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Comparaison malveillante

Pour répondre à des critiques qui m'ont été adressées. Dans un grand quotidien italien, une apologie de François pour enfoncer Benoît XVI (28/10/2013).

J'ai reçu tout à l'heure un message d'une lectrice qui me demandait (courtoisement) «d'attenuer un peu [mes] "critiques" vis à vis du pape et de ne pas [me] noyer dans la nostalgie»;
«Il serait peut être mieux - ajoutait-elle - d'éviter les comparaisons que vous avez si souvent combattues quand elles se faisaient entre Benoit XVI et Jean Paul II».
Je n'ai pas l'impression de faire tellement de comparaisons, mais passons.
Il se trouve qu'au cours du ponticat de Benoît XVI, puis maintenant sous son successeur, les comparaisons se font exclusivement au détriment de notre désormais pape émérite, et à l'évidence, ce n'est pas moi qui les fais.
Je viens de tomber, providentiellement (pour étayer mon propos) sur un article paru aujoud'hui sur Il Corriere della Sera, le premier quotidien italien. Ce n'est qu'un exemple parmi mille, quotidiens, malheureusement, mais c'est vraiment un cas d'espèce. Tout y est, et il n'y a même pas besoin de le commenter (donc je ne me donnerais pas la peine de réfuter point par point ses arguments pitoyables, sauf qu'il prouve qu'il n'a jamais lu un seul tweet de Benoît... et que je suis loin d'être persuadée que c'est le Pape en personne qui "tweete", il a certainement autre chose, et mieux à faire).

On m'objectera que ce n'est pas la faute de François si les médias le déforment.
Mais le déforment-ils tant que cela? Fait-il quoi que ce soit pour les recadrer? Et les médias du Vatican eux-mêmes (sans parler de l'Avvenire, le quotidien des évêques italiens) ne font-ils pas exactement la même chose à longueur de colonnes, que leurs confrères de la presse laïque?

     

«Connaissez vos voisins et ne gaspillez pas la nourriture».
Les Tweets du pape à son troupeau.
L'évangélisation en 140 caractères
Beppe Severgnini (*)

"Corriere della Sera" (via www.finesettimana.org)
28 Octobre 2013
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Le Pape François célèbre son troupeau électronique, qui a atteint 10 millions de brebis. La somme des followers dans les différentes langues a en effet dépassé ce chiffre, et hier matin, le pape l'a annoncé. Il ne l'a pas fait avec une encyclique, bien sûr, mais avec un tweet. Le même dans toutes les langues , dont le latin : «Fautores dilecti, centies centum milium numerum vobis praetergredientibus ex animo gratis ago vosque precor ut pro me orare pergat ». Traduction: «Chers followers, J'ai entendu dire que vous êtes plus de 10 millions aujourd'hui ! Je vous remercie sincèrement et je vous demande de continuer à prier pour moi».
Le Pape François communique. Pas parce qu'il utilise Twitter, mais pour la façon dont il l'utilise, et pour ce qu'il dit . Conscient de ne pas avoir à sa disposition une chaire, une place ou une salle de classe , mais seulement 140 caractères, il choisit la brièveté, conscient que l'effort de synthèse est un cadeau que nous faisons au lecteur et à l'auditeur: il en sera reconnaissant.
Quelques exemples ?
«La culture du déchet produit de nombreux fruits amers, des déchets alimentaires à l'isolement de nombreuses personnes âgées» (25 Octobre).
«Aie pitié Seigneur! Tant de fois nous sommes aveuglés par notre vie confortable et nous ne voyons pas ceux qui meurent près de nous. # Lampedusa » (12 Octobre).
«Rechercher le bonheur à travers les choses matérielles est un moyen sûr pour ne pas être heureux» (15 Septembre ).
«Parfois, on peut vivre sans connaître ses voisins: cei n'est pas vivre en chrétiens» (14 Septembre ).
«Il n'y a pas de christianisme "low cost" . Suivre Jésus signifie aller à contre-courant, renonçant au mal et à l'égoïsme» (5 Septembre ) .

Peut-on faire la différence avec un tweet? Bien sûr: «Plus jamais la guerre! Plus jamais la guerre!» (2 Septembre, 4340 retweets) a compté autant qu'un discours aux Nations Unies, au cours de la crise syrienne.

Quelle différence avec son prédécesseur! Du pape allemand, même via les réseaux sociaux, les catholiques recevaient une incessante leçon de théologie. Du pape argentin, ils sentent qu'ils reçoivent stimuli, compréhension et réconfort. J'ai écrit il y a quelques jours (pour les lecteurs de langue anglaise): «All you need is love: si François un jour citait John Lennon, ne soyez pas surpris» (ndt: !!!).

L'air frais, il faut le dire, les prêtres l'ont flairé avant les évêques. Dans les paroisses - où la participation à la messe dominicalea chuté en dessous de 30 % de la population - ils l'ont vite compris: le nouveau Pontife réussit à motiver les croyants et provoque le respect des non-croyants. Certains, pour des questions d'âge et de culture, sont atteints par des moyens traditionnels (du milieu associatif catholique à Eugenio Scalfari ). Pour d'autres, des moyens nouveaux sont nécessaires: les brebis, si elles sont perdues, ont peut aussi les chercher avec un scooter. S'ils avaient connu le moteur à explosions les Evangélistes auraient été d'accord.
Le Pape François sait comment utiliser Twitter (un smartphone, la télévision) parce qu'il n'a pas peur. Il a compris que ce sont des instruments. Ce sont nous qui décidons quoi en faire, et ce que nous pouvons en faire - tous, du Pape François au dernier des followers - de grandes choses, ou bien les utiliser pour faire le mal et combiner des méfaits. L'Église a toujours craint les nouveautés, dans tous les domaines, et elle s'est souvent trouvée à la traîne (ndt: l'intention d'opposer le Pape à l'Eglise est très claire, et ce n'est certes pas pour le bien de l'Eglise!). C'est vrai: ce qui est nouveau n'est pas toujours bon. Et ce qui est bon n'est pas toujours nouveau. Mais souvent, si.

Le pape n'est pas le seul, au sommet de l'Eglise catholique, à l'avoir compris. Gianfranco Ravasi lui aussi, président du Conseil pontifical pour la Culture , utilise Twitter efficacement. «Prêtre et cardinal» lit-on sur son profil. Le tweet le plus récent, en date du 25 Octobre: «Je n'ai jamais vu un fanatique religieux avoir un sens de l'humour. Ni une personne avec un sens de l'humour devenir un fanatique» (ndt: à qui s'adresse ainsi l'élégant cardinal tweeteur, et en quoi est-ce de l'évangélisation?). @ CardRavasi n'a que 56 000 followers en italien et 6000 en anglais; s'il se maintient à ce niveau, il en mérite davantage.
Plus d'un milliard de personnes appartiennent à l'Eglise catholique, soit environ la moitié des chrétiens dans le monde. Il y a encore beaucoup à tweeter, à encourager et à poursuivre, cher @Pontifex .

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(*) Je découvre ce journaliste italien, qui dispose (curieusement) d'une notice wikipedia assez développée en français, bien qu'il soit totalement inconnu chez nous, et n'y ait rien publié. http://fr.wikipedia.org/wiki/Beppe_Severgnini