Accueil

Le style de François plaît à la CCBF

Un article très intéressant issu du site de la Conférence Catholique des baptisés francophones (5/9/2013)

Je m'interroge (et en particulier sur ce site) depuis le 13 mars: y a-t-il ou non rupture, dans le Pontificat avec l'élection de François?
Presque six mois après, on peut apporter une réponse.
Au niveau du fond, certainement pas (mais cela ne serait pas possible, de toutes façons). Au niveau de la forme, par contre, c'est plus qu'évident, et s'il n'y a pas intention délibérée de désacraliser le ministère de "Vicaire du Christ", cela y ressemble quand même pas mal.
Et si la forme, en l'occurrence, avait plus d'importance que le fond?
Je suis tombée sur cet article de la "Conférence des baptisés de France", traduit en italien par le site catholique libéral extrêmement riche "Fine Settimana.org".

L'auteur revient sur une tribune dans le Monde du sociologue des religions Olivier Bobineau: il prétendait qu'il n'y avait pas de rupture, ne voyant dans les gestes de François rien de plus que la mise en application de la casuistique jésuite (cf. benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/françois-le-casuiste.html).

Il va sans dire que les idées de la CCBF ne sont pas les miennes, et que je réfute vigoureusement l'idée, sommaire, selon laquelle "l'Église de Benoît XVI était celle de la hiérarchie ecclésiastique, qui se décrivait comme une societas perfectas" ; mais la conclusion de l'auteur ne peut pas être éludée:

Il me semble que les sympathisants de la CCBF peuvent voir en lui la réalisation de nombre de leurs idéaux.

Ceux qui s'en inquièteraient peuvent se rassurer en relisant les propos de Benoît XVI, lors de la dernière catéchèse, celle du 27 février, et que j'ai mis en exergue de ce site:

Mais j'ai toujours su que dans cette barque, il y a le Seigneur et j'ai toujours su que la barque de l'Eglise n'est pas la mienne, pas la nôtre, mais la Sienne. Et le Seigneur ne la laisse pas couler, c'est Lui qui la conduit, certainement aussi à travers les hommes qu'il a choisis, parce qu'il l'a voulu ainsi.

     

Le style de François

26 août 2013
Gilles MARMASSE
http://www.baptises.fr
-----

Qu’il n’y ait entre Benoît XVI et François qu’une différence de forme, on le lit et on l’entend régulièrement. Au-delà de la simplicité et de la jovialité communicative du nouveau pape, rien ne l’opposerait essentiellement à son prédécesseur. Même si François se préoccupe beaucoup des pauvres, il aurait, dit-on, la même vision de l’Église et de la société que le pape précédent.

Cette thèse est défendue d’abord par ceux qui souhaitent sauvegarder l’image et l’influence du courant ratzingérien, en soutenant que les réformes en cours ne concernent que des points annexes de la vie de l’Église. Pour eux, la défense de l’ordre traditionnel reste l’attitude essentielle du nouveau pontife. Par exemple Jean-Marie Guénois, spécialiste religieux du Figaro, explique que, si le nouveau pape est « révolutionnaire sur la forme », il demeure « conservateur sur le fond » (chronique du 18 juin 2013).

C’est là une réaction qu’on peut comprendre. Il n’est pas facile d’admettre que François prenne sur certains points le contrepied de son prédécesseur quand on a, des années durant, répété qu’« être catholique, c’est obéir au pape » et invoqué le magistère romain pour défendre un strict conservatisme sociétal et la nostalgie de l’avant-concile. Concéder qu’il y a une différence majeure entre Benoît XVI et François impliquerait, pour les admirateurs du premier, un choix difficile : mettre en question l’héritage de Benoît XVI ou prendre leurs distances à l’égard du pape actuel.

Mais on trouve aussi la thèse de l’identité entre les deux papes chez des auteurs se situant à l’autre bord du spectre catholique, par exemple chez le sociologue Olivier Bobineau. Pour ce dernier, qui s’exprimait dans un article du Monde paru le 2 août 2013, François ne pourrait être considéré comme novateur que s’il réformait drastiquement les structures de l’Église. Tel n’est pas le cas, de sorte que le changement, dit Bobineau, ne concerne que la « communication » et la « mise en scène ». Pour lui, François est un « conservateur habile en rhétorique ».

J’aimerais faire ici deux remarques. La première est de bon sens : Bobineau est un peu pressé de se plaindre de l’absence de réformes spectaculaires de la part d’un pape qui n’est en fonction que depuis quelques mois. Des changements sont annoncés, même si on n’en voit pas encore bien les contours. François a d’ailleurs dénoncé certains aspects de la gouvernance de l’Église dans des termes radicaux.

La seconde remarque consiste à discuter l’ordre des priorités. L’Église a besoin de réformes structurelles, c’est entendu. Mais que dirait-on d’une Église qui, par exemple, autoriserait les divorcés-remariés à communier et pourtant continuerait à exiger de ses prêtres une soumission obséquieuse à la hiérarchie ? Ou bien, d’une Église qui donnerait des responsabilités aux femmes et néanmoins persisterait à se concevoir comme une citadelle assiégée par un « monde » forcément relativiste et dénué de sens moral ? Ou encore d’une curie romaine remise en état de marche, qui toutefois prétendrait toujours cultiver le secret et traiter les évêques diocésains en simples subordonnés ? En amont des réformes structurelles, il me semble que l’Église a besoin de retrouver le sens de la vie fraternelle, de l’ouverture au monde, de la transparence et de l’humilité.

Or, sur ces points, on peut d’ores et déjà observer une mutation. L’Église de Benoît XVI était celle de la hiérarchie ecclésiastique, qui se décrivait comme une societas perfectas (discours du cardinal Bertone du 23 novembre 2010). L’Église que promeut François, en l’incarnant concrètement, est le peuple de Dieu qui se déclare solidaire des hommes et refuse l’auto-célébration. Une Église qui prend ses distance par rapport à l’esprit de juridisme et de triomphalisme, qui admet qu’elle n’a pas de réponse à toutes les questions et fait preuve d’un robuste optimisme parce que, croyant en Dieu, elle croit aussi en l’homme : « Nous devons créer, avec notre foi, une culture de la rencontre, une culture de l’amitié, une culture où nous trouvons des frères, où nous pouvons parler aussi avec ceux qui ne pensent pas comme nous, avec ceux qui ont une autre foi. Ils ont tous quelque chose en commun avec nous : ils sont l’image de Dieu. » (François, veillée de Pentecôte 2013)

Or le style, ici, c’est peut-être ce qu’il y a de plus profond. Dans Le christianisme comme style, Christoph Theobald explique que la foi chrétienne ne saurait se réduire à une approche doctrinale ni à un ensemble de règles figées. Elle engage un certain type de relation avec les femmes et les hommes, dont le modèle est « l’hospitalité » (philoxenia) dont fait preuve Jésus à l’égard de ceux qu’il rencontre à l’improviste. Cette hospitalité se caractérise par la capacité à se dessaisir de soi et à créer un espace de liberté parmi ceux que l’on rencontre ici et maintenant.
Par son sens de la proximité, par sa spontanéité et sa franchise, par sa méfiance à l’égard des honneurs et sa volonté d’aller vers les pauvres et les périphéries, François rejoint le style de l’Évangile.
Il me semble que les sympathisants de la CCBF peuvent voir en lui la réalisation de nombre de leurs idéaux. Et cela, non pas seulement parce qu’il va réformer l’institution, mais parce qu’il montre cette bonté « hospitalière » qui seule rend crédible l’annonce de Jésus-Christ.