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Le curieux tandem et la rupture rêvée

JL Restàn commente à sa façon l'échange épistolaire entre Scalfari et François... et Carlota commente Restàn. (18/9/2013)

José Luis Restán, le grand spécialiste espagnol du Pape Benoît, revient, dans son style coloré et inimitable, sur la lettre du Pape François à Scalfari….
On peut être dubitatif... même si l'on admire la loyauté du fidèle et évidemment totalement désintéressé serviteur (ce qui n'est pas forcément le cas de tous les vaticanistes).

Original: www.paginasdigital.es/.

     

Le curieux tandem et la rupture rêvée

La lettre de François au fondateur du journal La Repubblica, transformé en article en première page, qui a fait le tour du monde, s’est faite propice à tout type de commentaires. Mais parmi eux, il y en a un qui ne s’est par répandu avec prodigalité : c’est que jamais nous n’avions entendu parler François aussi clairement avec des mots de Benoît.
L’affaire est intéressante pour beaucoup de raisons.
Curieusement, en même temps que se vérifiait un geste d’explicite continuité sur le chemin de l’Église, redoublent les efforts de ceux qui se sont engagés dans cette action de dessiner l’image grotesque d’un pontificat de rupture.

Nous ne parlons pas d’impression mais de contenus réels.
En premier lieu rappelons-nous que l’idée d’un Parvis des gentils dans laquelle s’inscrit avec une lumière propre et des contours originaux la réponse de François à Scalfari, a été lancée en 2009 par Benoît XVI lors de son voyage à Prague, et que Ratzinger lui-même avait pratiqué le dialogue tous azimuts avec des intellectuels notables non croyants comme Habermas, Flores d’Arcais ou Galli Della Logia.
Mais c’est qu'en outre les thèmes principaux de la missive de François sont clairement ratzingériens: la valeur de la conscience comme chemin pour mener une vie rectiligne ; la relation entre la vérité ; l’amour et la liberté ; le discernement critique de la modernité et la miséricordieuse relation entre judaïsme et christianisme. Le fait que François utilise des larges extraits de l’encyclique Lumen Fidei (qui avait provoqué les questions de Scalfari) souligne et souligne encore la continuité dont nous parlons. Ce sont des faits et non les délires de Boff et compagnie.

Le fondateur de La Repubblica a entonné l’alléluia parce que, selon lui, jamais un évêque de Rome n’avait osé aller aussi loin.
Dommage que jusque là il n’ait pas écouté (en fin de compte la connaissance n’est pas seulement question d’intelligence mais aussi d’affection) mais c’est une bonne nouvelle qu’enfin à un certain monde laïc soient tombées les écailles des yeux et les bouchons des oreilles.
Avec tout cela je ne prétends pas dire que François se soit limité à dire ce qu’avait déjà dit Benoît, ou que sa propre personnalité, etson propre témoignage n’aient pas été décisifs à l’heure où tombe une espèce ce Ligne Maginot du laïcisme européen, qui a converti beaucoup de tentatives en dialogue de sourds. François aun charisme particulier qui est un véritable don de Dieu pour ce moment de l’histoire, et si une fois je l’ai comparé aux trompettes de Jéricho, cela ne me gêne pas d’ajouter maintenant que sûrement il a reçu un don spécial de la Vierge Marie qui défait les nœuds, et qu’il a toujours particulièrement vénérée.

Pour moi l’initiative de François peut entrer dans l’histoire, mais non pas pour ce que beaucoup mettent en avant ces jours-ci (c’est-à-dire pour son supposé contenu révolutionnaire).
Le Pape qui nous appelle continuellement à sortir vers les périphéries réalise des gestes de grand impact éducatif, et c’est l’un d’entre eux. Pour nous catholiques qui vivons dans des sociétés d’ancienne tradition chrétienne c’est le moment de comprendre que la foi ne peut être donnée comme acquise, que nous devons la proposer (toujours) dans un dialogue avec les réponses de notre temps, qu’elles soient aimables ou incommodes et mordantes. C’est l’heure de générer une nouvelle culture de la foi qui implique de ne pas la répéter, un présupposé qu’il faut seulement bien visser, mais proposer comme une nouveauté inespérée que l’on doit partager en accompagnant d’autres hommes et femmes tout au long de leur chemin de recherche existentielle.

Six mois d’un pontificat qui promet de procurer beaucoup de surprises se sont écoulés. Et pour moi une surprise, qui n’est pas la moindre, c’est celle d’un berger venu « de presque le bout du monde », avec sa capacité innée à communiquer le contenu essentiel de la foi, qui soit capable de libérer la fusée percutante de tant de charge en profondeur préparées par son prédécesseur.

Peut-être le vieil homme qui prie dans le convent Mater Ecclesiae a-t-il souri avec placidité devant l’humour que déploie l’Esprit.

Commentaires de traduction

On peut être étonné de ce que José Luis Restán avance.
Réelle compréhension des mots du Pape François, tentative de se convaincre à partir de faits qui restent encore ténus, optimisme et confiance d’un catholique convaincu ? Mais si son interprétation est la bonne, est-ce trop demander à François de parler aussi clairement que le faisait Benoît, pour que ceux (catholiques) qui ont tant de mal à comprendre le nouveau Pape, même s’ils sont d’après les sondages, très minoritaires, puissent arriver à mieux l’entendre ?
Parce que certains peuvent se dire que si le Pape François est dans la continuité de ses prédécesseurs, les mots et les gestes pour le dire n’apparaissent pas si évidents à tous.
Dans les mots et les gestes de François, certains voient, comme ils voient chez la plupart des actuels politiciens d’aujourd’hui, un peu du tout et son contraire, pour que chacun y trouve son compte et soit content. Je pousse le trait ! (avec Benoît XVI, c'était impossible).
D’après Restán la compréhension ne dépend pas que de l’intelligence mais aussi de l’affection. C’est vrai sans doute, mais l’Évangile ne s’adresse pas qu’aux conquis d’avance…

Le pauvre catholique du bout du banc qui en est resté au catéchisme simple et parfaitement logique de son enfance - celui qu’il fallait savoir par cœur dans le temps pour passer sa communion - mais qui essaie d’être un auditeur attentif et actif - pas celui qui est dans le « mondanisme » de la routine -, même affectueux envers le Pape François, peut avoir du mal à le comprendre.

La foi et la raison restent intimement liées, et tout le monde n’a pas la même intelligence pour toucher cette raison si évidente à d’autres. Une lettre adressée à un intellectuel qui se transforme en lettre ouverte à tous ! Et des intellectuels catholiques qui expliquent ce qu’a dit le Pape à des non croyants… tout cela est un peu compliqué ! Et si le catholique n’a pas besoin d’être convaincu, ou tout au moins si ce n’est pas une priorité, sa confirmation dans la foi reste néanmoins nécessaire et toute sa vie.

Malgré l’optimisme de José Luis Restán, la question reste que ces prétendues élites qui veulent des réponses de leur temps à des questions de toujours, ont choisi systématiquement et sciemment les réponses de la culture de mort, entraînant ceux qui n’avaient pas leur intelligence et leur capacité sur la même pente: ils ont une énorme responsabilité, et leur faute, s’ils arrivent à se convertir, devra être à la hauteur de leur repentance et des actes qu’ils devront entreprendre pour se racheter (malgré la miséricorde divine sans limite).