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Un conte de deux Benoît

Premier article de la série de Benjamin Wicker - dont j'ai récemment traduit le dernier - consacré à Benoît XVI après la renonciation (5/5/2013)

Cf.
Benoît XVI, un Docteur de l'Eglise

Le titre original "A tale of two Benedict" est probablement une allusion au roman de Charles Dickens "A tale of two cities", roman historique qui prend pour cadre paris et Londres au moment de la révolution française.


>>> Voir aussi le Discours des Bernardins.

     

Un conte de deux Benoît
Benjamin Wiker
Mardi 19 Février 2013
http://www.ncregister.com (ma traduction)

C'est la première d'une série en sept parties sur le pontificat de Benoît XVI.

Partie 1: Pape Benoît vs laïcité.
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Il est bien sûr triste que le pape Benoît soit sur le point de nous quitter, mais il ne faut pas oublier tout ce qu'il nous a laissé - un grand héritage, de la plus profonde réflexion théologique et philosophique, pouvant guider et inspirer la nouvelle évangélisation à laquelle il nous a appelés.
Un peu d'histoire replace cet héritage dans son contexte.

Le premier Benoît, saint Benoît de Nursie (480-547), nous a laissé une règle qui établit l'ordre monastique en Occident et, ce faisant, créa le terrain de l'évangélisation de l'Europe. Le monachisme bénédictin fut la racine la plus profonde de l'infusion de la part de l'Eglise d'un ordre, dans une société païenne, créant une source de discipline spirituelle, intellectuelle et morale pour nourrir les fragiles graines de l'Evangile plantées dans l'Eglise des premiers siècles, afin qu'elles puissent faire grandir dans le christianisme une civilisation unifiée construite à partir des éléments terriblement disparates d'un empire en décomposition et de brutales guerre tribales (ndt: c'est le moment de relire le discours prononcé par benoît XVI en septembre 2008 au Collège des Bernardins à Paris .

C'est ce sens précis d'intégration par la foi que le célèbre épigramme de Hilaire Belloc a si admirablement saisi: «L'Europe est la foi, et la foi est l'Europe».

Le Cardinal Joseph Ratzinger, qui a vécu une grande partie de la désintégration de l'Europe, a choisi un nom approprié, en devenant pape en 2005. Quand j'ai entendu qu'il prenait le nom de Benoît XVI, l'affirmation effrayante du philosophe Alasdair MacIntyre dans «After Virtue» m'est immédiatement venue à l'esprit.
Dressant un parallèle entre la chute de Rome et l'âge sombre de barbarie et de désordre social qui s'en est suivi au cinquième siècle, et la désintégration morale et sociale radicale de notre époque, qui marque l'arrivée d'une nouvelle barbarie, MacIntyre a écrit que «nous ne sommes pas tout à fait sans espoir. Cette fois, les barbares n'attendent pas au-delà de nos frontières, ils nous gouvernent déjà depuis un certain temps. Et c'est notre absence de conscience de ce fait qui constitue le cadre de notre situation. Nous n'attendons pas un Godot (ndt: allusion à la pièce de Samuel Beckett)[1], mais un autre - sans doute très différent - Saint-Benoît».

S'il est prématuré de parler de canonisation, le pape Benoît a vu très clairement les forces de désintégration provoquées en Europe par le desséchement de cette foi qui a été la source originelle de son intégration. Pour Benoît, les horreurs du 20ème siècle ont été une sorte de retour à la barbarie païenne, une barbarie beaucoup plus sombre que celle dont la foi chrétienne a sauvé l'Occident un millénaire et demi plus tôt.

Benoît voit, au cœur de ce retour aux ténèbres et au désordre, le fait que l'Occident ait embrassé le sécularisme radical, une croyance qui nie explicitement les vérités de la foi et réduit les êtres humains à des créatures matérielles sans âme. C'est dans cette croyance, attaquant la foi, que l'on reviendra à un paganisme et une barbarie pires que ceux dont la foi nous a autrefois délivrés.

«Quand une culture tente de supprimer la dimension du mystère ultime, et de fermer les portes à la vérité transcendante», a averti le pape Benoît, «elle s'appauvrit inévitablement et devient la proie, comme le Pape Jean-Paul II l'a dit si clairement, d'une lecture totalitaire et réductionniste de la personne humaine et de la nature de la société» (discours aux évêques américains, janvier 2012).
Le pape Benoît a été plutôt plus insistant que Jean-Paul II sur ce point.

Mais le danger ne menace pas seulement l'Europe. Les mots cités plus haut proviennent du discours du pape Benoît XVI aux évêques américains en visite ad limina, début 2012. Nous aussi, sommes confrontés aux mêmes forces de désintégration, car nous sommes la progéniture culturelle de la chrétienté qui a défini l'Europe. Et le Pape a lancé un appel à chacun d'entre nous:

«Une fois de plus, nous constatons ici le besoin de laïcs catholiques engagés, bien formés, dotés d’un sens critique aigu vis-à-vis de la culture dominante et ayant le courage de combattre un sécularisme réducteur qui voudrait délégitimer la participation de l’Eglise au débat public sur les questions qui déterminent l’avenir de la société américaine. La préparation de responsables laïcs engagés et la présentation d’une expression convaincante de la vision chrétienne de l’homme et de la société demeure une tâche prioritaire de l’Eglise dans votre pays; en tant qu’éléments essentiels de la nouvelle évangélisation, ces préoccupations doivent déterminer la vision et les objectifs des programmes catéchétiques à tous les niveaux».

Je vais proposer les six contributions suivantes, en tant que blogueur invité (sur National Catholic Register) comme contribution à cet effort.

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[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/En_attendant_Godot
Godot est probablement l'œuvre la plus célèbre du dramaturge irlandais, et de nombreux livres et articles ont tenté de découvrir qui était Godot. L'une des tentatives d'explications récurrentes est que Godot serait le mélange du mot anglais « God- » (Dieu) et d'un suffixe français populaire « -ot ». Cette explication donnerait une dimension métaphysique à la pièce : les deux personnages attendent l'arrivée d'une figure transcendante pour les sauver, mais elle ne vient jamais.

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A suivre...