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En attendant Pietro Paolin

La (future) gouvernance de François, et de son nouveau secrétaire d'Etat, vue par Andrea Gagliarducci (29/10/2013)

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En attendant Pietro Parolin

Andrea Gagliarducci
28 octobre 2013
www.mondayvatican.com
Ma traduction
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Pietro Parolin a quitté l'hôpital et devrait arriver à Rome après une brève période de convalescence chez lui.
C'est la première information publiée à propos de la santé du nouveau secrétaire d'Etat.
Parolin n'a pas pu prendre part à la cérémonie par laquelle il devait prendre officiellement ses nouvelles fonctions parce qu'il a dû subir une opération chirurgicale urgente. Si ce que le Bureau de presse du Saint-Siège a officiellement déclaré est exact, Parolin est donc sorti de l'hôpital le vendredi 25 octobre, une dizaine de jours après son opération. Une longue hospitalisation, semble-t-il, pour une opéraion simple. Certaines rumeurs ont fait état d'une période de convalescence plus courte, et formulé l'hypothèse que Parolin est à Rome depuis le 24 octobre

Il y a eu quelques communications croisées sur la façon dont la nouvelle de la maladie du nouveau secrétaire d'Etat a été gérée par le Vatican. Soi-disant pour respecter le droit à la vie privée, il n'y a pas eu de bulletins médicaux sur l'état de santé du numéro 2 du Vatican. Il a été rapporté qu'une opération avait eu lieu, qui serait suivie d'une période de convalescence, sans décrire l'intervention chirurgicale ou informer sur la durée de récupération. Si le but de cette démarche était d'éviter l'alarmisme et de gérer les attentes, elle a échoué. Malheureusement, Parolin arrivera à Rome avec une aura de mystère au sujet de sa maladie.

Pietro Parolin ne sera pas devant une tâche facile .

Elève du cardinal Agostino Casaroli (qui fut secrétaire d'Etat de JP II), grandi au sein du Secrétariat d'État d'Angelo Sodano, Pietro Parolin s'est avéré être un diplomate habile et talentueux. Grâce à son travail, le Saint-Siège a réussi à «dégeler» les rapport officieux avec la Chine (le Saint-Siège et la République populaire de Chine n'ont pas établi de relations diplomatiques officielles). Le rapport avec la Chine a connu un flottement quand Parolin a été envoyé comme nonce apostolique au Venezuela et a cessé de s'occuper de cette question.

En plus de ses talents de diplomate, Parolin devra gouverner une institution en voie de changement, autrement dit la Secrétairerie d'Etat. On ne sait presque rien sur la façon dont la Secrétairerie d'Etat fonctionnera sous le pape François. Le pape, semble-t-il, veut déléguer la gestion des affaires générales à l'administration de l'État de la Cité du Vatican. Ce serait la raison pour laquelle le pape a renforcé l'autorité de son chef du Vatican, le cardinal Bertello, et confié à l'adjoint de Bertello le soin pastoral des habitants du petit État sur la colline du Vatican.

Ainsi, Parolin devrait être seulement chef de la diplomatie, comme le fut aussi Angelo Sodano. Aujourd'hui Doyen du Collège des Cardinaux, Sodano est encore très puissant à l'intérieur du Vatican. À 86 ans, il continue de rencontrer les nonces et des évêques de ses amis (il a promu et nommé beaucoup d'entre eux en 13 ans comme secrétaire d'Etat) et il est encore très influent, car beaucoup se sentent redevables envers lui. En fait, il y a beaucoup de gens - Angelo Sodano inclus - qui n'ont jamais accepté que leur monde ait été chamboulé par Benoît XVI.

La réforme de Benoît XVI, comme l'est celle du pape François, était avant tout une réforme des attitudes plus que de structure. Benoît n'a pas touché au corps diplomatique du Vatican. Il a travaillé à changer l'attitude et l'éthique de travail de la diplomatie du Vatican, et en général de la mentalité du Vatican. Benoît XVI n'a pas simplement écarté les prélats qui se consacraient essentiellement à la relation bilatérale (notamment en ce qui concerne les questions financières) avec l'Italie. Ce qu'a fait Benoît, c'était de donner au Vatican une perspective plus internationale.

Sans surprise, cette nouvelle perspective a conduit beaucoup à perdre privilèges et influence. Avec le recul, certaines nominations faites par Benoît venaient encore de l'ancienne mentalité étroite. Par exemple, Ettore Gotti Tedeschi, qui est devenu président du Conseil de surintendance de l'Institut pour les œuvres religieuses (IOR). Gotti Tedeschi était plus attaché aux intérêts italiens qu'à ceux du Vatican.

En tout cas, étape par étape, un changement de mentalité avait fait son chemin, et était de plus en plus évident et concret. La Secrétairerie d'Etat de Benoît XVI allait devenir une sorte de point central de coordination pour l'Eglise, et c'est exactement pourquoi le Pape a voulu l'expert en droit canon Tarcisio Bertone comme secrétaire d'État. Suivant les suggestions et les requêtes de Benoît XVI, le cardinal Bertone a lancé une double réforme : plus de collégialité et de coordination entre les dicastères; et une nouvelle doctrine diplomatique qui mette moins l'accent sur des arrangements particuliers (comme la question des interventions humanitaires) et à la place vise à mettre en lumière l'engagement de l'Eglise pour le bien commun.

La résistance à ces réformes était prévisible. La collégialité requiert que tout le monde collabore pour le bien commun. Si une seule personne va contre elle, le risque d'échec est très élevé.

Lorsque Benoît XVI prononça la célèbre lectio magistralis à Ratisbonne, personne de la Secrétairerie d'Etat ne l'avertit de la tension diplomatique que ses paroles étaient susceptibles de causer avec le monde musulman. La Secrétairerie d'Etat expliqua qu'ils n'avaient pas eu l'opportunité de lire le discours de Ratisbonne avant qu'il ne soit livré, mais ce n'est pas une justification, puisque de toute façon, ils ont également échoué dans la façon dont l'affaire a été gérée, et aussi dans la relation avec les médias. C'était le dernier voyage géré par Angelo Sodano. Le scandale et la rage de nombreux musulmans ont servi de signal d'avertissement à propos de certaines des dynamiques internes au Vatican.

Le (la?) même journaliste (ndt: s'agit-il d l'auteur de l'article mis en lien dan l'article, ici?), dont le compte-rendu et les commentaires inexacts des paroles de Benoît XVI, avaient suscité la polémique de Ratisbonne essaie à présent de réhabiliter l'image d'Ettore Gotti Tedeschi, un homme qui n'a plus aucun rapport avec les affaires du Vatican, mais qui continue néanmoins à exercer une influence sur les journaux italiens, saisissant ainsi également les journaux internationaux.

Le temps de Benoît XVI n'était pas un bon temps pour «les hommes de compromis». En réaction, leur rapacité au sein de l'Église était omniprésente. Benoît XVI et Bertone ont dû affronter et surmonter de nombreux problèmes: la mauvaise information sur l'évêque polonais Wielgus nommé archevêque de Varsovie, et la nomination de Gehrard Maria Wagner comme évêque auxiliaire de Linz en Autriche (le premier a démissionné, le second renoncé à prendre son nouveau poste); une stratégie profondément erronée de communication sur la pédophilie, incapable de protéger, par exemple, Bertone ou Benoît XVI des protestations de militants homosexuels à propos des commentaires de Bertone sur le lien entre abus sexuels et homosexualité et à propos des mots de Benoît XVI sur l'utilisation de préservatifs pour prévenir le VIH, lors du voyage vers l'Afrique; et Vatileaks, une pratique très répandue de fuite de documents tout au long du a pontificat de Benoît XVI.

Lorsque l'enquête Vatileaks a conduit à l'arrestation de l'un des principaux protagonistes derrière les fuites, le majordome Paolo Gabriele, il est devenu aussi évident qu'il y avait beaucoup d'autres fuites, y compris venant des traditionalistes autrefois considérés comme enthousiasmés par Benoît XVI, mais qui ne pouvaient pas supporter certains des décisions du Pape, comme celle de désigner Gerhard Ludwig Mueller comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Aujourd'hui, la situation est différente. Personne ne peut dire du mal du Pape François. Les opinions critiques sur François ou ses choix n'ont pas d'impact ou d'écho dans les médias. Les points de vue critiques sur des décisions discutables sont rejetés comme «des rumeurs et des commérages». Les rumeurs et les commérages dont François a dit - même au Corps des Gendarmes du Vatican - qu'ils devraient être abolis.

Dans le même temps, le pape François met en place sa réforme. Pour le moment, juste un «remaniement de gouvernement», alimentant la conjecture d'un retour des diplomates aux postes de responsabilité et aussi la spéculation sur un soi-disant lobby Gay dont on dit qu'il gagne du terrain et du pouvoir autour du Pape François. Est-ce vrai? Si c'est le cas, le pape François était-il correctement informé? S'il l'était, pourquoi a-t-il fait ces choix?

Certains s'aventurent à dire que les choix du Pape François sont approfondis et intentionnels. En tant que cardinal Bergoglio, il n'a jamais eu de beaucoup de rapports avec les diplomates, du temps où Angelo Sodano dirigeait la Secrétairerie d'Etat. Et il ne peut supporter aucune forme de lobbies, comme il l'a dit à plusieurs reprises, y compris sur le vol de retour de Rio de Janeiro . En fin de compte, placer ses ennemis autour de lui pourrait ne pas être simplement une façon d'appliquer le commandement évangélique du «aime ton ennemi». C'est le commandement personnel d'un Pape qui a vécu sous une dictature et s'est senti en exil: le commandement du «contrôle tes ennemis».

Maintenant, il reste à voir à quel point les ennemis peuvent être en mesure de contrôler le Pape.

Pietro Parolin arrive à Rome et se trouve au milieu de cette situation polémique. Il a commencé son service de la façon la plus malchanceuse, et il devra faire attention à la rapacité qui n'a pas cessé de «mordre et dévorer» durant tout le pontificat de Benoît XVI, et a souvent été dirigée contre le cardinal Bertone. Parolin sera-t-il capable de repousser des attitudes et des comportements spécifiques, du genre que son prédécesseur a dû endurer et dont il est devenu une victime?

C'est une question importante. Après avoir influencé le Conclave, la vieille garde espère influencer le Pape et son Secrétaire d'État. Si elle réussit, elle pourrait représenter un retour en arrière de 40 ans ou plus pour le Vatican. En fin de compte, un Pape pasteur ne dérange personne. Mais un Pape capable de livrer l'Eglise au monde, et pas seulement par le raisonnement pastoral, risque de bouleverser tous les équilibres. Dans l'encyclique
Populorum Progressio (sur le développepement des peuples, §85), Paul VI déplorait que «le monde est en malaise faute de pensée». C'est une plainte qui aujourd'hui est également applicable à la pensée et à la considération quant à l'avenir du Vatican et de l'Eglise.