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Enquête Synode: pour et contre

... à travers deux articles de la presse italienne. (7/11/2013)

>>> Voir aussi dans ces page:

¤ Famille: Un sondage en vue du synode
¤ Enquête en vue du Synode
¤ Sondage, ou simple état des lieux?

Et d'abord, une question

Présentant le document préparatoire au Synode sur la famille, Jean-Marie Guénois écrit:
"Selon une méthode classique de préparation de tous les synodes romains, une enquête mondiale a été lancée mardi vers tous les pays du monde où l'Église catholique est présente".

Et le site Protest the Pope , citant le Père Lombardi, affirme:
"La précédure consistant à recueillir des données du monde entier pour un synode d'évêques, a des précédents: le précédent Synode sur la nouvelle évangélisation, qui s'est tenu en 2012, avait aussi demandé aux conférences épiscopales d'encourager les discussions sur les sujets reltifs à l'évangélisation et de résumer leurs découvertes".

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Si le modus operandi lors des synodes est immuable, pourquoi Andrea Tornielli (peu suspect de vélléité critique) doit-il remonter jusqu'au XIXe siècle, avec Pie IX, puis au XXe siècle, avec Pie XII, pour trouver des précédents historiques? A moins qu'il n'y ait quelque chose de vraiment nouveau... la recommandation de consulter aussi les fidèles (et pas seulement?)

Arguments à charge et à décharge

Pour: Andrea Tornielli
Le synode et les "exit poll"
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J
'ai été frappé par certaines réactions au document préparatoire pour le prochain Synode avec en annexe un questionnaire sur les questions de la famille.

J'ai lu et entendu un certain nombre d'objections, dont beaucoup centrées sur l'idée du «sondage» et du «sondage en ligne» (les évêques britanniques ont en effet décidé de recueillir les avis, les suggestions et les réponses par voie électronique et de la part de tout baptisé qui a envie de s'exprimer). Je comprends que nous vivons à l'ère des sondages d'opinion et des sondages de sortie de l'isoloir (exit pool), mais il serait bon de commencer à appeler cette initiative par son nom, qui est «consultation» .

Bien que le Synode «par étapes» soit une absolue nouveauté, avec deux assemblées d'évêques sur le même sujet à un an d'intervalle, et avec une large consultation qui commence ces jours-ci, la consultation en tant que telle n'est pas un fait sans précédent dans l'histoire de l'Eglise.
Le pape Pie IX en Février 1849 avait lancé une consultation auprès de tous les évêques, leur demandant un avis sur la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception de Marie. Le résultat de la consultation parmi les évêques du monde s'était terminé par un plébiscite favorable: plus de neuf évêques sur dix avaient exprimé une opinion positive (546 "oui" sur 603 réponses) à la proclamation, qui a eu lieu en 1854.

Une consultation similaire fut lancée près d'un siècle plus tard par un autre pape Pie, le douzième , qui, en mai 1946, avait écrit une encyclique restée secrete jusqu'à la proclamation du dogme de l'Assomption de Marie au ciel avec son corps au moment de la mort. Le résultat de la consultation avait été unanime: seulement six des 1181 réponses avaient émis des réserves .

Je ne veux pas proposer de comparaisons indues, il s'agit de consultations très différentes, par les destinataires et par leur objet. On dira que dans ces deux cas, ces papes du passé ont consulté les autres évêques, et non pas la base, pas les laïcs. C'est exact. Mais dans ces cas, c'était pour annoncer deux nouveaux dogmes. Alors que dans le cas des deux prochains Synodes il s'agit de la famille, des défis qu'elle devra relever, de la nécessité d'une pastorale adéquate à des situations nouvelles, de la possibilité de proclamer efficacement l'Evangile dans ces situations nouvelles. Comme il s'agit d'un sujet lié à la vie quotidienne des laïcs, il est normal qu'ils soient les protagonistes de la consultation. En outre, ceux qui ont la patience de lire attentivement le questionnaire, se rendent compte que son objectif est d'abord de fournir un tableau détaillé de la situation: la diffusion de nouvelles formes de cohabitation, dans quelle mesure est perçue par les baptisés qui sont impliqués à divers titres leur situation d'«irrégularités» à l'égard de l'enseignement de l'Eglise, quelle est la demande pour les sacrements, comment l'Eglise est présente, comment elle éduque, enseigne, comment elle témoigne sa proximité ...

Les évêques qui se réuniront en octobre 2014 pourront donc se confronter en ayant une image détaillée de la situation dans les différentes zonz du monde. L'idée que le document et le questionnaire en annexe représente un sondage d'opinion et que l'Église est passée du catéchisme à l'exit pool, est une déformation pure et simple de la réalité.

En revanche, ce qui ressort du document préparatoire est important. Autrement dit l'attention aux familles blessées, l'esprit de miséricorde et d'ouverture, qui fait écho aux paroles prononcées à plusieurs reprises ces derniers mois par le pape Francis. C'est évident: le problème de schisme silencieux de toutes ces familles, tous ces hommes et ces femmes qui ne peuvent pas recevoir les sacrements parce qu'ils sont divorcées et remariés ou vivent en concubinage, existe. On ne peut pas prétendre le contraire, on ne peut pas faire semblant de ne pas en sentir la mesure et le caractère dramatique.

Que l'Église s'interroge à ce sujet, même à partir d'une large consultation impliquant aussi les laïcs - peuple de Dieu et Église à plein titre - est un fait positif. C'est un acte de réalisme et d'attention pastorale. Et tant pis pour les partisans du christianisme "Law & Order" (ndt: une petite pique aux tradis) qui ont déjà clos chaque question, chaque blessure, chaque demande, sur la base de la répétition abstraite d'une formule, ayant peut-être en son temps servi pour une carrière (y compris dans l'Eglise). Pour eux, les Synodes sur la famille sont un gaspillage de temps et le questionnaire une initiative dont il convient de se moquer .

Contre: Salvatore Todara, directeur du journal "Italia Post"
Le questionnaire, c'est trop
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Les ouvertures du Pape François sont un bien: toutefois, attention à ne pas exagérer

A moi, le charisme du Pape François plaît beaucoup. J'aime les mots enfin proches des gens ordinaires. J'aime l'idée d'une Eglise qui revient à la parole simple de l'Évangile. J'aime l'idée d'une église qui rappelle l'humilité. J'aime un pape qui ne se dérobe pas . J'aime la modernité de ses stratégies de communication.

De fait, je ne peux pas ne pas souligner - je suis un journaliste, c'est mon métier - que Bergoglio est aussi un "filou" ... que ses déclarations savent quelles cordes toucher, que l'idée des «coups de téléphone» est une trouvaille médiatique sensationnelle, qu'au Conclave fut précisé le chois de «remodeler» l'Eglise par rapport à l'«austérité» du pape Benoît XVI .
Tout cela me plaît, me convient, je suis d'accord.

Toutefois, nous devons plus que jamais être prudents. Je suis très perplexe - je l'avoue - devant le «questionnaire» qui a été publié hier par l'Eglise sur des questions telles que la contraception , le divorce et le mariage homosexuel. C'est une autre idée géniale de François, c'est une autre grande manoeuvre pour se rapprocher du vaste public des fidèles , mais je suis un peu inquiet.

Les ouvertures de François aux gays et aux divorcés, je les avais accueilies avec le même esprit que j'ai mentionné plus haut, conscient du fait qu'il s'agit de trouvailles médiatiques très bien vues, mais en même temps, en faveur d'une Eglise moins austère qu'auparavant. Idem pour le discours que François a prononcé à l'île de Lampedusa: je me rends compte qu'un Pape doit toujours être pour l'ouverture , alors j'ai avalé la pilule un peu amère de ses «frontières ouvertes».
Mais le questionnaire non. Le questionnaire me semble trop. La stratégie communicative de rajeunissement de l'Église ne peut pas et ne doit pas porter atteinte - à mon avis - à l'autorité morale de l'institution. Aucun questionnaire ne peut mettre en doute le fait que l'enfant doit avoir un père de sexe masculin et une mère du sexe féminin . Il faut défendre la procréation naturelle , il faut défendre la famille «traditionnelle» - ou plutôt, l'Église doit le faire.

Le questionnaire est vraiment une arme à double tranchant. Je suis journaliste, j'aime les nuances de gris, j'aime les questions, je me pose toujours des doutes. Mais aujourd'hui, j'ai envie de dire que l'on a besoin d'une Eglise qui ne transige pas sur certaines choses, vu qu'ensuite, ailleurs, on essaie par tous les moyens de faire perdre les valeurs. L'Eglise - qu'on me pardonne l'expression paradoxale! - doit toujours se faire l'«avocat du diable» . L'Église se doit d'insister sur certains concepts (tels que la «famille traditionnelle» pour être précis) afin de se présenter en postion forte face à toute négociation avec l'histoire.

Mais si l'Eglise elle-même commence à vaciller, à concéder, à faire venir les doutes , eh bien ... certes, elle recevra beaucoup d'applaudissements, et sera plus populaire que dans la position que j'exprime en ce moment ... Mais un jour (et l'Église a le devoir à penser à long terme ) tout cela pourrait se révéler un boomerang, dont il serait difficile de revenir.
Même si je suis pour la liberté, la modernité et la grande humanité du pape François ... qu'arriverait-il si au questionnaire, la grande majorité des gens disaient oui aux enfants confiés à des couples homosexuels? Chose légitime, peut-être ... mais cette chose obtiendrait donc le patronage de l'Église catholique? C'est toute la question.