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La lettre de Jeannine du 27 septembre

Retour sur la lettre de Benoît XVI à Oddifreddi, et réflexions sur les dernières nouvelles de Rome (28/9/2013)

Chère Béatrice,

La si belle lettre du pape émérite (La lettre à Oddifreddi ) ne pouvait que m'inciter à vous parler de lui, ce que je fais toujours avec un infini plaisir.

Ce cadeau – involontaire - de Joseph Ratzinger ne peut que nous combler de joie.
Apparemment la vie au Monastère et surtout sa liberté retrouvée contribuent à le maintenir en bonne forme.
Je n'oublie pas combien il a insisté le 27 février sur l'absence de vie privée liée au pontificat. Grâce aux textes que vous réactualisez, il n'est jamais loin mais cette fois la lettre est récente, écrite de sa main. On retrouve le grand professeur bien vivant, l'intellectuel génial qui nous offre un modèle de dialogue.

Le professeur, avec finesse, humour, ironie, analyse le texte qu'il a lu avec application et intérêt, conditions nécessaires pour étayer l'échange. Courtoisement, mais avec une fermeté implacable, le professeur Ratzinger expose le plan établi par lui pour cet exercice. Comme avec un amphithéâtre rempli d'étudiants, avec sa délicatesse, son attention portée à qui il rencontre, il souligne ce qui lui paraît positif mais n'oublie surtout pas de décortiquer sans ménagement tout ce qui est sujet à caution et selon lui non conforme à la vérité. Les arguments sont mûrement choisis, exposés avec soin; ils viennent étoffer la pensée profonde du pape émérite et confirmer, si besoin était, cette toujours extraordinaire et lumineuse intelligence de cette personnalité hors norme.
Dans ce courrier il expose ses griefs et les développe avec une grande liberté. Un proche de lui avait dit qu'il n'était pas solitaire et recherchait toujours le dialogue; soyons tranquilles, il n'a pas changé. C'est dans les échanges d'idées, dans les joutes oratoires, dans ses nombreuses et longues improvisations, qu'apparaissent ses qualités et la profondeur de ses connaissances dans tant de domaines. Le cardinal Ratzinger était célèbre pour ses envolées lumineuses mais c'était avant le pontificat et le souci permanent de ne pas transmettre des paroles qui pourraient être mal interprétées.
Joseph Ratzinger a été décrit comme un pasteur intérieurement pacifié et c'était ce qui lui permettait d'être libre, c'est toujours vrai. Il n'a qu'un seul roc sur lequel il s'appuie sans crainte même, « lorsque le Seigneur paraît dormir » : sa foi indéracinable.

* * *

L'évènement de ces derniers jours a été l'interview de François publiée en France sur le mensuel des jésuites, la Revue "Etudes" (Document: la lettre à Scalfari).
Il a dit beaucoup de choses mais étant donné la façon dont il se décrit, je pense qu'il fera ce qui lui plaira. Il s'entoure de beaucoup de personnes afin de diriger l'Eglise mais ce sera l'évêque de Rome, qui se comporte néanmoins en parfait Souverain Pontife, qui décidera. Je n'invente rien, je ne le connais pas et me contente de bribes livrées par des proches qui le pratiquent depuis de nombreuses années. Le temps passe, il réorganise partiellement la curie et joue comme le chat avec la souris : il fait durer le suspense.
Je pense qu'il faut bien mal connaître Benoît XVI pour dire « Je crois que le choix de Benoît XVI fut prudentiel, lié à l'aide de personnes qui l'entouraient » (à propos du Motu Proprio libéralisant la messe ancienne) Avec sa carrière de théologien et sa connaissance profonde de la liturgie je ne vois pas le Pape de l'époque céder à une influence de son entourage sur ce sujet. Il me semble me souvenir que le Saint-Père avait présenté cette mesure comme charitable afin de réparer la tunique déchirée du Christ et revenir à l'unité, ce qui est autrement plus louable qu'une faiblesse humaine pour faire plaisir. Le préfet de la CDF était habitué à recevoir des coups et les encaissait en poursuivant son chemin. La peur, la faiblesse sont inconnues de lui.

Je crois que François apprécie l'homme mais ne connaît pas l'œuvre, trop complexe à étudier, pas assez "coup de poing" pour le marquer.
Une chose m'interpelle : pourquoi avoir accepté le huis clos demandé par les prêtres lors de la rencontre avec le clergé (Rencontre avec le clergé de Rome... )? Les deux réflexions relatées par Sandro Magister lors de cette réunion et ayant trait à deux prélats de la Curie font preuve d'un manque de correction de la part du pape. Qu'il ait été d'accord ou non avec le prêtre qui parlait, je trouve sa façon de réagir particulièrement maladroite. Mais que peut-on demander à un Souverain Pontife qui tutoie ses correspondants téléphoniques et demande qu'ils fassent de même à son égard? Qui vivra verra!!

J'ai lu un entretien de Mgr Anatrella dans Zenit. Il fait la relecture de la fameuse interview. je ne sais ce que vous pouvez en penser mais je l'ai trouvée intéressante parce que plus équilibrée que certains articles et vue sous un autre angle.

Le "Parvis des journalistes" à Rome le 25 septembre s'est déroulé sous la houlette habituelle du cardinal Ravasi (fr.radiovaticana.va/). Il a fait les yeux doux aux journalistes et prononcé cette phrase " si un ecclésiastique, un pasteur ne s'intéresse pas à la communication, il se place hors de son ministère". Les directeurs des principaux quotidiens italiens ont résumé les qualités que devraient présenter leurs journaux respectifs : objectivité, honnêteté vis-à-vis du lecteur, replacer les évènements dans leur contexte. Une telle prise de conscience est-elle fortuite, liée à la grâce du nouveau pontificat? J'ignore ce qu'est la presse italienne mais je souhaiterais que ces vœux pieux soient entendus par les grands journaux français qui ont tant éreinté Benoît XVI, comme tout eut été plus facile! Virman Cusenza a prédit que " Le pape François finira par révolutionner notre métier", les signes continuent à se manifester.
Pour moi qui reste bien sur terre je trouve que toutes ces exigences exposées n'ont rien de sensationnel, je dirais même qu'elles sont basiques. Que demande-t-on à un journaliste digne de ce nom et indépendamment de son pays d'origine : informer en faisant abstraction de ses idées personnelles pour livrer aux lecteurs la vérité, sans édulcorer, sans embellir, en faisant circuler les informations sans les détacher de leur contexte ni les tronquer afin de ne pas les déformer; une simple question de probité personnelle et de respect de la déontologie de ce que devrait être la profession.

J'ai apprécié que l'œuvre de Benoît XVI soit au cœur d'un Symposium international pour théologiens africains de diverses catholiques européennes et académies et du Schülerkreis Joseph Ratzinger-Benoît XVI. Il s'est tenu du 16 au 21 septembre à Cotonou, au Bénin à l'initiative de Mgr Adoukonou (ndlr: voir à ce sujet dans ces pages ici) : « Porter l'œuvre de Ratzinger aux Eglises "de la périphérie" » (cf. sur Zenit l'homélie de Mgr Adoukonou)
Je n'ai lu que la première partie (la suite sera publiée) de l'entretien accordé par l'organisateur de la rencontre, très ratzingérien (j’apprécie) et qui est secrétaire du Conseil pontifical de la culture. En 2009, en pleine tourmente, il avait été réconfortant de constater le soutien très appuyé des Etats africains, (aujourd'hui, les deux parties ont été publiées, cf. Zenit [I], et Zenit [II] ).

Je crois qu'il existe des personnes intelligentes qui sont conscientes de la valeur intellectuelle, spirituelle du pape émérite et ce sont celles-là qui, sans faire trop de bruit, vont continuer à faire vivre celui qui a tant donné à l'Eglise et continue par sa prière effacée de la soutenir.

Je suis heureuse de cette lettre qui traduit une vigueur réjouissante.

Benoît XVI est une source inépuisable de pépites riches de poésie pour certaines mais aussi de citations, d'homélies, de catéchèses et autres qui permettent de le retrouver avec sa profonde humanité et la richesse de son enseignement

Jeannine