La liberté de Benoît XVI
Extrait d'une émission de la série "La foi prise au mot" sur KTO, consacrée au thème de la liberté. Il est question de la renonciation de Benoît XVI. Transcription d'un extrait (20/5/2013)
Mon amie Geneviève m'écrit:
Nous avons, ce soir, écouté sur KTO une émission intitulée "La foi prise au mot: Liberté" (1), avec le Fr. Laurent Lemoine (43 ans), un Dominicain, et Soeur Marguerite Léna (74 ans), une religieuse philosophe et ancienne enseignante en prépa.
C'était très, très intéressant ..
Mais surtout, peu après le milieu de l'entretien, cette religieuse a fait, en quelques mots, une très belle analyse sur la façon dont Benoit XVI avait annoncé sa "renonciation".
Cela m'a beaucoup émue. J'ai pensé que vous auriez peut-être plaisir à entendre ces quelques phrases.
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(1) La vidéo est disponible sur le site de KTO: http://www.youtube.com/
J'ai transcrit les propos de Soeur Marguerite Léna (à partir de la 22-23e minute).
Soeur ML: Vous citiez le Pape François, cette dimension de bonté tellement importante aujourd'hui, moi, je voudrais citer la formule qu'a utilisée - car ça m'a beaucoup frappée - le pape Benoît XVI pour annoncer sa renonciation. Il a dit - je crois que je cite à peu près exactement - il a dit quelque chose comme "Après avoir longuement examiné ma conscience devant Dieu, j'ai acquis la certitude, etc...".
Examiner ma conscience: ça suppose une intériorité. Ça suppose qu'un choix libre soit un choix dans lequel on a pris le temps d'examiner sa conscience.
Examinons-nous souvent notre conscience? Devant Dieu? Ça, c'est peut-être le privilège du croyant, de savoir que ces choix peuvent être en harmonie, en syntonie, avec l'Esprit Saint.
J'ai acquis la certitude: c'est très rare que les gens actuellement disent "j'ai la certitude" autrement que dans un fonctionnement idéologique. Et donc pour moi, c'est exemplaire de ce qu'est la liberté chrétienne. Et je mets aussi en relation avec cette affirmation toute simple de notre foi, c'est-à-dire que le dernier mot du réel n'est ni la politique, ni l'économie, ni la sociologie, ni la philosophie etc.. , même si toutes ces réalités sont tout à fait importantes, mais j'ai toujours le moyen d'en appeler à une instance plus haute. Et du coup je suis libre, par rapport au bien entendu social, au bien entendu politique, au bien entendu économique, etc.. Quelquefois, cela coûte cher. Mgr Vingt Trois l'a rappelé dans son introdution de l'Assemblée des évêques de France. On est dans une socité qui n'est pas immédiatement chrétienne... de moins en moins immédiatement chrétienne.
KTO: Pour reprendre cet exemple de Benoît XVI, en même temps, il fait quelque chose qui est un peu interdit au niveau de la représentation symbolique. On a dit quelquefois "le Pape ne doit pas démissionner", parce que ça atteint à sa fonction. Mais il a osé le faire. Qu'en pensez-vous?
Soeur ML: Eh bien il a osé le faire, justement, comme un très beau témoignage de ce que la foi chrétienne n'est même pas prisonnière de la distinction profane/sacré, qui est l'horizon ... du religieux universel. Mais il y a un au-delà de cela, qui est la catégorie de la sainteté. Benoît XVI a jugé que, pour remplir sa mission de sanctification du peuple de Dieu, il fallait qu'il donne la place à quelqu'un de plus jeune, de plus... Et il l'a fait. Et il n'était pas prisonnier de la figure sacrale de la papauté, parce qu'il était fidèle à la vocation à la sanctification qui n'est pas seulement à la papauté, qui est celle de tout prêtre, qui est celle de tout laïc. Ça fait partie du "paquet cadeau" du baptême..
Frère LL: Il était prévu qu'il le fasse, puisque c'est prévu qu'un Pape peut le faire. Il a estimé qu'il devait le faire, en conscience, comme vous le rappelez, il a suivi toutes les étapes d'un discernement, et qu'est-ce qu'un discernement? c'est quelque chose que l'on fait quand vraiment la situation est complexe; donc il a fait un vrai discernement, pas seulement un discernement moral ou même éthique, mais un discernement devant Dieu, spirituel, et il a acquis la certitude que sa liberté était suffisamment informée pour pouvoir prendre cette décision, donc c'était un exercice en acte, parfaitement mené, d'un véritable discernement. Et effectivement, cela a pu déstabiliser certains mais on est trop habitués à cette confusion entre le sacré et... finalement l'Evangile; et l'Evangile vient toujours subvertir le sacré auquel nous sommes spontanément habitués. C'était donc un véritable acte de liberté.
