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Les commérages, une langue interdite au Vatican

Dans un article datant d’il y a un mois, Marco Tosatti relève un thème curieusement récurrent dans les discours du pape François (30/10/2013)

... et met en évidence un style de prédication inédit qui, semble-t-il, attire beaucoup les gens.

     

Le Pape Bergoglio et l'anathème sur les bavardages

Déjà à de nombreuses reprises, le Pontife, dans son magistère, est revenu sur la façon dont la langue et le comportement peuvent être sources de division et de mal.

Marco Tosatti
29/9/2013
http://vaticaninsider.lastampa.it
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Le Pape Bergoglio ne veut pas d'une Eglise qui insiste seulement sur les questions liées à l'avortement, au mariage homosexuel et à l'utilisation de méthodes contraceptives; mais il semble avoir une prédilection particulière - qu'il serait certes irrespectueux d'appeler obsession - pour un thème en particulier, en l'occurrence les bavardages, les ragots, la médisance, le gossip, quelle que soit la façon dont vous l'appelez.
Aujourd'hui, il en a parlé à nouveau (et nous allons voir que, rien que durant ce mois, il en a parlé quatre fois) dans l'homélie de la messe présidée à la grotte de Lourdes pour la Gendarmerie vaticane.

"Les commérages" sont une "langue interdite" au Vatican, parce que c'est une langue qui engendre le mal.
Aux gendarmes, le Pape François a dit: "Quelqu'un parmi vous pourra me dire: 'Mais, Père, qu'avons-nous à voir ici avec le diable? Nous devons défendre la sécurité de cet Etat, de cette cité'. Mais ça aussi, c'est vrai, mais Napoléon ne reviendra plus, eh? Il est parti. Et il n'est pas facile qu'une armée vienne ici pour prendre la ville. La guerre, aujourd'hui, elle se fait autrement: c'est la guerre de l'obscurité contre la lumière; de la nuit contre le jour" (ndt: le pape a-t-il entendu parler du terrorisme??).
Et le Pontife a poursuivi: "Je vous demande de ne pas seulement défendre les portes, les fenêtres du Vatican".... Mais il y a une tentation... Mais je vais vous la dire - je la dis ainsi pour tous, et aussi pour moi, pour tous - pourtant, c'est une tentation qui plaît beaucoup au diable: celle contre l'unité, quand les pièges vont justement contre l'unité de ceux qui vivent et travaillent au Vatican. Et le diable cherche à créer la guerre interne, une sorte de guerre civile et spirituelle, non? C'est une guerre qui ne se fait pas avec les armes que nous connaissons: elle se fait avec la langue".
Le Pape François a demandé aux gendarmes "de nous défendre mutuellement des commérages"... "Demandons à Saint-Michel qu'il nous aide dans cette guerre: ne jamais parler mal l'un de l'autre, ne jamais ouvrir les oreilles aux commérages. Et si j'entends quelqu'un qui fait des commérages, je l'arrête: ici, on ne peut pas! Passe la porte Sainte Anne, va dehors, et parle là! Ici, on ne peut pas! C'est ça, eh? Le bon grain, oui: parler bien l'un de l'autre, oui! mais la zizanie, non!"

Seulement trois jours plus tôt, le Pape Bergoglio avait admonesté: "un chrétien, avant de bavarder, doit se mordre la langue".

Parlant a braccio au cours de la catéchèse du mercredi Place Saint-Pierre, le Pape a répété aux fidèles que "les commérages font du mal" et en particulier, "ils blessent" les personnes, même dans les milieux paroissiaux. Alors, a-t-il dit en souriant, "mieux vaut se mordre la langue: ça nous fera du bien: la langue se gonfle et on ne peut plus parler, ainsi, on ne peut plus faire de commérages".

Mais déjà, le 13 septembre, il avait usé d'un ton très dur: "sur ce point, il n'y a pas de place pour les nuances. Si tu dis du mal de ton frère, tu tues ton frère. Et nous, à chaque fois que nous le faisons, nous imitons le geste de Caïn, le premier homicide de l'histoire".
"Les commérages - a-t-il averti - vont toujours sur cette dimension de la criminalité. Il n'y a pas de commérages innocents". Et "quand notre langue, nous l'utilisons pour dire du mal de notre frère ou de notre sœur, nous l'utilisons pour tuer Dieu... l'image de Dieu dans notre frère".
"Certains - a affirmé le pape - pourraient dire qu'une personne a mérité les commérages". Mais ça ne peut pas être ainsi: "Mais va, prie pour elle! Va, fais pénitence pour elle! Et puis, si c'est nécessaire, parle à cette personne, qu'elle puisse remédier au problème. Mais ne le dis pas à tout le monde!".

Pas seulement. Le 2 septembre, il avait encore exprimé des concepts analogues: "Nous sommes habitués aux commérages, aux ragots". Mais combien de fois nos communautés, nos familles sont un enfer où on gère cette criminalité de tuer le frère ou la sœur avec la langue! Une communauté, une famille, est détruite par cette envie, qui sème le diable dans le coeur, et fait que l'un dit du mal de l'autre et ainsi se détruit". "Ces jours-ci - a-t-il ajouté - nous parlons beaucoup de la paix", nous voyons les victimes des armes, mais il faut penser aussi à nos armes quotidiennes: la langue, les bavardages, les ragots".

Nous nous arrêtons ici: mais quatre interventions en même pas un mois sont le signal de quelque chose; et déjà dans les mois passés, l'argument gossip avait été abordé à plusieurs reprises. Il est évident que le pape Bergoglio n'est pas un admirateur d'Andreotti, qui disait "en pensant mal, on pèche, mais souvent, on est dans le vrai".
Pourtant, peut-être, sans vouloir réévaluer la médisance, il faut dire que le gossip est au moins un signal d'alarme. Que peut-être il n'y a pas eu, ou qui n'a pas été pris en considération au moment de certains des premiers choix d'hommes et de femmes à des postes de responsabilité de la part du pape Bergoglio. Choix dont - à ce que certains disent - il s'est repenti, face à des éclaircissements fournis par celui qui est encore secrétaire d'état (ndt: Bertone était alors encore en fonction). Mais sur lesquels, au moins pour le moment, il n'a pas envie de faire marche arrière.