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Les nominations de François

Intrigues curiales, ragots vaticans. Deux très intéressants articles de Marco Tosatti, sur la Stampa, et deux articles anciens repris de ce site... (19/10/2013)

     

Retour en arrière

En septembre 2012 (cela semble désormais remonter à un siècle!), au lendemain de la mort du Cardinal Martini, j'avais traduit un article de Paolo Rodari, intitulé "Les héritiers de Martini" (benoit-et-moi.fr/2012(III) ). L'un deux était (est) cardinal anglais Murphy-O'Connor, paraît-il très en cour en ce moment, et que Marco Tosatti range parmi les "conseillers" écoutés du Pape.

Le 8 mars 2013, donc juste avant le Conclave, je reproduisais un article du quotidien Suisse "Le Temps" (benoit-et-moi.fr/2013-I). Force est de constater que, malgré les réserves très vives que j'émettais alors, l'article est étonamment prophétique, qu'on en juge par ce passage:

La tentation grandit d’attaquer de front la figure du pape empereur, vicaire du Christ infaillible, ainsi que la culture du secret, deux piliers de l’Eglise romaine. La crise contemporaine, susurrent certains, exige démocratie, collégialité et transparence.
Quelques cardinaux commencent à imaginer une autre «gouvernance», plus évasée, moins pyramidale.
Le Vatican doit regagner des parts de marché, en Europe et en Occident, en abordant les sujets qui fâchent (divorce, mariage pour tous, mariage des prêtres, ordination des femmes, etc.). Doit assurer l’essor des catholiques dans les continents porteurs sans les brider, en faisant entendre la voix de l’Eglise sur les grands thèmes économiques et sociétaux. Enfin, doit faire la lumière dans tous les domaines: financier, juridique, des mœurs.
Les sources d’inspiration ne manquent pas. Cormac Murphy-O’Connor, ancien archevêque de Westminster à Londres, envisage depuis longtemps un «gouvernement des évêques», comme le suggérait le Concile Vatican II. L’année dernière, le défunt cardinal Carlo Maria Martini, ancien archevêque de Milan, conseillait au pape et aux évêques en guise de testament «de chercher douze personnes hors piste pour les postes de direction. Des hommes qui sont proches des pauvres et qui sont entourés par des jeunes et qui expérimentent des choses nouvelles.»
Plus iconoclastes encore, des voix évoquent la nécessité de «déromaniser» l’Eglise alors que l’univers catholique se désaxe vers le Sud; «l’alternative n’est pas entre Rome et un autre centre, mais entre Rome et pas de centre du tout», résumait Lucio Caracciolo dans le quotidien italien La Repubblica. L’horizontalité devient une perspective d’avenir.

     

Marco Tosatti (I)

Evêques, le mystère dévoilé.
http://www.lastampa.it
16 octobre 2013
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Une nomination "anormale" faite ces jours-ci par Papa Bergoglio a provoqué de la stupeur et aussi quelque curiosité. Il a nommé Secrétaire de la Congrégation pour les évêques - l'un des dicastères importants, et de plus grande responsabilité - un prêtre brésilien, Mgr Ilson de Jesus Montanari, qui était employé de niveau subalterne à la même congrégation. Et en même temps, il l'a élevé à la dignité d'archevêque.

Une nomination inhabituelle: en général, comme Secrétaire, c'est quelqu'un qui est déjà évêque, qui est nommé, et pas un simple prêtre.
Il est vrai qu'un membre de la Curie "excellent", le cardinal Giovanni Battista Re, fut nommé en 1987 Secrétaire de la Congrégation sans avoir encore la dignité épiscopale: mais il venait de la diplomatie, il s'était "fait les os" avec Benelli (excusez du peu..) et il avait été Assesseur pour les Affaires Générales de la Secrétairerie d'Etat du Saint-Siège du 12 décembre 1979 au 9 octobre 1987, responsable d'un des postes les plus délicats et importants du mécanisme curial.

A ce qu'on dit, toutefois, à la Congrégation pour les évêques où la nomination a créé une certaine perplexité et quelque amertume (Montanari travaille à Rome depuis un peu plus de quatre ans, dans un rôle subalterne, une période qui semble brève pour les temps de la Curie) , la carrière fulgurante du prélat brésilien a un nom, et c'est celui de Mgr Fabiàn Pedacchio Leaniz.
Mgr Pedacchio travaille à à la Congrégation pour les évêques. C'est un prêtre diocésain de Buenos Aires, que l'ex-cardinal Bergoglio avait placé à Rome. Il était, à l'époque où Bergoglio était archevêque de la capitale argentine, une des deux ou trois personnes de confiance qui tenaient le cardinal jésuite au courant sur les évènements et les humeurs de la Curie. Depuis cette année, tout en continuant à travailler à la Congrégation, Mgr Pedacchio remplit aussi le rôle "ombre" de secrétaire privé du Pape, il est allé habiter à Sainte Marthe, où vit le Pape François, et son rôle dans la gestion de la vie papale va crescendo.
Pedacchio et Montanari sont, à ce qu'on dit à la Congrégation, de grands amis: ils passent même leurs vacances ensemble, et les années passées, Pedacchio a introduit Montanari dans la familiarité avec celui qui allait devenir Pape. Qui l'a évidemment apprécié; et il a également apprécié l'idée de le mettre aux Evêques, où le cardinal Préfet, Ouellet n'a pas encore été confirmé dans sa charge.
Ce qui semble confirmer la tendance du Pape à faire tomber ses choix sur des personnes de la carrière diplomatique, sur des latino-américains, ou au moins sur des personnes ayant un bout d'histoire en Amérique Latine.

     

Marco Tosatti (II)

Qui conseille le Pape François?
vaticaninsider.lastampa.it
18 octobre

Voici une "carte" de ceux qui parlent (écoutés) avec François: cardinaux, évêques, prêtres, mais aussi une femme: Francesca Immacolata Chaouqui
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L'une des questions que derrière les murs du Vatican (et aussi un peu à l'extérieur) l’on se pose le plus fréquemment, quand on parle du nouveau Pape, est: qui entend-il avec régularité et fréquence? Qui le conseille? Qui a, comme on dit "son oreille"?
A coup sûr, il y a Mgr Fabiàn Pedacchio Leaniz, le prélat qui travaille à la Congrégation des évêques, et qui a assumé de manière non officielle mais extrêmement efficace et réelle le rôle de secrétaire privé du Pape: un peu celui de Stanislas Dziwisz, pour nous comprendre, mutatis mutandis, évidemment.

Mais de consultations discrètes, assez amples, il émerge beaucoup de noms, dont plusieurs certainement surprenants.
Ce n'est toutefois pas une surprise que parmi ses conseillers, il y ait le nom du cardinal brésilien Hummes, ex-préfet de la Congrégation pour le Clergé, celui qui a été désigné par des sources fiables comme le "grand électeur" de Bergoglio, l'homme qui a fait campagne pour lui avec succès lors du dernier conclave. Et qui est apparu à ses côtés après l'élection à la Loge externe de la Basilique St-Pierre, lors de la présentation du nouveau Pape à la foule.
Moins apparent, en revanche, le rôle du cardinal plus qu'octogénaire, le britannique Murphy O'Connor, un homme qui ne revendiquait pas une grande syntonie avec Benoît XVI et ses choix en matière d'évêque, et qui semble en revanche aujourd'hui très en vogue. Le Pape François le consulte souvent, et même le Nonce en Grande Bretagne, apparemment conscient de ce fil direct, l'écouterait plus qu'avant.

Ensuite, il y a le cardinal hondurais Oscar Maradiaga, salésien, qui pourrait également débarquer bientôt à Rome pour prendre la tête d'une congrégation, même s'il n'est pas de première jeunesse (il a 73 ans). Mais par ailleurs le Pape en a 77. Et il pourrait passer tranquillement passer quelques années à l'ombre de la Coupole. Son rôle de conseiller pour le Pape François est notoire, dit-on à la Curie. De même que celui d'un autre cardinal, le chilien Errazuriz Ossa, 80 ans, qui fait partie du "G8" nommé par le pape pour discuter de la réforme de la Curie et de l'Eglise.

Mais dans le "Conseil secret" du Pape François, si on peut le nommer ainsi, il y a aussi des italiens. L'un d'eux, le cardinal Giuseppe Bertello, "gouverneur" de l'Etat de la Cité du Vatican, charge obtenue après avoir été nonce en Italie, et avoir pensé - selon ce qu'a dit à demi-mots l'ex-Secrétaire d'Etat - pouvoir se retrouver à la tête des évêques. Et avoir espéré en vain, parce que Mgr Filoni s'est imposé avec plus de décision et d'habileté, diriger Propaganda Fidei.

Parmi les autres italiens, il y aurait - oyez, oyez - Carlo Maria Vigano, le nonce aux États Unis (à l'origine des Vatileaks), grand ennemi de tout ce qui « sent » Ratzinger et Bertone. Et l'ex-responsable de l'Office des cérémonies du Vatican, Mgr Piero Marini, dans la main de qui certains ont voulu reconnaître les remplacements advenus parmi les Consulteurs à la Congrégation pour le Culte Dvin.
Et enfin, très écouté, et à juste titre, vu son CV, Juan Ignacio Arrieta Ocha de Chinchetru, un évêque espagnol, ex-professeur à l'Université Ponticale de la Sainte Croix, prélat canoniste à la Pénitencerie Apostolique, et nommé coordinateur de la Commission d'enquête sur l'IOR.

Mais il y a une autre personne qui a été à plusieurs reprises à la table du Pape à Sainte Marthe, et au moins une fois récemment, accompagnée d'une personne qu'elle voulait faire rencontrer à Papa Bergoglio. C'est Francesca Immacolata Chaouqui, dont la nomination comme membre de la Commission référente pour la réforme des finances du Vatican a rempli web et journaux il y a quelques semaines, et en termes pas toujours élogieux. Mais à ce qu'il semble, Papa Bergoglio l'a rencontrée plusieurs fois cordialement.

Et puis il y a le téléphone, que Papa Bergoglio utilise avec une désinvolture extrême, et là, naturellement, le secret est plus dense.