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Hommage au Cardinal Tonini (2)

En avril 2012 , une interviewe dans l'Avvenire: "Sept ans avec Ratzinger. La foi simple d'un très grand théologien" (30/7/2013)

Voir les deux précédents articles:
¤ Le cardinal Tonini est mort
¤ Hommage au Cardinal Tonini (1)

Voici, publié sur l'Avvenire du 18 avril 2012, ce qu'on peut considérer comme les voeux d'anniversaire au Pape du cardinal de presque 98 ans, qui célébrait ce jour-là ses 75 ans de sacerdoce

"L'Esprit a vraiment soufflé sur le Conclave: il fallait un chrétien comme cela, théologien et pourtant simple; professeur et pourtant fils du peuple".

     

Sept ans avec Ratzinger
Tonini: la foi simple d'un très grand théologien
(www.avvenire.it)
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Il le connaissait bien avant qu'il ne devienne Pape.
Dans les années quatre-vingt, Joseph Ratzinger était pour Ersilio Tonini, outre le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, ce cardinal allemand à l'expression douce qui ne manquait jamais les séminaires et les rencontres au Vatican; toujours attentif, gentil, et de peu de mots, cependant, comme quelqu'un qui aime écouter, plutôt que dire son mot.
Le cardinal Tonini, Archevêque émérite de Ravenne-Cervia, aura 98 ans en Juillet de cette année, et donc pour lui Ratzinger pourrait être un frère bien plus jeune.
Mais, à écouter ses souvenirs, on saisit une sympathie, presque un lien de parenté entre les deux, entre Tonini, né dans une ferme de la province de Plaisance, fils de paysans, et le Pape, venu au monde dans une petite ville de Basse-Bavière, fils un policier, mais issu lui aussi d'une famille d'agriculteurs.

«J'aimais - se rappelle le cardinal - cette douceur et cette gentillesse d'allemand du Sud, et le trait spontané des amitiés qu'il savait nouer. Un jour, je fus chargé de tenir des méditations devant la Curie romaine. Par endroit, comme je connaissais l'allemand, j'en utilisai quelques mots. Alors lui, dans l'assemblée, me souriait, comme pour m'encourager, ou peut-être heureux d'entendre parler sa langue maternelle».
Ou peut-être que ces deux-là avaient déjà en commun une autre langue, dans la foi populaire héritée de la mère et du père: profonde, tenace dans toutes les situations ou les épreuves.

En 2005, Tonini avait déjà dépassé quatre-vingts ans, il n'était donc plus cardinal électeur. Présent, toutefois, aux sessions préliminaires du conclave, où le cardinal-doyen Ratzinger préparait ses confrères à voter. «Devant l'assemblée - se rappelle-t-il - il esquissa un bref aperçu de la situation de l'Eglise universelle et des défis que le nouveau pape allait devoir affronter. Je l'écoutai, et mesurai à quel point il était compétent, et mesuré, et lucide dans son discours, et je me dis en moi-même: l'élu, ce pourrait bien être lui ».

Et en effet.
Sept ans ont passé. Hier, Tonini a célébré ses 75 ans de sacerdoce: il a été ordonné le 18 Avril 1937, alors que Joseph Ratzinger venait d'avoir dix ans (cela vous donne le vertige, un témoin si ancien, l'un des rares pour lesquels le Pape, avec ses 85 ans, est presque jeune).
Dans le silence de l'Institut Sainte Thérèse, de Ravenne, Tonini dit encore: «Un homme doux, oui; et pourtant, courageux. Quelqu'un qui n'aime pas les voix tonnantes, mais qui dit, et qui dit net. Comme il l'a démontré en affrontant le drame de la pédophilie dans l'Eglise. Avec des mots clairs, mais pas accusateurs, et même un ton de douleur».

«Dans les années quatre-vingt - poursuit le cardinal - j'avais été frappé par un de ses premiers livre, 'Introduction au christianisme', pour la limpidité de la logique et de l'écriture, dénuée de tout artifice rhétorique. Le même style que j'ai trouvé dans 'Jésus de Nazareth', accompagné en même temps d'une grande profondeur théologique»

- Eminence, les deux volumes consacrés à Jésus semblent trouver un incipit idéal dans les premières lignes de la première encyclique Deus caritas est , où le Pape écrit: «Au commencement de "l'être" chrétien, il n'y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, une personne qui donne à la vie un nouvel horizon.». On croit y lire le besoin urgent de témoigner de nouveau aux gens de l'historicité réelle de Jésus, et de ce qui est narré dans les Évangiles.

Le cardinal Tonini répond: «Oui, c'est le coeur du christianisme à toutes les époques, mais que chaque génération a besoin de s'entendre à nouveau témoigner. Et encore plus notre génération, après le positivisme, après le rationalisme. C'est pourquoi en 2005, à la tête de l'Eglise, il ne suffisait pas d'un homme pieux, mais fallait quelqu'un qui ait le pouls, la perception exacte de la situation historique, des défis du troisième millénaire; parce que le christianisme doit s'incarner, doit être, encore et encore, une histoire d'hommes».

Ce professeur et théologien de peu de mots, témoigne le cardinal, «très aimé et écouté de Jean-Paul II», venait encore rappeler aux gens cette vérité antique: « Avant tous les autres, peut-être avant un Italien, un Pape venu de l'Allemagne a pu se rendre compte du niveau de sécularisation croissante en Europe, de la nécessité de redire la foi avec des mots compréhensibles aujourd'hui, ce qui est le grand effort de toute son oeuvre. Cette conjugaison passionnée de foi et raison qu'il nous a enseigné à Ratisbonne; le splendide discours à l'intelligentsia de la France au Collège des Bernardins, en 2008, quand il a comparé notre temps à celui du discours de Paul à l'Aréopage. Quand il a dit que même si aujourd'hui nos rues ne sont plus remplis d'images de dieux nombreux, pour beaucoup aujourd'hui encore, Dieu est un inconnu (et, comme alors, le Pape dit, «l'actuelle absence de Dieu est aussi tacitement hantée par la question Le concernant»).

« Quaerere Deum », donc, comme l'a répété le Pape à Paris, dans l'urgence existentielle invoquée en cet ancien couvent qui est parmi les racines de l'Occident chrétien. Rechercher Dieu par la foi et la raison, avec le sentiment, dans un fil idéal qui se poursuit dans Caritas in veritate, que la raison sans la foi est destinée à se perdre dans l'illusion de sa toute-puissance. Un thème très cher à Tonini, observateur attentif des questions de bioéthique et de fécondation in vitro, dans lesquelles il a toujours perçu une «ubris», un défi à la nature de l'homme - à son "être" créature.

«Voyez-vous - explique le cardinal - c'est l'écho d'un même milieu culturel, populaire et profondément chrétien, la raison pour laquelle Ratzinger, bien qu'étranger, m'a toujours semblé si familier».
Une matrice chrétienne héritée de siècles de tradition, chose qui, pour Tonini, explique aussi un caractère fondamental de ce Pape: «C'est un homme qui n'a pas peur; il a confiance en Dieu et en l'Eglise, il se confie fermement à la Providence».
Les traces de ces racines, pour Tonini, se retrouvent également dans le choix du Curé d'Ars comme modèle pour l'Année sacerdotale: «Regardez ce prêtre, cet humble curé de campagne, quelle conscience éclairée et profonde il gardait au plus profond de lui-même. Vous voyez comme les racines de Ratzinger refont constamment surface dans son pontificat?»

Le Pape, qui a derrière lui des siècles de foi populaire, est aussi, cependant, celui qui dans Spe salvi se demande, nous demande, presque comme une provocation, si l'espérance chrétienne opère encore vraiment en nous, si elle est vraiment concrète au point de transformer déjà l'heure actuelle. Le cardinal dit : «C'est aussi cela, l'urgence que cet homme ressent, l'urgence d'annoncer qu'aujourd'hui, encore, tout est vrai: vraies la naissance, la mort et la résurrection. L'urgence de nous le dire à nous, hommes d'une époque d'immenses défis. Vous voyez, l'Esprit a vraiment soufflé sur le Conclave: il fallait un chrétien comme cela, théologien et pourtant simple; professeur et pourtant fils du peuple. Un de ceux, personnellement j'en suis convaincu, particulièrement chers à Dieu; car ils lui faire confiance, et n'ont pas peur».