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Benoît XVI et la constitution de Hongrie

Discours à l'ambassadeur de Hongrie, le 6 décembre 2010: "La foi catholique fait sans aucun doute partie des piliers fondamentaux de l'histoire hongroise.... Il est souhaitable que la nouvelle Constitution soit inspirée par les valeurs chrétiennes, en particulier en ce qui concerne la position du mariage et de la famille dans la société et la protection de la vie" (15/6/2013).

>>> Cf. La Hongrie est chrétienne

Le 6 décembre 2010, Benoît XVI recevait avec une grande cordialité (les images en témoignent) Viktor Orban et sa famille, quatre jours après avoir reçu les lettres de créance du nouvel ambassadeur hongrois près le Saint-Siège.
Comme je le notais à l'époque, le discours adressé par le Saint-Père à l'ambassadeur figure sur le site du Vatican dans les différentes langues... mais pas en français. Cela reste vrai à ce jour (texte en italien ici).
Je l'avais déjà traduit partiellement, et voici la traduction complète:

Monsieur l'Ambassadeur ,

avec joie je vous souhaite la bienvenue en cette circonstance solennelle de la présentation des Lettres de Créance qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Hongrie auprès du Saint-Siège, et je vous remercie pour vos aimables paroles. Je suis reconnaissant pour les salutations respectueuses que vous m'avez présentées au nom de M. le Président, le Dr Pál Schmitt et du gouvernement, et que j'échange volontiers. Dans le même temps, je vous prie d'assurer vos compatriotes de ma sincère affection et de ma bienveillance.

Suite à la reprise des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République de Hongrie en 1990, il a été possible de développer une nouvelle confiance pour un dialogue actif et constructif avec l'Eglise catholique. Je nourris dans le même temps l'espoir que les blessures profondes de la conception matérialiste de l'homme, qui s'était emparée des cœurs et de la communauté des citoyens de votre pays pendant presque 45 ans, puissent continuer à guérir dans un climat de paix, de liberté et de respect de la dignité humaine.

La foi catholique fait sans aucun doute partie des piliers fondamentaux de l'histoire hongroise.
Lorsque, dans la lointaine année 1000, le jeune prince hongrois Etienne reçut la couronne royale que le Pape Sylvestre II lui avait envoyée, il y était joint le mandat de donner à la foi en Jésus-Christ un espace et une patrie dans cette terre. La piété personnelle, le sens de la justice et les vertus humaines de ce grand roi sont une référence élevée, qui sert de stimulant et d'impératif, aujourd'hui comme alors, à ceux à qui est confié le rôle de gouvernement ou des responsabilités de même type.
On n'attend certes pas de l'Etat qu'il impose une religion particulière, mais plutôt qu'il garantisse la liberté de professer et de pratiquer sa foi. Toutefois, la foi chrétienne et la politique se rejoignent. Certes, la foi a sa nature spécifique en tant que rencontre avec le Dieu vivant, qui nous ouvre de nouveaux horizons au-delà de la sphère de la raison. Mais c'est aussi une force purificatrice pour la raison elle-même, lui permettant de mieux accomplir sa tâche, et de mieux voir ce qui est juste. Il ne s'agit pas d'imposer des règles ou des modes de comportement à ceux qui ne partagent pas la foi. Il s'agit simplement de la purification de la raison, qui veut aider à faire en sorte que ce qui est bon et juste puisse, ici et maintenant, être reconnu et ensuite aussi réalisé (cf. Encyclique Deus Caritas Est, 28).

Au cours des vingt dernières années, depuis la chute du rideau de fer, événement dans lequel la Hongrie a joué un rôle remarquable, votre pays occupe une place importante dans la communauté des peuples. Depuis désormais six ans, la Hongrie est également membre de l'Union européenne. Ainsi, elle apporte une contribution importante au chœur à plusieurs voix des États européens. Au début de l'année prochaine, il reviendra à la Hongrie, pour la première fois, d'assumer la présidence du Conseil de l'UE.
La Hongrie est appelée de manière particulière à être un médiateur entre l'Est et l'Ouest. Déjà la Sainte Couronne, héritée par le roi Etienne, en reliant la coronna graeca circulaire avec la corona latina placée en arc au-dessus d'elle - les deux portent le visage du Christ et sont couronnées par la croix - montre comment l'Orient et l'Occident devraient se soutenir mutuellement et s'enrichir l'un l'autre à partir de l'héritage spirituel et culturel et la profession vivante de la foi. Nous pouvons comprendre cela comme un leitmotiv de votre pays.

Le Saint-Siège prend note avec intérêt des efforts déployés par les autorités politiques pour élaborer une modification de la Constitution. L'intention a été exprimée de vouloir, dans son préambule, faire référence à l'héritage du christianisme. Il est aussi souhaitable que la nouvelle Constitution soit inspirée par les valeurs chrétiennes, en particulier en ce qui concerne la position du mariage et de la famille dans la société et la protection de la vie.

Le mariage et la famille constituent un fondement décisif pour un sain développement de la société civile, des pays et des peuples. Le mariage, en tant que forme juridique de base du rapport entre un homme et une femme, et, en même temps, comme cellule fondamentale de la communauté de l'Etat, a été façonné aussi à partir de la foi biblique. De cette façon, le mariage a donné à l'Europe son aspect particulier et son humanisme, et c'est aussi justement parce qu'elle a dû apprendre et réaliser continuellement la caractéristique de fidélité et de renoncement tracée par lui. L'Europe ne serait plus l'Europe si cette cellule fondamentale de la construction sociale disparaissait ou venait substantiellement transformée. Nous savons tous, combien le mariage et la famille sont aujourd'hui en danger, d'un côté du fait de l'érosion de leurs valeurs plus intimes de stabilité et d'indissolubilité - en raison d'une libéralisation croissante du droit au divorce, et de l'habitude, toujours plus répandue, de la cohabitation d'un homme et d'une femme sans la forme juridique ni la protection du mariage -, de l'autre du fait de différents types d'union qui n'ont aucun fondement dans l'histoire de la culture et du droit en Europe. L'Eglise ne peut pas approuver des initiatives législatives qui impliquent une mise en valeur des modèles alternatifs de la vie de couple et de la famille. Ils contribuent à l'affaiblissement des principes du droit naturel et ainsi à la relativisation de toute la législation, ainsi que de la conscience des valeurs de la société.

«La société toujours plus mondialisée, nous rend voisins, mais ne nous rend pas frères» (Encyclique Caritas in Veritate, 19 ). La raison est en mesure de garantir l'égalité entre les hommes et d'établir une coexistence civique, mais elle ne réussit pas, en fin de compte, à fonder la fraternité. Celle-ci tire son origine d'une vocation surnaturelle de Dieu, qui a créé l'homme par amour et nous a enseigné par Jésus-Christ ce qu'est la charité fraternelle. La fraternité est, en un certain sens, l'autre côté de la liberté et de l'égalité. Elle ouvre l'homme à l'altruisme, au sens civique, à l'attention à l'autre. La personne humaine, en effet, n'est elle-même que quand elle dépasse la mentalité axée sur ses propres prétentions et se projette dans l'attitude du don gratuit et de la solidarité authentique qui répond beaucoup mieux à sa vocation communautaire.

L'Église catholique, comme les autres communautés religieuses, joue un rôle non négligeable dans la société hongroise. Elle s'engage sur une grande échelle avec ses institutions dans le domaine de l'enseignement scolaire et de la culture, ainsi que de la vie sociale, et contribue ainsi à la construction morale, vraiment utile à votre pays. L'Eglise espère pouvoir continuer, avec l'appui de l'Etat, à réaliser et à intensifier ce service pour le bien de l'humanité et pour le développement de votre pays. La collaboration entre l'Etat et l'Eglise catholique dans ce domaine peut également se développer dans l'avenir et pourrait donner des avantages pour tout le monde.

Monsieur l'Ambasssadeur, au début de votre noble tâche, je vous souhaite une mission pleine de succès, et je vous assure en même temps le soutien et l'appui de mes collaborateurs. Puisse Sainte Marie, Magna Domina Hungarorum , étendre sa main protectrice sur votre pays. De tout cœur, j'implore pour vous, Monsieur l'Ambassadeur, pour votre famille, pour vos collaborateurs de l'Ambassade et tout le peuple hongrois l'abondante bénédiction divine.