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François et la surchauffe des attentes

Deux informations lues coup sur coup aujourd'hui (sur les femmes cardinales et les divorcés-remariés) portent à penser qu'il y a en ce moment des pressions très fortes qui s'exercent sur le Pape... (4/11/2013)

>>> Cf. Le Pape François aux prises avec l'ultime tabou... (Scaraffia)

Fin avril, dans un article faisant le bilan des tout premiers jours du pontificat, John Allen parlait de "surchauffe des attentes" (cf. benoit-et-moi.fr/2013-II). Cette surchauffe va en s'accentuant, et elle semble relever d'une authentique stratégie de la part de ceux qui comptent sur François, le «Pape sympa» pour satisfaire leurs revendications.

Deux informations lues coup sur coup aujourd'hui portent à penser qu'il y a en ce moment des pressions très fortes qui s'exercent sur le Pape, et qu'il faudra à ce dernier une grande force de caractère pour y résister.

Le premier article est autour d'une rumeur selon laquelle François pourrait nommer une femme cardinale dès le prochain consistoire. La rumeur (évidemment démentie par le Père Lombardi) n'est pas relayée par de simples feuilles de chou, ou par des blogs douteux, mais par les grands titres de la presse mondiale laïque (libérale, cela va sans dire): The Sunday Times, El Païs, The Washington Post... en attendant d'autres. En Italie, c'est le premier quotidien national, Il Corriere della Sera, qui s'en fait l'écho par son vaticaniste, Gian Guido Vecchi.
Evidemment, la probabilité d'un tel évènement - au moins à l'échéance de février 2014 - est hyper-infinitésimale, voire nulle, et ceux qui répandent la nouvelle le savent bien, mais ils essaient, en prenant l'opinion publique à témoin, d'ouvrir une brèche.

Le second article (également dans Il Corriere, dans son édition de Rome) relate un coup de téléphone qu'aurait reçu sur son portable une femme qui vient tout juste de «divorcer grâce au Tribunal de la Rote». Il est impossible de savoir si l'appel est authentique, à moins d'un démenti personnel du Pape - et pas du Père Lombardi, qui n'en sait sans doute rien. C'est assez improbable, et cela permet de mesurer l'imprudence de ces coups de fil informels, incontrôlables, y compris dans la façon dont ils sont ensuite rapportés.
Il appellerait plusieurs commentaires.
Je me limite à observer que là aussi, il s'agit, via l'opinion publique à qui on présente une histoire édifiante, de faire pression sur le "Pape sympa", pour qu'il autorise la communion aux divorcés remariés. Quelque chose qu'il ne fera évidemment pas, mais, si je suis bien la démarche du cheval de Troyes qu'on essaie de faire entrer dans la forteresse-Eglise: ça ne coûte rien d'essayer.

     
Une femme cardinale?

Linda Hogan: « Ce sera elle la première femme cardinale»
Gian Guido Vecchi
Il Corriere della Sera (texte ici)
4 Novembre 2013
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Il s'appelait Teodolfo Mertel et fut créé cardinal par Pie IX le 15 mars 1858. Si, aujourd'hui, on se souvient de lui, c'est parce que ce n'était pas un prêtre mais un avocat et juriste, le dernier cardinal laïc de l'Église.
On raconte que Paul VI avait médité de faire la même chose avec le philosophe Jacques Maritain. Parce qu'au fond, il ne s'agissait pas de changer la doctrine, le cardinalat n'est pas un ordre mais un titre honorifique: il suffisait de changer le code qui, depuis 1917 a introduit l'exigence que les cardinaux soient des prêtres ou des évêques. Le même changement qui en théorie permettrait à une femme, sans la nécessité du sacerdoce féminin, d'entrer dans le Collège des Cardinaux. Si un laïc peut devenir cardinal, une femme le peut aussi: il semble que déjà le même Montini, puis ensuite Jean-Paul II, avaient pensé à Mère Teresa de Calcutta.

Hier, le journal britannique The Sunday Times a lancé une autre candidature moins connue, la théologienne irlandaise Linda Hogan, 49 ans, mariée et professeur au Trinity College de Dublin: ce pourrait être elle, écrivait le journal, la première «lady in red» du Vatican. Le nom est repris d'une proposition faite sur Facebook, fin Septembre, par le jésuite américain James Keenan, et relancée par le Washington Post: en plus de Hogan, figuraient les noms de Sœur Teresa Okure, théologienne nigériane, et Maryanne Loughry, religieuse dirigeant le Jesuit Refugee Service en Australie. Au Vatican, cependant, on explique que la question elle-même est seulement «un débat théorique» et qu'il n'est «ni réaliste ni fondé» d'imaginer de telles nominations au consistoire de Février.

Jamais comme au cours des dernières semaines, l'hypothèse d'un cardinal féminin n'a été autant débattue dans les médias internationaux.
La thèse du Père Keenan a été reprise par l'espagnol El Pais. Et en Italie Lucetta Scaraffia, éditorialiste de L'Osservatore Romano, a défendu le dépassement du «dernier tabou», commentant sur Il Messagero: «ce serait une mesure de changement fort, significatif, du genre que nous sommes maintenant habitués à attendre du Pape François».

Tout est né des propos de Bergoglio fin Juillet : «Le rôle des femmes dans l'Eglise n'est pas seulement la maternité, la mère de la famille, il est plus fort: c'est justement l'icône de la Vierge et Marie est plus importante que les Apôtres!».
Dans l'Evangile, les apôtres étaient des hommes, et donc, pour l' Église, l'ordonnation des femmes est impossible, «cette porte est feremée». Mais il est nécessairey de penser à une «théologie de la femme», a répété le pape en Septembre à la Civiltà Cattolica: «Le défi aujourd'hui est simplement ceci: réfléchir à la place spécifique de la femme y compris là où s'exerce l'autorité dans les différents milieux ecclésiaux».
François, cependant, n'a pas mentionné le cardinalat féminin. Et dans cette même interview, il mettait en garde contre l'application de modèles masculins aux femmes dans l'Église: « Je crains la solution du machisme dans une jupe ... Et pourtant, les discours que j'entends sur le rôle des femmes sont souvent inspirés par une idéologie machiste».
Du reste, l'hypothèse récurrente du cardinalat féminin a été la plupart de temps proposée par des Jésuites comme Bergoglio. En 94, l'évêque congolais Ernest Kombo en avait parlé au Synode pour l'Afrique. La proposition d'un « diaconat féminin» lancée par le cardinal Carlo Maria Martini pouvait être lue dans ce sens. En Février 2011, c'est America, la revue des jésuites US, qui relançait le thème.
Et l'attention n'est pas seulement médiatique: à l'initiative de la théologienne suisse Helen Schüngel-Straumann , des théologiens des deux sexes, en Europe et aux États-Unis ont signé en Septembre un appel à François qui a recueilli plus d'un millier de signatures.

     
Ouverture aux divorcés-remariés

L'appel du pape à moi, "divorcée" grâce à la Rote
Le Saint-Père aurait dit à la femme que l'Église doit être ouverte et accueillir tout le monde
http://roma.corriere.it
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«Ciao Anna Rosa, je suis le Pape François»: recevoir un appel du Saint-Père, tandis que vous tournez dans la ville, au milieu du trafic et parmi les mille engagements de la journée, c'est une émotion forte, de ces choses qui peuvent changer votre vie. Surtout si la destinataire du nouvel appel du pape est une femme divorcée qui vient de recevoir de la Rote Romaine l'annulation de son mariage religieux. Et qui pense à se marier à nouveau.

«Il m'a parlé avec un immense douceur - dit Anna Rosa Marino, 38 ans, employée des postes originaire des Abruzzes mais qui vit à Rome depuis des années. Il m'a dit que j'étais courageuse et forte, et qu'à présent, j'allais pouvoir épouser l'homme que j'aime . Il m'a aussi demandé de prier pour toutes les personnes séparées ou divorcées qui sont des enfants de Dieu en attendant de retrouver la maison du Père pqui our eux est et restera toujours ouverte».
Un peu plus de deux minutes sur un téléphone portable, d'émotion et de bonheur pour Anna Rosa, qui avait écrit au pape en mai dernier pour lui raconter son histoire et lui demander du réconfort. Une histoire, la sienne, finalement assez commune: à 30 ans, en 2006, elle épouse à l'église un homme avec qui elle était (?) depuis trois ans: «Mais en réalité, nous nous connaissions peu, il était souvent parti pour son travail. C'est moi qui avais choisi le mariage religieux, ma famille et moi sommes catholiques pratiquants, lui, au contraire, il est athée. Tant et si bien que même au cours de préparation au mariage, étant donné aussi ses fréquentes absences, j'assistais seule. J'ai réalisé plus tard que nos différences étaient trop nombreuses et nous empêcheraient d'avoir une vie conjugale heureuse. J'ai décidé de me marier peut-être trop à la légère, et après je me suis sentie coupable à cause de cala».

Après le mariage, les choses empirent, surtout quand le jeune marié dit à sa femme qu'il ne veut pas avoir d'enfants. «J'étais mal, nous nous sommes séparés après un an, je suis tombée dans une profonde dépression qui m'a conduite aussi à m'éloigner de la foi et de l'Église», dit Anna Rosa. C'est un psychothérapeute qui lui conseille de contacter la Sainte Rote pour l'annulation du mariage. Qui est arrivée seulement en mars dernier: «Je suis tellement heureuse, c'était très important pour moi».

Quelques mois plus tard, Anna Rosa, qui dans l'intervalle a rencontré un autre homme, décide d'écrire au pape François: «Mais quand il m'a appelé vendredi dernier, vers quatre heures, au début je n'ai même pas compris - dit-elle - j'étais dans la rue, il y avait du bruit autour de moi, il m'a fallu un certain temps pour réaliser. Il m'a répété qu'il ne faut jamais perdre espoir, que l'Eglise doit être ouverte à tous et accueillir tous, même ceux qui se sent désormais loin de la foi, peut-être en raison de l'échec d'un lien matrimonial».
A ce point, Anna Rose prend courage et demande même au Saint-Père de célébrer son prochain mariage, qui n'a pas encore été fixé: «il m'a répondu que ce n'était pas vraiment possible, mais qu'il prierait pour moi le jour où je prononcerai mon vrai "oui". Je ne sais pas ce que la vie me réservera, mais je crois que je n'oublierai jamais ce jour-là, et qu'il marquera mes choix pour toujours».
Anna Rose a décidé de rendre publique son histoire: «Oui, parce que j'espère qu'elle peut être témoignage et donner confiance et courage à tous ceux qui dans leur vie ont fait des erreurs, même graves. Malgré l'obscurité et le désespoir, derrière le tournant, il y a toujours un espoir qui peut venir à tout moment ».