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Un ange gardien du Pape, Domenico Giani (2)

L'interviewe complète de Domenico Giani dans le mensuel de la police italienne. Un grand professionnel, mais aussi un homme sensible, et de foi profonde. c'est un portrait qui peut surprendre... (21/5/2013)

On apprend avec surprise qu'il est affilié à l'Ordre franciscain...

Cf.
Un ange gardien du Pape, Domenico Giani (1)

     

Gendarme de la foi
Entretien exclusif avec le capitaine de la gendarmerie du Vatican, Domenico Giani
http://www.poliziadistato.it/
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Il a souvent été appelé l'ange gardien du pape. En réalité, il répète qu'il est «une petite goutte d'eau dans la mer de la Providence».
Domenico Giani est le commandant de la gendarmerie du Vatican, autrement dit la police des États pontificaux, et aussi de la brigade de pompiers, assumant son mandat à la tête des services de sécurité et de protection civile. Mais en premier lieu, il est responsable de la sécurité du successeur de Pierre. Tâche complexe, que celle de la gendarmerie (à ne pas confondre avec les gardes suisses, l'armée du Pape) qui s'ocupe à trois cent soixante degrés de la sécurité de l'Etat du Vatican, de la police administrative à l'ordre public, de la prévention à la police routière et des frontières. Une tâche caractérisée par un esprit de service imprégné de foi, comme le raconte le commandant Giani dans une interview exclusive pour Poliziamoderna, justement à l'occasion du dernier conclave qui a revêtu des connotations extraordinaires et sans précédent en raison du geste solennel du renoncement de Benoît XVI.

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- Depuis les jours précédant immédiatement le Conclave, jusqu'à l'élection du nouveau Pape, l'intérêt du monde entier s'est concentré sur le Vatican. Du point de vue de la sécurité, vous vous trouviez face à un grand défi?
- Comme j'aime toujours répéter, déjà au quotidien, nous sommes appelés à sécuriser avec un engagement maximum ce petit territoire d'importance planétaire. Le Vatican est à la fois le plus petit Etat mais probablement le plus important dans le monde, parce que Pierre, qui aujourd'hui s'appelle François, auparavant s'appelait Benoît XVI, est le symbole le plus important et le plus influent qu'a l'humanité, à la fois pour le bien de ce qu'il représente, et malheureusement aussi comme cible potentielle de malintentionnés. Le Pape est indubitablement un patrimoine de toute l'humanité. Reste donc pour nous, chaque jour, la plus grande attention pour sa sécurité personnelle et pour celle de l'Etat du Vatican, et aussi de tous ceux qui y vivent et y travaillent, bien sûr. Avoir les yeux du monde fixés sur lui, dans ces moments particuliers d'importance historique comme une succession de Pierre, signifie augmenter la garde, même sur les plus petits épisodes tels que l'histoire d'un homme qui a escaladé la coupole de Saint-Pierre pour organiser une manifestation.

- En plus du déroulement des activités quotidiennes régulières, quelles ont été les charges exceptionnelles et les tâches particulières que la gendarmerie a dû effectuer pendant la phase délicate du conclave?
- Je commencerai par dire que la renonciation au Ministère pétrinien de la part de Benoît XVI a été une grande surprise pour nous, aussi pour les relations profondes que nous avons liées avec le Saint-Père durant toutes ces années. C'était certainement une nouvelle inattendue, mais immédiatement acceptée pour seconder les désirs du pape Ratzinger qui a décidé de s'engager dans cette voie, en remettant l'Église entre les mains de la Providence. Notre tâche est tout de suite devenue plus grande, car d'une part il fallait penser à la nouvelle destination temporaire de Benoît XVI, et de l'autre, planifier la sécurité du Conclave et l'intronisation qui suivrait, même si dans ce cas, grâce à Dieu, il n'y avait pas l'évènement des funérailles. La tâche était, par exemple, la nécessité de veiller à la sécurité physique de tous les cardinaux qui arrivaient à Rome pour l'élection du nouveau pape, mais surtout il y avait la nécessité de protéger les environnements où aurait lieu le Conclave et d'empêcher les fuites d'information et les infiltrations de l'extérieur, un très grand défi, que nous avions déjà affronté au Conclave 2005.
L'intronisation, en revanche, a conduit à une plus grande attention à la sécurité des délégations étrangères venues du monde entier. Au Vatican, nous avons des protocoles très stricts qui nous permettent de travailler au mieux pour protéger les personnalités de passage. Tout cela a eu lieu à travers la collaboration habituelle et quotidienne avec les autorités de la police italienne, en premier lieu avec l'Inspection de la Sécurité publique, et avec la police des différentes nations. Certes, un défi relevé grâce à un personnel hautement qualifié, avec l'équipement le plus innovant sans oublier la proximité, c'est-à-dire la présence capillaire des hommes appelés à opérer sur la Place Saint-Pierre et au Vatican.

- Quelles ont été vos premières tâches, au lendemain de l'intronisation du pape François?
- Les premières sorties-surprise, et inattendues, effectuées par le Saint-Père à Sainte-Marie Majeure et à un hôpital pour rendre visite au cardinal Jorge Mejia. Ce sont aussi des situations très sympathiques, d'une certaine façon, parce que, comme c'est désormais bien connu des gens, le Pape était auparavant habitué à voyager en bus, en métro, à pied, et dans un premier temps, il voulait aller à Sainte-Marie Majeure d'une manière, disons, plutôt informelle. Mais le Pape a immédiatement compris quelles étaient les nouvelles exigences liées à la fonction à laquelle il avait été appelé, et donc, toujours en accord avec l'Inspectorat du Vatican, nous avons tout organisé vite et bien.
La täche suivante était liée à la nouvelle résidence, étant donné que le Pape n'est pas allé dans l'appartement apostolique, mais a choisi de résider à Sainte Marthe, ce qui a créé la nécessité de réviser certains protocoles et de renforcer la surveillance dans cette partie des Etats pontificaux .. Notre attention se porte également sur ses contacts, parce que François aime les relations humaines vivantes, par exemple, il aime pouvoir saluer les enfants et le plus possible de fidèles, sur la Place. Mais ceci est naturel pour un Pontife. Quand j'organise les voyages dans le monde du Saint-Père, je vais d'abord dans le pays pour inspecter les lieux, je prends contact avec les collègues des services de police et des services de renseignement des autres Etats, et j'explique toujours que le pape est d'abord et avant tout un prêtre. Il est donc évident que, dans sa vocation il y a une proximité avec les gens, le désir d'être parmi les gens. C'est une caractéristique qu'avaient aussi Benoît XVI et Jean-Paul II (les papes que j'ai servis avant François). Je dois dire que cette façon de François d'être proche des plus faibles et des plus humbles, est très belle et appréciée par les gens. Naturellement, cela comporte une activité serrée de prévention, réalisée à travers les contrôles effectués avant les événements, avec les collègues de l'Inspectorat et les autres collègues des pays du monde où nous nous rendons. Ce travail de prévention nous fait sentir beaucoup plus sereins. Bien sûr, il est toujours possible qu'il y ait l'exalté ou la personne qui essaie de s'approcher de trop près, mais la plupart du temps, ce n'est pas par intention malveillante, pour l'agresser, mais plutôt pour témoigner l'amour pour le Pape, quoique de façon excessive. Et ce sont des situations que nous réussissons toujours à gérer positivement.

- Pouvez-vous nous raconter comment s'est passée votre première rencontre avec le pape François et les émotions que vous avez éprouvées?
- Ma première rencontre a eu lieu dans la chapelle Sixtine immédiatement après l'élection. Ma formation spirituelle est franciscaine, je suis également affilié à l'Ordre franciscain, alors quand j'ai appris que le Pape avait choisi de s'appeler François, j'ai été trés ému. Puis il y a eu aussi une rencontre très émouvante, mais je préfère la chérir jalousement dans mon coeur.

- Dès le soir du 28 Février 2013, la gendarmerie a assumé la responsabilité de protéger le pape émérite Joseph Ratzinger. Comment vivez-vous la mission singulière et la nouvelle mission de défendre le Pape émérite?
- Le Saint Père Ratzinger vit dans une sorte de retraite spirituelle à Castel Gandolfo, qui est un endroit qui lui est très familier et qu'il aime beaucoup. Je dirais que cela ne représente pas un gros problème de sécurité. La zone dans laquelle vit le Saint-Père est couverte 24 heures sur 24, à nouveau en colloboration avec la police d'État et les carabiniers. Le Pape fait des promenades quotidiennes, la prière, l'étude, des activités qui n'impliquent pas de préoccupations majeures en matière de sécurité. Nous cherchons plutôt à protéger sa vie privée, une chose à laquelle le pape émérite tient beaucoup.

- Vous êtes très actif dans le travail bénévole. En particulier, avec l'association "Rondine Cittadella della Pace" (ndt: cf. it.wikipedia.org/wiki/Rondine..) vous êtes également impliqué dans le dialogue interreligieux. Le pape François semble déjà très ouvert à ce type de confrontation. Pouvez-vous nous dire votre opinion sur cette question?
- Je crois que Benoît XVI aussi est très ouvert au dialogue interreligieux, et le pape François s'est immédiatement montré disposé à suivre sa route. Nous vivons à une époque où nous ne pouvons pas faire autrement. Comme l'a dit l'évêque de Rome: «même pour ceux qui ne croient pas, il y a toujours une espérance» dans le sens où il y a toujours la présence de Dieu dans son cœur. J'en perçois également l'importance dans nos réunions d'Interpol, où le Vatican est très estimé dans tous les pays, y compris ceux de confessions différentes. Le Vatican, je le répète, n'est un petit Etat que par le territoire, pas pour son importance, et lors de nos rencontres bilatérales à l'occasion de ces congrès, on voit à quel point toutes les réalités, même celles de religion musulmane, ont ce désir de contacts, d'amitié, un désir de dialogue, de constructions de ponts de paix. Une communauté comme la nôtre, la communauté des forces de police, peut faire beaucoup pour le dialogue, parce que c'est une communauté qui travaille pour un projet commun qui est la sécurité mondiale.

- Depuis 2008, la gendarmerie adhère à l'Oicp/Interpol. Comment l'adhésion à l'Organisation Internationale de Police Criminelle a-t-elle amélioré vos activités? quotidiennes?
- Certes Interpol permet de nouer rapidement des contacts au niveau international, et cela nous aide beaucoup, non seulement pour la préparation des voyages du Saint-Père dans les autres Etats, mais aussi pour d'éventuelles situations d'urgence dans lesquelles des religieux présents dans les zones de crise peuvent se trouver. Je dois dire que toutes nos informations, y compris au niveau international, nous ont fourni et nous fournissent des éléments suffisants pour agir en toute sécurité toujours au sujet de la protection du Saint-Père. Je tiens à dire plutôt que dans certaines régions chaudes du monde, il y a des situations graves où les chrétiens sont attaqués, tués et oubliés, prenons l'exemple de la Syrie, du Nigeria, et même dans certaines régions de l'Inde. Interpol nous aide à éveiller l'attention sur ces persécutions et à les contrer.

- Quelles caractéristiques doit-on posséder pour devenir policier?
- On doit d'abord aimer l'Eglise, même dans les éventuelles imperfections dues à l'homme, parce que nous savons que l'Église est gouvernée par la Providence. Et les policiers servent l'Eglise dans le service du Successeur de Pierre. Donc je pense que la première exigence du parfait aspirant gendarme est une foi fervente et un sens élevé de la valeur de la famille. Une autre caractéristique est évidemment de savoir faire le policier. Je ne veux pas pas dire des Rambo, mais des personnes formées psychologiquement et entraînées pour un service aussi délicat. Donc, de bons chrétiens, prêts à être de bons policiers.

- Comment sélectionnez-vous les gendarmes?
- Des demandent parviennent à notre Commandement. Quand ensuite le recrutement de nouveau personnel est prévu, alors un concours est organisé, et on examine les demandes présentes, et les nouvelles. Il s'agit d'un concours très sélectif, qui prévoit différentes épreuves.... Avant, on fait un contrôle sur les demandes elles-mêmes, et un grand écrémage en fonction des requis de base, comme la foi catholique, et d'autres. Ceux qui sont admissibles sont confrontés à une série de tests, et les rares qui arrivent à la fin des tests commencent une formation très difficile, faite dans l'État. Certaines activités de formation sont effectuées en collaboration aussi avec des professeurs externes. Souvent, nos professeurs sortent à leur tour pour donner des cours à d'autres forces de police. La formation dure environ deux ans, caractérisée par des activités théoriques et pratiques.

- Depuis votre nomination à la tête de la gendarmerie, nous avons assisté à une expansion remarquable de l'équipement technologique et des moyens de transport, à des cours de perfectionnement du personnel (dont un à l'Académie du FBI à Quantico), ainsi que la mise en place du Gir (Groupe d'intervention rapide), créé pour faire face à d'éventuelles situations extraordinaires. Comment sera la police du Vatican dans les années à venir?
- Je ne pense pas qu'il existe de baguettes magiques, on s'adapte aux temps modernes, on se tient au courant. Par exemple, le Vatican, y compris en matière de lutte contre le crime organisé, le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme, s'est donné des lois très strictes et innovantes. On entend parfois parler de la nécessité de la transparence, eh bien, le Vatican a mené et mène tous les pas nécessaires pour «faire les faits» et non les rumeurs. La présence de l'Eglise dans le monde est constituée chaque jour de millions de gens qui, en plus de prêcher, font, et font beaucoup, on pense aux missionnaires et aux organismes de bienfaisance. L'Eglise dans le monde travaille pour les gens, et le service des pauvres. François dit «pauvre pour les pauvres». La police du Vatican doit répondre à ces besoins et ces exigences, et cela, de deux façons: en formant le personnel, avec les outils culturels et techniques qui leur permettront de bien fonctionner, et en même temps, en créant des relations de collaboration avec les collègues d'autres pays, pour l'échange des informations et des expériences.