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Ce que "Le Monde" attend du Pape.

François est aussi le personnage de l'année 2013 pour le "quotidien de référence". Moyennant un cahier des charges... (21/12/2013)

J'ai traduit la première partie de l'article dans la version italienne publié par www.finesettimana.org (la version originale est en accès payant, et c'est d'elle qu'est tirée l'illustration ci-dessus: décidément, la presse libérale semble s'être lancée dans le concours de l'image la plus "sulpicienne" du Pape, cf. The Newyorker).
Dans la seconde, la "spécialiste des religions" du Monde passe en revue les trois points où François est attendu, à la lumière de ses propos récents et de ses actes les plus médiatisés, qu'elle définit comme étant: les femmes, les brebis égarées, la transparence.

A quoi bon relever les énièmes insultes contre Benoît XVI et son "pontificat crépusculaire": je renvoie l'auteur de l'article, au cas improbable où elle me lirait, à l'imposant ouvrage de Chantal et Paul Colonge, "La joie de croire" (http://benoit-et-moi.fr/2011-II). Et bien sûr, à l'ensemble de mon site, et ses masses de photos.

     

Le Pape, ce héros

Stéphanie Le Bars
Le Monde du 21 décembre
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On raconte qu'en simple soutane, le pape quitterait la nuit son modeste appartement pontifical pour aller à la rencontre des sans-abris romains. Dernièrement, dans les couloirs du Vatican, des rumeurs courent, mollement démenties par l'entourage du Saint-Père. Peu importe la vérité (improbable) de ces escapades nocturnes: depuis neuf mois, la légende circule dans l'Eglise catholique. Avec François, tout est possible. Après le pontificat crépusculaire et presque dépressif de Benoît XVI, le Vatican a tout intérêt à soigner l'image de ce pape souriant arrivé «de l'autre bout du monde», et apparu un soir de Mars, à la loggia de la basilique Saint-Pierre de Rome. Un homme qui, avec peu de gestes empreints de simplicité et de bienveillance, avec quelques phrases-choc, répétées une infinité de fois - dont le fameux «Je veux une Eglise pauvre pour les pauvres» - suscite une sympathie presque universelle. Une aubaine inespérée pour une institution affaiblie, parfois moquée, souvent inaudible. Reportant le catholicisme sur son message évangélique, mettant au second plan «l'Eglise des interdictions», François offre pour le moment peu de prise à la critique ou à l'indignation. Même le protestant Barack Obama s'est dit impressionné par «sa simplicité et son empathie».

Par quel mystère le chef spirituel d'une religion qui est en train de perdre du terrain dans de nombreuses régions du monde suscite-t-il une telle unanimité?
C'est que, pour le moment, François incarne parfaitement tout ce qu'il prêche. Avec naturel - «il a toujours été ainsi» témoignent ceux qui le connaissent depuis longtemps - et une apparente sincérité. Sa façon toute paternelle de souhaiter «bon appétit» aux foules qui viennent l'acclamer le dimanche sur la place Saint-Pierre, rend évidente cette proximité au monde qu'il voudrait voir vécue par le clergé. Les étreintes répétées aux enfants, aux malades, aux personnes âgées, aux handicapés indiquent l'attention pour les faibles, qu'il demande aux croyants d'avoir. Son dépouillement personnel - aucune croix précieuse, ni de grosses voitures, une sobre soutane blanche en toutes circonstances - met en évidence la pauvreté qu'il recommande à l'Eglise. Sa dénonciation persistante des injustices économiques trouve une caisse de résonance dans un monde en crise. Ses rires et son refus de «juger» quiconque, y compris les « personnes gay», ont remis au centre du message chrétien la «joie» et la «miséricorde», ses mots favoris . Comme si la figure du pape, avec François, était (re)devenue un modèle crédible, une autorité morale certifiée dans un monde qui en ressent le manque .

Au-delà de ce bilan indéniablement flatteur en termes d'image, pour l'instant il est impossible d'évaluer «l'effet François» sur la vitalité de l'Église ou la diffusion de son message. Seuls les Italiens l'ont éprouvé, il semble que la fréquentation des églises et le passage dans les confessionaux aient explosé ... Mais une chose est certaine: même si le pape argentin n'a pas introduit de changement dans la doctrine, ce «printemps romain» est soutenu sans réserve par les courants progressistes et soulève de fortes attentes: quelle place pour les femmes dans l'institution, quel regard pour les croyants qui ne sont «pas en règle avec les directives de la doctrine catholique, quel progrès sur la «démocratisation» et sur la transparence dans l'Eglise ?
Les prochains mois diront si François, personnalité de l'année pour Le Monde, a su ou pu y répondre de manière concrète. Ou si, comme il le prétend, «la première réforme est celle de la manière d'être».
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