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Le Pape visite un centre de réfugiés

... et il demande d'ouvrir les couvents vides pour les accueillir (11/9/2013, mise à jour)

Le récit d'Andrea Tornielli

«L'Église n'a pas besoin de couvents vides. Faites entrer les réfugiés »
François visite le Centre Astalli qui, au coeur de Rome, assiste et nourrit ceux qui fuient la guerre et les violences
Andrea Tornielli
(http://vaticaninsider.lastampa)
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«Les couvents vides ne servent pas à l'Église pour les transformer en hôtels et gagner de l'argent. Les couvents vides ne sont pas à nous, ils sont pour la chair du Christ que sont les réfugiés», a dit le Pape François, en levant les yeux du texte écrit, lors de sa visite au Centre Astalli, l'endroit, au cœur de Rome, qui accueille, nourrit et aide les réfugiés. Là, depuis plus de trente ans, on assiste les personnes arrivés en Italie qui fuient la guerre, la violence et la torture.

François tenait beaucoup à ce rendez-vous, qui prolonge en quelque sorte sa visite à Lampedusa: comme c'est dans la tradition la plus ancienne de l'évêque de Rome, les pauvres et les persécutés sont au centre de son attention.
François est arrivé au centre Astalli à 15h25, à bord d'un bleu Ford Focus, sans escorte et sans secrétaire. Le pape a déjà salué à l'extérieur les nombreuses personnes qui attendaient la distibution du repas. Il est ensuite entré dans la salle à manger et s'est approché des hôtes qui mangeaient là et puis il s'est entretenu avec une vingtaine de réfugiés. Il a écouté leurs terribles histoires, celle particulièrement touchante de Carol, une syrienne. Il a souligné certains passages de ce qu'il avait entendu, en déclarant que l'intégration «est un droit».

Après un bref moment de prière dans la chapelle du Centre Astalli, et après avoir salué tout le personnel - on lui également offert du maté - le Pape s'est rendu à l'église de "Jésus" voisine, où il a rencontré 250 bénévoles qui travaillent dans quatre centres d'accueil gérés par le Service des Jésuites pour les réfugiés.

«Servir, qu'est-ce que cela signifie? Servir - a dit François - cela signifie accueillir la personne qui arrive, avec attention, cela signifie se pencher sur ceux qui sont dans le besoin et leur tendre la main, sans calcul, sans peur, avec tendresse et compréhension, comme Jésus s'est penché pour laver les pieds des apôtres».

«Servir signifie travailler aux côtés des plus démunis, établir avec eux avant des relations humaines, de proximité, des liens de solidarité». Solidarité, a ajouté François, «cette parole qui effraie le monde le plus développé. Ils essaient de ne pas la dire. C'est presque un gros mot pour eux. Mais c'est notre Parole! Servir signifie accueillir et reconnaître les exigences de justice, d'espérance et chercher ensemble des voies, des parcours concrets de libération ».

«Pour l'ensemble de l'Eglise - a dit le Pape - il est important que l'accueil des pauvres et la promotion de la justice ne soient pas seulement confiés à des "spécialistes", mais soient l'attention de toute la pastorale, de la formation des futurs prêtres et religieux, de l'engagement normale de toutes les paroisses, les mouvements et les groupes ecclésiaux».

François a ensuite prononcé des mots très forts, invitant les congrégations religieuses à ne pas garder les couvents vides. «En particulier - et cela est important et je le dis du fond du cœur - en particulier, je voudrais inviter même les instituts religieux à lire sérieusement et avec responsabilité ces signes des temps. Le Seigneur appelle à vivre avec plus de courage et de générosité l'accueil dans des communautés, dans les maisons, dans les couvents vides...».

«Chers religieux et religieuses - a dit le Pape - les couvents vides ne servent pas à l'Église pour les transformer en hôtels et gagner de l'argent. Les couvents vides ne sont pas à nous, ils sont la chair du Christ que sont des réfugiés. Le Seigneurappelle à vivre avec générosité et courage l'accueil dans les couvents vides. Certes, ce n'est pas quelque chose de simple, il faut des critères sérieux, de la responsabilité, mais il faut aussi du courage. Nous faisons tant, peut-être que nous sommes appelés à faire plus, accueillant et partageant avec décision ce que la Providence nous a donné pour servir».

«Surmonter la tentation de la mondanité spirituelle - a conclu le Pape - pour être proche des gens simples, et surtout des derniers. Nous avons besoin de communautés solidaires qui vivent l'amour d'une manière concrète! Chaque jour, ici et dans d'autres centres, beaucoup de gens, surtout les jeunes, font la queue pour un repas chaud. Ces personnes nous rappellent les souffrances et les tragédies de l'humanité. Mais cette queue nous dit aussi de faire quelque chose, maintenant, tous, c'est possible. Il suffit de frapper à la porte, et de dire, "je suis ici. Comment puis-je aider?" ».

Le pape a finalement accompagné une famille de réfugiés pour offrir une gerbe de fleurs sur la tombe du Père Pedro Arrupe, qui fut général des jésuites.

     

La visite était annoncée depuis longtemps (cf. benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/accueillir-les-migrants-dans-un-esprit-de-charite.html ), et elle s'est déroulée hier.
Il n'est évidemment pas question de nier que la sollicitude envers les pauvres fait partie des grandes Missions de l'Eglise.
Benoît XVI lui-même l'a témoigné à maintes reprises. On se souvient, par exemple des ses visites à la "Caritas" de Rome, d'abord en janvier 2006 (beatriceweb.eu/Blog), puis en février 2010 (je l'ai rappelé récemment ici: benoit-et-moi.fr/2013-II/benoit/une-eglise-proche-des-pauvres.html .

Mais cette fois, cela va plus loin.
Finalement, c'est le Pape lui-même qui donne raison à Cécile Duflot.
En effet, en décembre 2012, la ministre verte du Logement réclamait à l'archevêché de Paris la mise à disposition (autrement dit la réquisition!) des locaux vides de l'Eglise pour accueillir les "sans papiers", suscitant un tollé chez les catholiques.
Voir ici: benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/colere-post-scriptum.php.

J'écrivais à l'époque:
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Ne nous leurrons pas sur les intentions de Cécile Duflot - qui n'a eu qu'à s'inspirer du dernier épisode de la série "Ainsi soient ils", où l'on voit les séminaristes investir leur propre Séminaire avec les "sans-papiers"!!
Loin d'avoir fait une bourde, elle a réussi un beau coup, un "buzz" comme on dit, et surtout elle a pris l'opinion publique à témoin, en s'appuyant sur un dossier du Canard Enchaîné, le journal héritier du pire anti-cléricalisme du XIXe siècle. Vu l'ignorance des gens, et l'hostilité envers l'Eglise qui imprègne la société, c'est très grave.
Il ne peut échapper à personne que certains lorgnent sur le patrimoine de l'Eglise: on l'a vu aux Etats-Unis, avec les actions judiciaires consécutives aux affaires de pédophilie, qui ont acculé plus d'un diocèse à la faillite, alors qu'il est permis de douter que l'argent puisse à lui seul effacer de tels dégâts moraux.
Cette fois encore, le but - qui peut difficilement être atteint par les voies légales - est de la dépouiller, mais avec son consentement, plus ou moins "forcé". Disons qu'elle ne pourra pas faire autrement, sauf à renier les "valeurs" que le monde lui consent encore de porter. Un prérequis évident est la préparation de l'"opinion". Premier Acte, auquel on vient d'assister

Deux mots encore: d'abord, ces biens immobiliers de l'Eglise n'appartiennent pas en propre, aux hommes d'une époque spécifique, qui n'en ont que l'usufruit. C'est un patrimoine millénaire, qui appartient, si je puis dire, à la "communion" de l'Eglise. Le céder, ou le vendre à bas prix (on ne vend qu'une fois!) laisserait intact le problème de la pauvreté mais aura l'effet collatéral de rayer de la carte l'Eglise-institution. Ensuite, bien sûr, des biens immobiliers aussi immenses et bien situés soient-ils, sont une charge plus qu'une jouissance. Une fois payés les impôts à l'Etat, il ne reste rien pour entretenir les bâtiments!

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Bien entendu, l'annonce par le Pape lui-même qu'il entend laisser dépouiller l'Eglise de ses biens (ce qui n'est n'est pas la même chose que se dépouiller soi-même de ses biens) ne peut que réjouir ce monde dont il dénonce si fort la proximité avec certains clercs.

Je laisse le mot de la fin à une amie:

"L'idée est généreuse mais quel appel d'air irresponsable.
François a-t-il pris la dimension du problème? Les congrégations vont se trouver dans des situations embarrassantes, en hébergeant des clandestins. Après les couvents, ce sera les églises et pourquoi pas les appartements pontificaux qu'il a délaissés.

En ce qui concerne les couvents vides, François semble oublier que les congrégations qui les gèrent n'ont pas d'autres moyens de survie, que les profits qu'il dénonce sont très souvent la seule ressource envoyée aux missionnaires dans les pays que les réfugiés ont quittés. Par ailleurs, en ce qui concerne la ville de Rome, les couvents sont l'unique offre hôtelière accessible aux nombreux pélerins.
Cette culpabilisation de l'occidental commence à devenir pénible.
Sait-on qu'en France, la CNDA ( Cour Nationale du droit d'asile) est la première juridiction administrative française par le nombre d'affaires traitées?".
(Marie-Christine)