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Le Pape jésuite

"Qui suis-je pour juger"? Exit les principes non négociables de Benoit XVI (19/9/2013, mise à jour)

Le Père Spadaro, directeur de la revue des jésuites italiens, La Civiltà Cattolica s'est entretenu longuement, en août dernier, avec le Pape François, et le résultat de ces entretiens a été publié ce 19 septembre dans plusieurs revues jésuites à travers le monde.
http://www.choisir.ch/religions/eglises/item/1779-entretien-avec-le-pape-francois

     

Extraits... médiatiques

Un jour quelqu'un m'a demandé d'une manière provocatrice si j'approuvais l'homosexualité. Je lui ai alors répondu avec une autre question: “Dis-moi: Dieu, quand il regarde une personne homosexuelle, en approuve-t-il l'existence avec affection ou la repousse-t-il en la condamnant?” Il faut toujours considérer la personne.»
[Le Pape oublie de mentionner la distinction entre la personne et l'acte].
* * *

Il y a des normes et des préceptes secondaires de l'Église qui ont été efficaces en leur temps, mais qui, aujourd'hui, ont perdu leur valeur ou leur signification. Il est erroné de voir la doctrine de l'Église comme un monolithe qu'il faudrait défendre sans nuance.
[Lesquels?]
* * *

Nous ne pouvons pas insister seulement sur les questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation de méthodes contraceptives. Ce n’est pas possible. Je n’ai pas beaucoup parlé de ces choses, et on me l’a reproché. Mais lorsqu’on en parle, il faut le faire dans un contexte précis. La pensée de l’Eglise, nous la connaissons, et je suis fils de l’Eglise, mais il n’est pas nécessaire d’en parler en permanence.
[Ce qui se passe en France, depuis le printemps, n'est-ce pas un "contexte précis"?]

     

Réaction à chaud

Je réagis à chaud, après avoir lu l’interviewe rapidement (eh oui!!) et entendu les premières réactions à la radio, mais avant d’avoir lu les commentaires écrits.

Les medias parlent d'ouverture, voire de révolution. Ils sont certes de mauvaise foi, ce n'est pas nouveau (et ils voient tout à travers les lunettes déformantes de l'idéologie gay) mais se trompent-ils tellement? De toutes façons, ce que l’opinion va retenir, c’est cela, et le Pape le sait parfaitement.

On va certainement nous refaire le coup des « quelques phrases dans une longue-interviewe-à-lire-en-entier » (1). Je m'amuse en imaginant les vaticanopinionistes se ruant sur leurs claviers pour essayer de nous convaincre que rien n'a changé, et cherchant désespérément dans les textes de Benoît XVI des éléments qui pourraient étayer les propos les plus iconoclastes de François .
Mais en répondant aux questions de son confrère jésuite (une conversation à bâtons rompus, menée en mélangeant l'italien et l'espagnol: compte tenu du foisonnement des idées, on imagine le travail que cela a représenté de transcrire et de remettre en forme pour aboutir au texte syntaxiquement irréprochable que nous avons sous les yeux) , le Pape se doutait bien que ce qui intéresserait les médias, ce n'est ni sa passion pour Mozart, ni sa récitation du rosaire, ni ses adorations eucharistiques, ni son admiration pour le Caravage, toutes choses certes admirables, mais à leurs yeux anecdotiques (2).

On va aussi parler de «l’ anxiété missionnaire» du Pape . Mais en recherchant à tout prix à rejoindre les « périphéries », ne prend-il pas le risque de troubler, voire de diviser le centre ? Il est vrai qu'il a dit lui-même qu'il préférait une Eglise qui se trompe à une Eglise qui reste enfermée sur elle-même.

* * *

Post-scriptum: Le Pape a une grande marge de manoeuvre dûe à sa popularité, et elle s'explique assez facilement.
Les catholiques de gauche - qui ont la "culture" de la contestation - lui sont globalement favorables, ils ont l'appui des médias, et attendent beaucoup de lui. Ce sont eux que l'on entend.
Les catholiques de sensibilité traditionnelle, ou, si l'on préfère, de droite, sont réservés, voire inquiets, mais ils sont marginalisés, exclus des médias, et surtout, ils ont la "culture" du légalisme: ils n'osent donc rien dire, car s'opposer au Pape, pour eux, c'est très grave. C'est très clair depuis le 13 mars.
Entre les deux, la masse des catholiques, qui sont sans doute séduits par le message sur la miséricorde, favorables à l'immersion dans "l'air du temps", et dont l'opinion est façonnée par les médias.

On le voit, une fois de plus, l'arbitre, ce sont les médias.

Mise à jour, 20/9, 17h

(1) J'ai lu quelques réactions.
L'argument - prévisible - de la nécessité d'une lecture intégrale et minutieuse, est une façon de disqualifier les gens qui n'auront pas pris le temps de lire paragraphe par paragraphe ce salmigondis, censé nous faire découvrir la personnalité du pape, alors que l'on nous explique par ailleurs que ce qui compte, ce n'est pas "un" Pape mais la continuité entre "les"Papes. Ce procédé a par exemple servi lors du référendum sur le traité de Maastricht, ou d'autres circonstances analogues où l'on propose à l'approbation du peuple un texte long et/ou illisible, juste pour le culpabiliser de ne pas l'avoir lu en entier, au cas où il serait tenté de mal voter (dans ce cas, de mal penser).
Après le discours de Ratisbonne, on a aussi dit que les gens ne l'avaient pas lu en entier (et pour cause! Je suis en train d'en faire
l'expérience). Sauf que le fait de découper un passage - significatif - avait permis à l'époque de clouer Benoît XVI au piloris (aujourd'hui, c'est l'inverse). Mais je crois qu'avec le recul, je ne lui ferais plus tort (la dernière chose que je souhaite!!) en disant qu'il avait bel et bien dit ce qu'il avait dit.

Je laisse le mot de la fin à mon amie Raffa: à quoi auront servi la souffrance et le sacrifice de notre Pape Benoît, si c'est pour liquider ainsi son héritage?
Il y a certainement une réponse, mais elle m'échappe.

* * *

(2) Marie-Christine observe que "Le texte qu'on nous a présenté comme étant la retranscription d'entretiens avec François est manifestement très retravaillé et surchargé", et elle note "la langue employée, les goûts musicaux révélés (tiens, je croyais que c'était Beethoven et non pas les Bach et Mozart de BXVI!), sans parler des goûts tout court: exit le foot et le tango!!.."

Tout cela fait en effet penser à une opération de communication bien menée.
Si l'homme Bergoglio est vraiment celui que l'on voit et entend semaine après semaine depuis le 13 mars lors des audiences, des angelus et des prédications matinales à sainte Marthe, j'ai du mal à croire qu'il ait dit cela.
Et s'il est la personne que l'on perçoit à travers cette interviewe, les mêmes audiences, prédications et angélus sont des mises en scène.