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Les idées de Hans Küng inspirent-elles François?

Le cardinal Ratzinger avait critiqué sévèrement "Etre chrétien". Monique a eu le livre en main, et elle a trouvé des similitudes troublantes avec certaines des expressions (à défaut des actes... pour le moment) de François (10/12/2013)

>> Ci-contre: Hans Küng, Etre chrétien, ed. Seuil, paru à Munich en 1974 sous le titre "Christsein"

Le cardinal Ratzinger étrillait le livre de son "ami" Hans Küng dans un article publié dans la revue Communio, intitulé, non sans humour... "Le Christianisme sans peine".
Voir ici: benoit-et-moi.fr/2013-II/benoit/correction-fraternelle.
Et aussi: Evangelii Gaudium: "Les peurs" de Hans Kung

     

(Monique T, 10/12/2013)
Un vieux livre d'occasion (paru en 1974) est arrivé par hasard dans mes mains. Il s'agit de: ETRE CHRETIEN de Hans Küng, un pavé dont j'ai lu quelques pages sur l'Eglise.
Ce livre est très bien écrit, très documenté et on ne peut pas dire que l'auteur ne sache pas argumenter, d'où son pouvoir de séduction sur tout un lectorat.
L'ennui c'est que beaucoup de ses idées sont fausses! Si on appliquait tout ce qu'il dit l'Eglise sombrerait dans l'anarchie ou deviendrait une Eglise protestante de plus.

C'est peut-être un hasard mais il est vraiment troublant de voir exposées dans Evangelii Gaudium, nombre des idées de Küng. Je comprends pourquoi ce dernier jubile tant! Il croit avoir enfin le Pape qui va appliquer ses idées (des idées vieilles de 40 ans), et qui partage son état d'esprit - à un point surprenant.
Küng a (croit avoir) obtenu sa revanche et il atteint le sommet de sa carrière en étant peut-être un des inspirateurs du Pape.
Comme disent certains, la continuité entre les deux pontificats crève les yeux.

Voici deux extraits du livre:

1/ p. 590-591

"A la différence de ceux qui, pieusement, fuient le monde, JESUS n'annonce pas un jugement de vengeance au profit d'une élite de parfaits, à l'exemple des esséniens et des moines de Qumrân. Il proclame, au contraire, le joyeux message de la bonté illimité de Dieu et de sa grâce inconditionnelle pour ceux qui sont perdus et misérables.
Si l'Eglise, communauté de foi, appelée à suivre les pas de Jésus-Christ, veut annoncer le joyeux message de cette bonté sans limites et de cette grâce absolue, elle doit prendre à son compte un certain nombre d'IMPERATIFS.
Ici-bas, tout en s'opposant au monde et à ses puissances, elle ne doit jamais se donner les airs d'une institution inquiétante (ndlr. comment s'opposer sans inquiéter un peu?), menaçante, annonciatrice de malheurs et créatrice d'angoisse. Ce n'est pas la menace, mais la joie qu'elle doit annoncer aux hommes; ce n'est pas la peur de Dieu, mais l'allégresse en Dieu qu'elle doit dispenser. Car l' Eglise n'existe pas uniquement pour les personnes religieusement et moralement irréprochables; elle existe aussi pour ceux qui manquent à la morale et à la piété, pour ceux qui, quel que soit le motif, ont choisi l'athéisme. Qu'elle ne condamne ni ne damne, mais, en dépit de la gravité du jugement inclus dans le message, qu'elle guérisse, pardonne et sauve, laissant à Dieu le soin de juger. Qu'elle ne fasse pas de ses exhortations et mises en garde souvent indispensables un but en soi, mais le rappel de l'amitié miséricordieuse de Dieu pour l'homme et de ce qu'est la véritable humanité de l'homme. Malgré toutes les promesses qui lui ont été faites, elle ne peut jamais se faire passer pour une caste ou une classe de purs et de saints, pour une élite morale; elle ne peut jamais s'imaginer, au nom d'un retrait ascétique hors du monde, qu'il n'y a de mal, de péché, d'athéisme qu'en dehors d'elle (ndlr. ce serait en effet difficile à dire en 2013!)".

Commentaire:
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Certes, il n'y a rien d'hérétique dans ces propos, mais Küng ne montre qu'un seul aspect des choses : la miséricorde de Dieu. Il s'agit bien du "christianisme sans peine" pointé par Joseph Ratzinger. Un christianisme passif et sans aucune exigence, même pas celle de croire.
Je trouve que ce passage rappelle beaucoup certains paragraphes de EVANGELII GAUDIUM. On retrouve dans les déclarations de François écrites et orales les mêmes thèmes: une Eglise qui irradie la joie, qui soigne, qui ferme les yeux sur les accrocs à la morale, qui refuse de juger.
Benoît XVI parlait souvent de la joie de la foi mais d'une autre façon.
Il faut toutefois noter qu'à Ste Marthe, le Pape François tient souvent un autre langage, exigeant et rugueux, plutôt décourageant. Mais là, il s'adresse aux catholiques pratiquants et très fidèles au Pape de la cité du Vatican!!

     

2/ p.613-614

Küng expose son programme de réformes, pour mener "à bonne fin l'oeuvre inachevée de Vatican II".

a/ Que les dirigeants des Eglises exercent habituellement leur charge non comme des dignitaires, mais avec compétence; non comme des bureaucrates, mais dans un esprit de créativité; non comme des fonctionnaires, mais dans le souci des hommes; qu'ils aient le courage de s'engager plus pour les hommes que pour l'institution; qu'ils se préoccupent davantage de démocratie, d'autonomie, d'humanité, à tous les échelons de l'institution; qu'ils recherchent une meilleure coopération entre clergé et laïques.

b/ Qu'en particulier la nomination des évêques ne se fasse pas dans le secret, dans le style de l'absolutisme romain ("secret pontifical" garanti par serment) et d'après le critère du conformisme; que les évêques soient élus, pour un temps limité, selon les nécessités du diocèse concerné, par des organismes représentatifs du clergé et des fidèles.

c/ Que le pape lui-même, puisqu'il revendique d'être plus que l'évêque de Rome et le primat d'Italie, soit élu par un organisme composé d'évêques et de laïques, plus représentatif de toute l'Eglise qu'un collège de cardinaux exclusivement nommés par le pape, et représentatif non seulement des différentes nations, mais surtout des différentes mentalités et générations.

d/ Que les "prêtres", présidents des communautés aussi bien que des diocèses, décident d'eux-mêmes, conformément à la liberté que l'Evangile accorde précisément sur ce point, s'ils veulent, selon leur vocation personnelle, être mariés ou célibataires.

e/ Que les "laïques", membres des communautés et des diocèses, partagent avec les présidents non seulement le droit de délibération mais également le pouvoir de décision, grâce à un système équilibré de responsabilités délimitées (check and balances); qu'ils puissent exercer un droit d'opposition toutes les fois que Jésus lui-même aurait fait opposition.

f/ Que les femmes aient, dans l' Eglise, au moins la dignité, la liberté et la responsabilité que la société actuelle leur garantit; qu'elles jouissent de l'égalité juridique dans les prescriptions du droit canon et dans les instances ecclésiales de décision; qu'elles aient aussi la possibilité pratique de faire des études de théologie (ndlr: Joseph Ratzinger côtoyait des étudiantes à la faculté de théologie de Munich!) et d'être ordonnées.

g/ Que dans les questions de morale, la liberté et la conscience ne soient pas à nouveau remplacées par une loi qui restaurerait un nouvel esclavage de type ecclésiastique; qu'à la lumière de l'Evangile on manifeste plus de compréhension pour la nouvelle attitude face à la sexualité, eu égard à une jeune génération, elle aussi capable de conserver, fût-ce sous d'autres formes, la pureté du coeur.

h/ Que la question du contrôle des naissances, même par des moyens "artificiels", soit laissée à la conscience du couple, qui se décide en fonction de critères médicaux, psychologiques et sociaux; que les autorités de l' Eglise catholique reconsidèrent leur enseignement sur ce point (encyclique Humanae Vitae)".

Commentaire:
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Ce texte date de 1974 et on ne sait pas s'il le réécrirait tel quel en 2013.
Mais d'après ce que j'ai pu lire sous la plume de catholiques progressistes très en vue, tel est bien encore aujourd'hui le programme de cette mouvance. Voilà ce qu'ils attendent de François! (Küng a oublié les divorcés remariés).
Ce que veut obtenir Küng, c'est une sorte d'Eglise parlementaire (sans dire comment on formerait le corps électoral) et pratiquement protestante, où le principe d'autorité serait anéanti à tous les niveaux. Sur le plan moral, on est dans le relativisme le plus complet, sous prétexte que l'Evangile n'a pas parlé de tout. Il nie donc l'autorité de la Tradition, comme les protestants.
Concernant les § g et h, je ne serais pas totalement étonnée que le synode suive l'option protestisante de Küng, à cause de l'enlisement où il va se trouver et des pressions insupportables qu'il va subir.