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Quand Benoît XVI parlait aux enfants

Le 30 mai 2009, il se livrait avec bonne humeur au jeu des questions-réponses avec des enfants de l'Oeuvre Pontificale pour l'enfance Missionnaire (31/5/2013)

Je reprends ici des éléments de mon site de 2009.

Le Pape et Letitia

Ce samedi-là, Benoît XVI recevait dans la salle Paul VI, 7000 enfants de l'Oeuvre Pontificale pour l'Enfance Missionnaire.
Pour ceux qui s'en souviennent, ce fut une sorte de remake d'une mémorable rencontre avec les enfants du diocèse de Rome préparant leur première communion, en octobre 2005. Je suis en bonne compagnie, lorsque j'évoque ce souvenir avec émotion. Un vaticaniste "sérieux" comme George Weigel, en était resté sans voix!

On peut voir l'enregistrement video (formidable) sur KTO, et juger "en direct" de la gentillesse, de la spontanéité et de l'extraordinaire simplicité du Saint-Père répondant aux enfants. (Le Saint-Père arrive à 1h35 du début de la video).

Radio Vatican (italien) décrivait l'évènement ainsi:
"Grand enthousiasme, ce matin, dans la Salle Paul VI pour la Fête « Enfants, Missionnaires comme Paul » : 7000 Enfants de l'Oeuvre Pontificale pour l'Enfance Missionnaire provenant du monde entier se sont réunis au Vatican pour rencontrer Benoît XVI et pour réfléchir sur la figure de Saint Paul. Avec eux, le Pape a parlé de son enfance en Allemagne et de l'importance de la prière et du partage. Et il n'a pas manqué de leur confier ses sentiments au moment de son élection comme Pontife.
Des chants festifs, des choeurs de gospel, des banderoles colorées et, aussi, des témoignages et des écrans sur la vie de Jésus et de l'Apôtre des Gentils ont précédé le clou de la matinée dans la salle Paul VI : l'entretien entre le Saint Père et trois enfants de l'Oeuvre pour l'Enfance Missionaire. Papa Benedetto a répondu a braccio aux questions des enfants et il n'a pas manqué de satisfaire la curiosité d'un des petits fidèles ".


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J'avais à l'évoque traduit l'intégralité de l'échange, avant sa publication "officielle" sur le site du Vatican, avec mes commentaires, et je reproduis l'ensemble ci-dessous.

     

Certes, ce n'est pas de la grande théologie, comme il sait le faire, quand il s'adresse à ses pairs, ou même une catéchèse pédogogique mais érudite et exigeante, comme celles qu'il livre chaque mercredi: certains vont donc pincer les lèvres, et "zapper".
Pourtant, là plus qu'ailleurs, on trouve l'homme, qui se révèle un peu à nous, dans toute sa richesse spirituelle, sa gentillesse (qui est sa marque distinctive, très loin de la froideur que certains prétendent lui attribuer!) et sa simplicité.
Mais cette simplicité (puisqu'elle s'adresse à des enfants) touche le coeur de la foi, avec un message qui nous concerne tous: comment être missionnaire, dans notre monde?
Le Saint-Père répond: Vivre les points essentiels comme le partage, la connaissance de Jésus, la prière, l'écoute réciproque et la solidarité est une oeuvre missionnaire, parce qu'elle aide à faire en sorte que l'Évangile devienne réalité dans notre monde.

Cette simplicité dans la relation avec les enfants renvoie à ses souvenirs personnels de jeune prêtre, tels qu'il les raconte dans son autobiographie.
Après son ordination, il prit les fonctions de vicaire à la Paroisse du Précieux Sang, à Munich, et comme tel, il devait assurer "seize heures de catéchisme dans cinq classes différentes"; Et, dit-il, malgré la lourdeur de la tâche "le travail avec les enfants à l'école, qui m'amenait naturellement à rencontrer les parents, se transforma vite en une grande joie". ("Ma vie", J. Ratzinger, pages 78-79)

Et, dans Le sel de la Terre (pages 63-64), il répond à Peter Seewald:
"Comme aumônier, je devais donner seize heures d'instruction religieuse par semaine, dans six classes différentes, de la deuxième à la huitième. C'est une grosse masse de travail, surtout quand on vient tout juste de débuter. Rien que pour le nombre d'heures, c'était mon occupation principale ; je l'aimais beaucoup, parce que j'ai eu très vite un bon rapport avec les enfants. Il était intéressant pour moi de sortir de la sphère intellectuelle et d'apprendre à parler avec des enfants. Je trouvais très beau de transposer tout le monde abstrait des concepts pour qu'il parle même à un enfant.
Je devais prononcer trois sermons chaque dimanche, un pour les enfants et deux pour les adultes. De manière étonnante, c'était l'office pour les enfants qui attirait le plus de monde, les adultes y sont venus tout à coup eux aussi. J'étais le seul aumônier et j'ai assumé tout seul, chaque soir, l'instruction de la jeunesse".

(benoit-et-moi, 30 mai 2005)

     

Transcription intégrale (ma traduction)
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Première question : Je m'appelle Anna Filippone, j'ai douze ans, je suis servante de messe (enfant de choeur), je viens de la Calabre, ... Papa Benedetto, mon ami Giovanni a un papa italien et une mère équatorienne et il est très heureux. Penses-tu que les différentes cultures un jour pourront vivre sans se quereller au nom de Jésus? [note de moi: la question laisse deviner à quel point les enfants d'aujourd'hui sont "formatés". Mais le saint-Père ramène le problème à la dimension de leur âge, et répond très habilement, parvenant à leur faire comprendre comment, dans la Bavière d'il y a trois quarts de siècles, les différences de dialecte pouvaient dresser des murs entre des gens habitant à 30km de distance, et aussi pouvaient ressembler aux différences "culturelles" d'aujourd'hui]

Saint Père : J'ai compris que vous voulez savoir comment nous, comme enfants, nous avons fait pour nous aider réciproquement. Je dois dire que j'ai vécu les années de l'école elémentaire dans un petit pays de 400 habitants, très loin des grands centres (Aschau, ndt).
Nous étions donc un peu naïfs et dans ce pays il y avait, d'une part, des agriculteurs très riches et aussi d'autres moins riches mais aisés, et, de l'autre côté, de pauvres employés, des artisans.
Notre famille, peu avant que je ne commence l'école elémentaire était arrivée dans ce pays venant d'un autre pays, donc nous étions un peu des étrangers pour eux, même le dialecte était différent. Dans cette école, donc, se reflétaient des situations sociales très différentes. Il y avait toutefois une belle communion entre nous. Ils m'ont enseigné leur dialecte, que je ne connaissais pas encore. Nous avons bien collaboré et, je dois dire, quelquefois naturellement aussi querellés, mais après nous sommes réconciliés et avons oublié ce qui s'était produit.
Ceci me semble important. Quelquefois , dans la vie humaine, il semble inévitable de se quereller ; mais l'important reste, de toute façon, l'art de se réconcilier, de pardonner, de recommencer à nouveau et de ne pas laisser d'amertume dans son âme. Avec gratitude, je me rappelle combien nous avons tous collaboré : l'un aidait l'autre et nous allions ensemble notre route.
Nous étions tous catholiques, et cela était naturellement une grande aide. Ainsi nous avons appris ensemble à connaître la Bible, en commençant par la création jusqu'au sacrifice de Jésus sur la croix, et ensuite aussi les débuts de l'Église. Nous avons appris ensemble le catéchisme, nous avons appris ensemble à prier, nous nous ensemble préparés pour la premier confession, pour la première communion : celui-là fut un jour splendide. Nous avons compris que Jésus vient même aussi chez nous et qu'Il n'est pas un Dieu lointain : il entre dans ma sa vie, dans mon âme. Et si le même Jésus entre dans chacun de nous, nous sommes des frères, des soeurs, des amis et nous devons donc nous comporter comme tels. Pour nous, cette préparation, que ce soit à la première confession comme purification de notre conscience, de notre vie, et ensuite aussi à la première communion comme rencontre concrète avec Jésus qui vient chez moi, qui vient chez nous tous, ont été des facteurs qui ont contribué à former notre communauté. Ils nous ont aidés à aller ensemble, à apprendre ensemble à nous réconcilier lorsque c'était nécessaire.
Nous avons fait aussi de petits spectacles : il est important aussi de collaborer, d'avoir de l'attention l'un pour l'autre. Ensuite à huit ou neuf ans je me suis fait enfant de choeur. Dans ce temps il n'y avait pas encore de filles enfants de choeur (chierichette), mais les filles lisaient mieux que nous. Elles lisaient donc les lectures de la liturgie, nous faisions les enfants de choeur.
Dans ce temps il y avait encore beaucoup de textes latins à apprendre, ainsi chacun a eu sa part d'effort à faire.
Comme j'ai dit, nous n'étions pas des saints : nous avons eu nos disputes, mais toutefois il y avait une belle communion, où les distinctions entre riches et pauvres, entre intelligents et moins intelligents ne comptaient pas. C'était la communion avec Jésus dans le chemin de la foi commune et dans la responsabilité commune, dans les jeux, dans le travail commun.
Nous avons trouvé la capacité de vivre ensemble, d'être amis, et bien que depuis 1937, c'est-à-dire plus de soixante-dix ans, je n'ai plus été dans ce pays, nous sommes encore restés amis. Donc nous avons appris à nous accepter les uns des autres, à porter le poids l'un de l'autre. Ceci me semble important : malgré nos faiblesses on s'accepte et avec Jésus Christ, avec l'Église nous trouvons ensemble la route de la paix et apprenons à bien vivre.

Deuxième question : Je m'appelle Letitia et je te voulais te faire une question. Cher Pape Benoît XVI, qu'est-ce que cela voulait dire pour toi quand tu étais enfant la devise : « Que les enfants aident les enfants » ? Aurais-tu jamais pensé devenir Pape?

Saint Père (rire) : À dire la vérité, je n'aurais jamais pensé devenir Pape, parce que, comme j'ai déjà dit, j'ai été un garçon assez naïf dans un petit pays très loin des centres, dans une province oubliée.
Nous étions heureux d'être dans cette province et nous ne pensions pas à autre chose. Naturellement nous avons connu, avons vénéré et aimé le Pape - c'était Pie XI - mais pour nous, il était à une hauteur impossible à atteindre, un autre monde presque : il était notre père, mais toutefois une réalité très supérieure à nous tous.
Et je dois dire qu'encore aujourd'hui j'ai de la difficulté à comprendre comment le Seigneur a pu penser à moi, me destiner à ce ministère. Mais je l'accepte de ses mains, même si c'est une chose surprenante et qui me semble très au-delà de mes forces. Mais le Seigneur m'aide.

Troisième question : Cher Pape Benoît, je suis Alexandre. Je voulais te demander : tu es le premier missionnaire, nous, les enfants, comment pouvons-nous t'aider à annoncer l'Évangile?

Saint Père : Je dirais qu'une première façon est celle-ci : collaborer avec l'Action Pontificale de l'Enfance Missionnaire. Ainsi vous êtes une partie d'une grande famille, qui porte en avant l'Évangile dans le monde. Ainsi vous appartenez à une grand réseau. Nous voyons ici comment elle reflète la famille des peuples différents. Vous êtes dans cette grande famille : chacun y a sa part et ensemble vous êtes des missionnaires, porteurs de l'oeuvre missionnaire de l'Église.
Vous avez un beau programme, indiqué par votre porte-parole : écouter, prier, connaître, partager, être solidaires. Cee sont les éléments essentiels qui réellement sont une manière d'être missionnaire, de porter en avant la croissance de l'Église et la présence de l'Évangile dans le monde. Je voudrais souligner quelques-uns de ces points.

¤ D'abord, prier.
La prière est une réalité : Dieu nous écoute et, lorsque nous prions, Dieu entre dans notre vie, devient présent parmi nous, à l'oeuvre. Prier est une chose très importante, qui peut changer le monde, parce que cela rend présent la force de Dieu. Et il est important de s'aider en priant : nous prions ensemble dans la liturgie, nous prions ensemble en famille. Et ici je dirais qu'il est important de commencer la journée avec une petite prière et ensuite aussi finir le jour avec une petite prière : se rappeller des parents dans la prière. Prier avant le déjeuner, avant le dîner, et à l'occasion de la célébration commune du dimanche.
Une dimanche sans la messe, la grande prière commune de l'Église, n'est pas un vrai dimanche : il manque vraiment le coeur du dimanche et ainsi même la lumière pour la semaine.
Et vous pouvez aussi aider les autres - spécialement lorsque peut-être à maison on ne prie pas, on ne connaît pas la prière - enseigner aux autres à prier : prier avec eux et ainsi introduire les autres dans la communion avec Dieu.
¤ Ensuite, écouter, c'est-à-dire apprendre réellement ce que dit Jésus.
En outre, connaître la Sainte Écriture, la Bible. Dans l'histoire de Jésus nous apprenons - comme l'a dit le Cardinal - la face de Dieu, nous apprenons comment est Dieu. Il est important de connaître Jésus profondement, personnellement. Ainsi il entre dans notre vie et, par notre vie, il entre dans le monde.
¤ Et aussi partager, ne pas vouloir les choses seulement pour nous mêmes, mais pour tous ; partager avec les autres.
Et si nous voyons un autre qui peut-être en a besoin, qui est moins doué, nous devons l'aider et ainsi rendre présent l'amour de Dieu sans grands mots, dans notre petit monde personnel, qui fait partie du grand monde. Et ainsi nous devenons ensemble une famille, où chacun a du respect pour l'autre : supporter l'autre dans son altérité, accepter vraiment même ceux qui sont antipathiques, ne pas laisser qu'ils soient mis en marge, mais les aider à s'insérer dans la communauté. Tout ceci veut dire simplement vivre dans cette grande famille de l'Église, dans cette grande famille missionnaire : Vivre les points essentiels comme le partage, la connaissance de Jésus, la prière, l'écoute réciproque et la solidarité est une oeuvre missionnaire, parce qu'elle aide à faire en sorte que l'Évangile devienne réalité dans notre monde.