui demeurent. Je vous invite à approfondir la connaissance de Dieu tel qu’Il s’est révélé en Jésus-Christ pour notre plein accomplissement. Faites des choses belles, mais par dessus tout faites que vos vies deviennent des lieux de beauté. Qu’intercède pour vous Sainte Marie de Bethléem, vénérée depuis des siècles par les navigateurs de l’océan, et aujourd’hui par les navigateurs du Bien, de la Vérité et de la Beauté.

Le Pape rencontre les évêques portugais, à Fatima

Cf. http://www.vatican.va/

(...)
En vérité, les temps dans lesquels nous vivons exigent un nouveau dynamisme missionnaire des chrétiens, appelés à former un laïcat mûr qui s’identifie à l’Église et solidaire de la transformation complexe du monde. Il faut d’authentiques témoins de Jésus Christ, surtout dans ces milieux humains où le silence de la foi est plus grand et plus profond : les hommes politiques, les intellectuels, les professionnels de la communication qui professent et promeuvent une orientation culturelle unique, en méprisant la dimension religieuse et contemplative de la vie. Dans ces milieux, il y a des croyants honteux de leur foi qui prêtent leur concours au sécularisme, qui fait obstacle à l’inspiration chrétienne. Dans le même temps, Frères bien-aimés, combien, dans ces milieux, défendent avec courage une pensée catholique vigoureuse, fidèle au Magistère ; qu’ils continuent à bénéficier de vos encouragements et de votre parole éclairante pour vivre, en fidèles laïcs, dans la liberté chrétienne.

Sans bâillon, maintenez vive la dimension prophétique dans l’histoire du monde actuel, parce que « la parole de Dieu n’est pas enchaînée » (2 Tm 2,9). Les personnes réclament la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, qui donne sens à leur vie et sauvegarde leur dignité. En qualité de premiers évangélisateurs, il vous sera utile de connaître et de comprendre les diverses tendances sociales et culturelles, d’évaluer les carences spirituelles et de disposer efficacement les ressources pastorales ; néanmoins, ce qui est décisif, c’est de réussir à inculquer chez toute personne qui évangélise un vrai désir de sainteté, et la conscience que tout résultat dépend essentiellement de l’union avec le Christ et de l’action de son Esprit.

En effet, quand aux yeux de beaucoup, la foi catholique n’est plus le patrimoine commun de la société et que, souvent, on la regarde comme une graine étouffée et supplantée par les ‘idoles’ et par les maîtres de ce monde, elle pourra très difficilement toucher les cœurs à travers de simples discours ou des rappels moraux, et encore moins par des allusions générales aux valeurs chrétiennes. Le rappel courageux et intégral des principes est essentiel et indispensable ; toutefois, la simple énonciation du message ne va pas jusqu’au fond du cœur de la personne, ne touche pas sa liberté, ne transforme pas sa vie. Ce qui séduit surtout, c’est la rencontre avec les personnes croyantes qui, par leur foi, attirent vers la grâce du Christ, en Lui rendant témoignage. Je me souviens de ces paroles du Pape Jean-Paul II : « L’Église a besoin surtout de grands courants, mouvements et témoignages de sainteté parmi les ‘fidèles’, parce que c’est de la sainteté que naît tout renouveau authentique de l’Église, tout enrichissement authentique de l’intelligence de la foi et de la suite du Christ, une ré-actualisation vitale et féconde du christianisme dans la rencontre avec les besoins des hommes, une forme renouvelée de présence au cœur de l’existence humaine et de la culture des nations » (Discours pour le XXe anniversaire du Décret conciliaire ‘Apostolatum actuositatem’, 18 novembre 1985). Certains pourraient dire : « ‘l’Église a besoin de grands courants, de mouvements et de témoignages de sainteté…’ mais il n’y en a pas ! »

À ce sujet, je vous confesse l’agréable surprise que j’ai eue dans la prise de contact avec les mouvements et les nouvelles communautés ecclésiales. En les observant, j’ai eu la joie et la grâce de voir comment, en un moment de fatigue pour l’Église, en un moment où l’on parlait d’un « hiver de l’Église », l’Esprit Saint suscitait un nouveau printemps, faisant se réveiller chez les jeunes et chez les adultes la joie d’être chrétiens, de vivre au sein de l’Église, qui est le Corps vivant du Christ. Grâce aux charismes, la radicalité de l’Évangile, le contenu objectif de la foi, l’influx vivant de sa tradition sont communiqués de façon convaincante et sont accueillis comme une expérience personnelle, c’est-à-dire comme une adhésion de la liberté à l’événement présent du Christ.

C’est une condition nécessaire, naturellement, que ces nouvelles réalités veuillent vivre au sein de l’Église commune, tout en leur ménageant des espaces pour leur vie propre, de telle façon que celles-ci soient ensuite profitables à toutes les autres. Les porteurs d’un charisme particulier doivent se sentir fondamentalement responsables de la communion, de la foi commune de l’Église et doivent se soumettre à la direction des Pasteurs. Ce sont eux qui doivent garantir l’ecclésialité des mouvements. Les Pasteurs ne sont pas seulement des personnes qui occupent une charge, mais ils sont eux-mêmes porteurs de charismes, ils sont responsables de l’ouverture de l’Église à l’action de l’Esprit Saint. Nous, Évêques, en vertu du sacrement, nous sommes oints par l’Esprit Saint et, par conséquent, le sacrement garantit aussi l’ouverture à ses dons. Ainsi, d’une part, nous devons éprouver la responsabilité d’accueillir ces impulsions qui sont des dons pour l’Église et qui lui confèrent une nouvelle vitalité ; mais, d’autre part, nous devons aussi aider les mouvements à trouver la voie juste, en faisant des corrections avec esprit de compréhension – cette compréhension spirituelle et humaine qui sait conjuguer conduite, reconnaissance et une certaine ouverture et disponibilité à apprendre.

Initiez ou confirmez dans cette voie les prêtres. Dans l’Année sacerdotale qui s’achève, redécouvrez, chers Frères, la paternité épiscopale par-dessus tout envers votre clergé. Pendant trop longtemps, la responsabilité de l’autorité comme service en vue de la croissance des autres et, en premier lieu, des prêtres, a été reléguée au second plan. Ceux-ci sont appelés à servir, dans leur ministère pastoral, en étant intégrés dans une action pastorale de communion et d’ensemble, comme nous le rappelle le Décret conciliaire Presbyterorum ordinis : « Aucun prêtre n’est donc en état d’accomplir convenablement sa mission isolément et en quelque sorte individuellement, mais seulement en unissant ses forces à celles des autres prêtres, sous la conduite de ceux qui président à l’Église » (n.7). Il ne s’agit pas de retourner vers le passé, ni d’un simple retour aux origines, mais de retrouver la ferveur des origines, la joie du commencement de l’expérience chrétienne, en se faisant accompagner par le Christ comme les disciples d’Emmaüs le jour de Pâques, en laissant sa parole nous réchauffer le cœur et le « pain rompu » ouvrir nos yeux à la contemplation de son visage. C’est seulement ainsi que le feu de la charité sera suffisamment ardent pour pousser chaque fidèle chrétien à devenir dispensateur de lumière et de vie au sein de l’Église et parmi tous les hommes.

Avant de conclure, je voudrais vous demander, en votre qualité de présidents et ministres de la charité dans l’Église, de raviver en vous-même et autour de vous les sentiments de miséricorde et de compassion pour être en mesure de répondre aux situations de lourdes carences sociales. Que se constituent des organisations et que se perfectionnent celles qui existent déjà, afin qu’elles soient en capacité de répondre avec créativité à toute pauvreté, en y incluant celles qui relèvent du manque de sens à la vie et de l’absence d’espérance. L’effort que vous faites pour aider les diocèses les plus nécessiteux, surtout dans les Pays lusophones, est très louable. Que les difficultés, qui à présent se font sentir davantage, n’affaiblissent pas la logique du don. Poursuivez avec vivacité, dans votre Pays, votre témoignage de prophètes de la justice et de la paix, de défenseurs des droits inaliénables de la personne humaine, unissant votre voix à celle des plus faibles, que vous avez sagement incités à prendre la parole, sans jamais craindre de hausser la voix en faveur des opprimés, des personnes humiliées et maltraitées.

Tandis que je vous confie à la Vierge de Fatima, en lui demandant de vous soutenir maternellement dans les défis que vous relevez, pour être les promoteurs d’une culture et d’une spiritualité de charité et de paix, d’espérance et de justice, de foi et de service, je vous accorde de grand cœur la Bénédiction apostolique, que j’étends à vos proches et à vos communautés diocésaines.

Mardi 11 mai au soir, le Pape salue les jeunes devant la nonciature à Lisbonne

Chers amis,

J’ai apprécié la dynamique et nombreuse participation des jeunes à l’Eucharistie de cet après-midi sur le Terreiro do Paço, prouvant ainsi leur foi et leur volonté de construire leur avenir sur l’Évangile de Jésus Christ. Merci pour le joyeux témoignage que vous donnez au Christ, l’éternellement jeune, et pour la prévenance manifestée à son pauvre Vicaire sur la terre par la rencontre de ce soir. Vous êtes venus me souhaiter une bonne nuit et je vous en remercie de tout cœur ; mais à présent, vous devez me laisser aller dormir, autrement la nuit ne serait pas bonne, et la journée de demain nous attend.

J’éprouve une grande joie de pouvoir m’unir à la foule des pèlerins de Fatima à l’occasion du dixième anniversaire de la Béatification de François et de Hyacinthe. Avec l’aide de Notre-Dame, ils ont appris à voir la lumière de Dieu au plus profond de leurs cœurs et à l’adorer dans leur vie. Que la Vierge Marie vous obtienne la même grâce et vous protège ! Je continue à compter sur vous et sur vos prières afin que cette Visite au Portugal porte des fruits abondants. Et maintenant, avec grande affection, je vous donne ma Bénédiction, au nom du Père + et du Fils + et du Saint Esprit.

Bonne nuit ! À demain.

Le récit-synthèse de JL Restan

Aux pieds de la Mère, entouré par son peuple.
Par José Luis Restán sur www.paginasdigital.es 14 mai 2010 (traduction Carlota)
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Il est arrivé aux pieds de la Mère. Celle-là même à laquelle il s’est confié depuis le balcon de St Pierre, l’après-midi même de son élection en disant qu’elle « est toujours à notre côté ». Il est arrivé comme un pèlerin fatigué par les vicissitudes d’une histoire dramatique, mais avec une lumière dans les yeux qui défie toutes les tempêtes. Il a voulu apporter les douleurs et les espérances de l’Église et de l’humanité, et il est arrivé entouré de la belle multitude des simples de cœur, ceux à qui le Pape théologien sait parler avec des phrases presque d’enfant.

Le ciel radieux est comme l’horizon du monde pour cette matinée inoubliable sur l’esplanade de Fátima. Un ciel aussi bleu que l’Atlantique immense qui lui a servi de cadre à Lisbonne, quand il a senti la chaleur de son peuple, de ce peuple serré qui l’acclamait sans se fatiguer, qui le remerciait de tout cœur du témoignage de ces semaine, de sa paternité concrète, de sa main ferme et douce à la barre de l’Église. Là-bas il a parlé de l’Église qui ne manque pas de « fils réticents et même rebelles » mais dont nous pouvons reconnaître les traits véritables dans les saints. Et il lance l’avertissement sévère de ce que souvent « nous nous préoccupons avec ardeur des conséquences sociales, culturelles et politiques de la foi, en donnant pour fait acquis que la foi est là » et il reconnaît « qu’on a mis parfois une confiance excessive dans les structures et les programmes ecclésiaux, dans la distribution des pouvoirs et des charges mais que se passerait-il si le sel devenait insipide? ».

Et puis il conforte son peuple avec le seule remède possible : « il est nécessaire d’annoncer de nouveau avec vigueur et joie l’évènement de la mort et de la résurrection du Christ, coeur du christianisme, point central et fondamental de notre foi, support robuste de nos certitudes, vent impétueux qui dissipe toute peur et indécision, tout doute et tout calcul humain ».
Auparavant dans l’avion qui le transportait de Rome, il avait fait trembler les téléscripteurs de la moitié du monde en affirmant que « les attaques contre le Pape et l’Église, non seulement viennent de l’extérieur, mais que les souffrances de l’Église proviennent précisément de l’intérieur…que la plus grande persécution de l’Église ne provient pas des ennemis du dehors, mais naît du péché dans l’Église et que l’Église, par conséquent, a un profond besoin de réapprendre la pénitence, d’accepter la purification, d’apprendre d’une part le pardon mais aussi la nécessité de la justice ». Tous ceux qui l’ont attaqué avec acharnement se retrouvent maintenant sans voix et commencent à se demander qui est cet homme, à quelle source boit-il et que recherche-t-il. Eux, ils ne le comprennent pas, mais son peuple, oui.

Il a fait les comptes avec le mystère du mal présent aussi dans les fils de l’Église. Un mal qui l’a fait souffrir jusqu’aux larmes mais que lui sait qu’il doit assumer dans sa propre chair, car c’est pour cela aussi qu’il est Pierre. Mais maintenant, devant la multitude joyeuse du Terreiro do Paço de Lisbonne, il les réconforte: « La résurrection du Christ nous assure que aucun pouvoir hostile ne pourra jamais détruire l’Église ». Et puis il leur parle des désirs les plus profonds du cœur humain, des interrogations sur la souffrance, l’injustice et le mal, pour leur dire que seul le Christ peut répondre au besoin.

Transcendantal également le discours au monde de la culture dans ce qu’il approfondit le besoin d’une réconciliation active entre la tradition chrétienne et le meilleur de la pensée illustre et il interpelle les catholiques pour qu’ils apprennent une nouvelle forme d’être dans un monde pluriel. C’est un moment historique qui exige le meilleur de nos forces : audace prophétique et capacité pour exprimer avec de nouvelles formes l’expérience multiséculaire de l‘Église. Dans ce monde complexe et confus que s’éloigne de la sagesse héritée de la tradition chrétienne alors que l’échec de temps de fausses promesses est éprouvé, l’Église propose un dialogue sans détours et respectueux de tous les courants, pour ouvrir les portes vers la Vérité qu’elle annonce: le Logos incarné, le Dieu fait homme qui est mort et ressuscité. La forme de ce dialogue, de cette mission dans son sens le plus original, c’est quelque chose que l’Église elle-même est en train d’apprendre maintenant, dit Benoît XVI, avec une simplicité et une liberté qui désarment.

À Fátima le Pape fait allusion aux prêtres. Il leur parle comme un père et un frère, il leur rappelle l’immense dignité de leur vocation parce qu’il comprend leurs faiblesses, la tentation de la solitude et de la lassitude, les fausses illusions qui les guettent aussi. Il les prie de s’alimenter encore et encore à la source de la grâce, il leur demande de s’accompagner et de se soutenir mutuellement, qu’ils se resserrent autour du foyer de l’Église. Il leur rappelle le risque que Jésus a voulu assumer en confiant sa mission à des gens pauvres et faibles mais il les assure que cette pauvreté et cette faiblesse ne sont pas un empêchement pour celui qui se remet entièrement entre les mains du Christ et sous la protection de Marie au Cœur Immaculé auquel il les consacre.

Face à un demi - million de pèlerins Benoît XVI insiste sur le fait que ce serait une vaine illusion de penser que la mission prophétique de Fátima a déjà pris fin. Fátima parle de la souffrance qui accompagnera toujours le chemin de l’Église; Fátima parle du drame insondable de la liberté humaine, créée pour reconnaître Dieu avec amour mais capable de le repousser et de déchaîner un cycle de mort et de terreur comme nous en avons vu tant de fois dans l’histoire. Mais Fátima parle aussi et surtout d’un Dieu qui n’abandonne pas l’humanité, qui s’implique dans son histoire, qui sort pour assurer le sauvetage de l’homme égaré, qui fait se lever de nouveau l’Église prostrée. Fátima parle du repentir et de la pénitence qui jaillissent de celui qui reconnaît un Amour inconcevable qui le fait sortir de nouveau à sa rencontre. Le Pape évoque de nouveau la flamme de la foi qui peut s’étendre sur de vastes régions de la terre et il rappelle que la priorité est de rendre Dieu présent dans ce monde, faciliter l’accès des hommes au Dieu dont le visage nous a montré Jésus mort et ressuscité, l’unique qui peut engendrer l’humanité comme famille. Pour cela il est venu, pour cela souffre et travaille l’humble ouvrier de la vigne du Seigneur. Pour cela il s’est incliné aux pieds de Marie et lui a confié la douleur et l’espérance de ces semaines terribles, celles pendant lesquelles est semée la semence d’une rénovation dont il ne pourra peut-être pas contempler les fruits sur cette terre.