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La lettre de Jeannine du 15 septembre (III)

Troisième partie: Six mois de silence de Benoît - suite et fin (17/9/2013)

>>> La lettre de Jeannine du 15 septembre (I)
>>> La lettre de Jeannine du 15 septembre (II)

François est loin d'être sot même s'il n'est pas doté de la fulgurance d'esprit de Benoît, de son bagage intellectuel immense, d'une personnalité aussi riche.
Je crois que pour un nouveau pape il est plus facile de prendre la place d'un prédécesseur décédé que de percer avec une telle sommité encore vivante bien que retirée.
Vous pensez qu'il s'en sert de faire-valoir pour établir sa légitimité. Il a été élu normalement et depuis le 13 mars son attitude n'a pas varié.
Dans le "privé" cette situation serait invivable car le remplacé tenterait de faire de l'ombre à son successeur. Avec Benoît XVI il sait qu'il n'a rien à craindre. Ils sont voisins et entretiennent des relations basées sur la confiance en la grande sagesse du pape émérite. Ils se rencontrent, se téléphonent et je crois que ce modus vivendi est acceptable.
Est-il si aisé de disparaître du monde lorsque cette décision intervient à la fin d'une vie si exposée? J'ai eu connaissance il y a quelques années du cas d'un homme qui, après le décès de son épouse et tous les enfants étant établis, avait décidé de se consacrer à la prière dans une communauté et avait recueilli bien sûr l'approbation de sa famille. Pour l'accueillir dans sa nouvelle vie une condition lui avait été imposée : il devait garder des liens avec un passé qui ne pouvait en aucun cas être effacé. J'avais trouvé cette exigence très raisonnable.
Les deux hommes paraissent s'apprécier, pourquoi pas? Cet accommodement a l'avantage de procurer au pape émérite une vie plus équilibrée, plus humaine, sans rien enlever à Dieu.

Même si la " balade " de Benoît à Castel Gandolfo le 18 août (benoit-xvi-a-castelgandolfo-pour-quelqiues-heures) n'a pas été médiatisée elle a été néanmoins rapportée par le site du Vatican avec quelques détails : entouré de ses anges gardien(nes) il y a eu la récitation du chapelet, la prière de l'Angélus, la promenade dans les jardins qu'il aime tant et un mini-concert donc préparé pour lui avec un peu d'avance et le tout, sans aucun doute, en accord avec le Pape.

Rencontre du 1er septembre pour la messe célébrée par le pape émérite dans la chapelle du Governorat pour la clôture de la rencontre avec ses anciens étudiants réunis, cette année, sans sa présence, à Castel Gandolfo (au-milieu-de-ses-eleves). Benoît XVI est en pays connu et par la langue et par les visages si souriants qu'il rencontre au moins une fois par an et qu'il connaît depuis tant d'années.
Ce qui me frappe c'est l'opposition entre le visage figé du "professeur" et celui radieux de l'archevêque Mgr Gänswein.
Je remarque l'air soucieux de Domenico Gianni qui le regarde alors qu'il est accueilli à sa descente de voiture par le cardinal Schönborn, une vieille connaissance. Le cardinal légèrement incliné vers lui a toujours le même sourire, très avenant, et il me rappelle la façon dont il riait sans retenue devant les difficultés du pape Benoît XVI lors de son voyage en Autriche, en prise avec une météo déplorable qui avait désorganisé l'emploi du temps soigneusement établi au préalable et qui, avec la pluie et le vent, nous rendaient un pape décoiffé, sans calotte blanche depuis un long moment, se battant avec la cape rouge qui lui voilait le visage, essayant de conserver son texte qui ne demandait qu'à suivre les mouvements de la cape, mais qui souriait et gardait ses lunettes, à qui les remettre car sa garde rapprochée était un peu éloignée.

Fidèle à lui-même il marque ce temps d'adaptation à la rencontre de l'autre. Un religieux (peut-être) âgé, cheveux, lunettes et visage doux et souriant lui parle longuement et notre professeur se déride. Mgr Gänswein reste près de lui et lui présente différents jeunes : séminariste, enfants de chœur, servants d'autel. Son docteur est présent et Domenico Gianni a retrouvé le sourire pour le saluer. On voit Benoît XVI traverser la chapelle suivi par deux cardinaux et son secrétaire mais en s'approchant de l'autel c'est Mgr Gänswein qui le rejoint et reprend sa place à gauche. La silhouette est fragile, la canne n'est plus abandonnée et c'est avec beaucoup de déférence qu'on l'entoure pour veiller sur lui. Que l'on soit important ou pas, les années passent et les rôles s'inversent.
Si l'on veut vivre harmonieusement il faut accepter ce changement, ne pas essayer de l'ignorer et être reconnaissant pour toutes les aides qui se présentent.

Grâce à l'enregistrement que vous nous avez procuré (la-voix-de-benoit-xvi) on retrouve la voix fatiguée, rauque, mais on reconnaît la douceur, le ton qui brusquement devient plus ferme et puis un bref silence comme pour reprendre souffle ou chercher un détail. Le sujet de l'homélie est fait pour lui : l'humilité, la vraie, celle qui permet de tout abandonner pour mieux servir, pour mieux aimer: un texte magnifique, du pur Benoît XVI, qui donne son homélie debout devant l'ambon.
Le long signe de paix avec son secrétaire qui était concélébrant traduit bien l'entente et la confiance qui doit les lier; tant d'années vécues dans cette proximité créent des liens.

Sur une longue série de photos (www.photovat.com) on voit ses "fidèles" qui s'approchent, échangent avec lui avec entrain, remettent un souvenir, embrassent sa main. Parmi ces images d'intérieur il en est une qui me plaît beaucoup : seul, debout devant son siège, les deux bras tendus, qui s'apprête-t-il à accueillir? Derrière lui, un peu en retrait son secrétaire et D. Gianni bavardent. Son secrétaire récupère discrètement les cadeaux. Les personnes s'approchent, très souriantes, lui parlent et Benoît XVI, avec un visage détendu, gai, recueille les mots qui lui confiés et répond. Ses mains accompagnent sa pensée. Elles sont prises et gardées et ceux qui repartent donnent l'impression d'emporter comme une grâce ce court moment passé en sa compagnie Un jeune prêtre ou séminariste, agenouillé, fait bénir son chapelet. Il n'y a aucune préséance, c'est un joyeux mélange, une réunion de l'amitié, des souvenirs partagés, de la confiance. Tout est simple, sans familiarité mais la réelle proximité est bien perceptible. Les gestes sont spontanés, une joie paisible émane de ces photos avec Benoît XVI qui goûte ces échanges avec des personnes très variées mais qui ont toutes un dénominateur commun vrai, sincère : lui. La séparation approche, il sort de la chapelle avec Georg Gänswein, sans quitter sa canne et retrouve son groupe amical qui l'attend au long des marches pour regagner la voiture; la descente se fait doucement mais là encore il est entouré de sécurité, son secrétaire l'assure bien ainsi qu'une personne du service d'ordre. Au bas des marches la photo de groupe, sans service d'ordre, sans Mgr Gänswein, va être le souvenir qui sera gardé de cette édition un peu spéciale du Schülerkreis mais dans laquelle on a ressenti le lien qui unit tous les participants. Avant de regagner la voiture Benoît XVI, devant le groupe lève les bras en un geste bien connu pour leur dire «au revoir ». A la voiture D Gianni agenouillé embrasse la main fine qu'il garde un peu entre la sienne, l'autre garde fait de même, un gendarme le salue et la série de prises de vues se termine avec le chauffeur à côté de la voiture, portières ouvertes, qui attend ses passagers. Une matinée faite de la joie de se revoir, de l'avoir revu sans protocole pesant mais pourtant discrètement présent. Benoît XVI doit être fatigué mais au monastère il va pouvoir retrouver le calme, remercier pour ces heures passées dans cette bulle d'affection, d'amitié, de sérénité et regarder ses cadeaux.

Je n'oublie pas la rencontre du 6 septembre entre notre pape émérite et une délégation de la rédaction d'un nouveau journal (des-nouvelles-recentes-de-benoit). Des paroles très simples mais sincères : en bonne santé, gentil, attentif à celui qui vient le rencontrer, aimable avec toujours son esprit aussi vif et une photo où on le retrouve tout à fait : il est détendu, chez lui, dans une ambiance qu'il sait lui être favorable.

- FIN -