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L'interviewe du cardinal Meisner

à Deutschlandfunk. Traduction complète, par Marie-Anne (28/12/2013)

>>> Cf. Le cardinal Meisner vide son coeur

     

Le cardinal Meisner a déclaré à la radio allemande DLF, que l’Église doit s’adapter à la Parole de Dieu et non pas à l’opinion des hommes. Le nombre élevé des catholiques qui quittent l’Église ne s’explique pas uniquement par la doctrine de l’Église sur les questions de la morale sexuelle.
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Jürgen Liminski :
Il est vrai qu’il y a un malentendu entre les media et l’Église. Les évêques devraient pourtant réfléchir sérieusement sur le fait que 2/3 des catholiques pensent que les divorcés pourraient se remarier à l’église. - Pour cette question, et quelques d’autres, j’ai invité son éminence Joachim Kardinal Meissner de Cologne à une discussion.

- Bonjour, éminence.

Joachim Cardinal Meisner: Bonjour.

Liminski: Monsieur le cardinal, c’est Noël, qu’allez-vous dire dans l’homélie de ce soir ?

Cardinal Meisner: C’est une bonne question. Assurément, on ne peut guère inventer un sujet d’homélie pour Noël. C’est un événement tellement inouï que Dieu, l’Éternel est devenu l’un de nous, qu’on ne peut pas prêcher autre chose. En définitive, c’est la seule réalité qui donne la vraie joie aux hommes avec une perspective réelle et pour le présent et pour l’avenir de notre vie.

Liminski: Ce Dieu est né dans une famille. Le thème de la famille et du mariage est d’actualité. En ce moment, la prise de position pour ou contre la communion des divorcés remariés semble diviser l’Église de l’Allemagne. Qu’en pensez-vous ?

Cardinal Meisner: Voyez-vous, cher Mr Liminski, de tout temps, l’Église, c’est-à-dire les évêques avec le pape, sont tenus à obéir à la Parole de Dieu en montrant ainsi l’exemple aux hommes. Les évêques avec le pape exercent le ministère de l’enseignement. Toujours « sub Petro et cum Petro », c’est-à-dire avec Pierre et sous l’autorité de Pierre. Par le fait même, en théorie, une dissension entre la doctrine du pape et celle des évêques ne peut pas exister. Permettez-moi d’ajouter quelque chose. Depuis toujours l’Église est convaincue de l’unité du Christ et de l’Église qui est son Corps. Et cela est valable aussi pour le mariage. L’apôtre Paul dit clairement : « Le mariage est un profond mystère. Je l’applique au Christ et à l’Église. » Et le Christ disait aussi avec insistance : Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. - A tout cela, on ne peut rien ajouter. – Mais en m’écoutant vous devez penser que je martèle cela comme « un pistolet ». C’est vrai que tous les jours je suis affronté à ce sujet. C’est pourquoi votre question ne m’étonne pas du tout.

Liminski: Votre position ne correspond pas à celle de vos confrères dans l’épiscopat, comme par exemple le cardinal Zollitsch. Il milite pour plus d’intégration à la vie paroissiale concernant les divorcés. Et il pense qu’à Rome, les avis sont également partagés à ce sujet. Cela veut dire que l’avis de la Congrégation de la Doctrine de la Foi ne serait pas aussi normatif que par le passé. Qu’en pensez-vous ?

Cardinal Meisner: Mr Liminski, écoutez l’avis du vieil évêque que je suis. A l’occasion de ma dernière visite chez le pape François nous avons abordé pas mal de sujets, avec beaucoup de franchise. J’ai pu lui dire qu’il devrait donner plus de précisions pour certaines de ses affirmations qui sont trop hâtives. Lorsqu’il m’a demandé de lui donner un exemple, je lui ai dit que de retour de Rio dans l’avion il s’est exprimé au sujet des divorcés remariés. Et le pape disait très simplement : Les divorcés peuvent recevoir la sainte communion, mais pas les divorcés remariés. Dans l’Église orthodoxe on peut se marier deux fois. – Voilà ce qu’il a dit, puis il a parlé de la miséricorde. Mais là, je l’ai prévenu que dans mon pays, l’emploi de ce mot est la porte ouverte à tous les abus.

Et le pape m’a répondu avec énergie : Je suis un fils de l’Église catholique, et je ne dis pas autre chose que la doctrine de l’Église. La miséricorde doit correspondra à la vérité, sinon elle ne mérite pas être appelée miséricorde. Et de toute façon, pour toutes les questions théologiques ouvertes, il existe la Congrégation de la Doctrine de la Foi, pour les éclaircir et les formuler en détails. Vous devez toujours penser que cette congrégation a été présidée avant le Concile par le pape lui-même, et que parmi les dicastères de la Curie, elle occupe la première place. Et son préfet n’est pas au même rang que les autres membres de la conférence épiscopale dont il était membre.

Liminski: Pour l’automne le pape a mis en route un synode sur la famille, le mariage et la morale sexuelle. A Cologne on y réfléchit déjà. Dans la population, on voit tout cela autrement qu’à Rome. L’Église, ne devrait-elle pas s’adapter ?

Cardinal Meisner: Je répète, comme je l’ai déjà dit au début de notre entretien, l’Église n’a pas à s’adapter à l’opinion publique, mais bien à la Parole de Dieu. En tant qu’Église, nous devons connaître, bien sûr, ce que disent les hommes, pour annoncer la Parole de Dieu en connaissance de cause. Mais l’adaptation dont vous parlez, n’est pas une catégorie de l’Évangile. Ce qui est étonnant, c’est que l’église luthérienne a mis en œuvre une adaptation totale à l’esprit du temps concernant la sexualité. Et quelle est la situation aujourd’hui ? On a un nombre encore plus élevé des chrétiens qui quittent cette église, que chez les catholiques. Donc l’exode en question ne tient finalement pas uniquement à la morale sexuelle.

Liminski: Le comité des chrétiens allemands ZdK voit cela un peu différemment. Leur président, Glück est d’avis qu’il faudrait admettre à la communion les divorcés remariés pour les intégrer entièrement. Le comité ZdK veut épouser l’esprit du temps, pourrait-on dire. En fait, une grosse partie de la troupe des chrétiens déserte l’Église. N’avez-vous pas peur de rester seul ?

Cardinal Meisner: J’ignore cette peur. A l’école primaire en Thuringe, j’étais le seul garçon catholique. Mais jamais je n’étais coupé des autres. Le comité ZdK veut donc adapter l’évangile à la sécularisation, pour le rendre visible et efficace dans le monde. Mais ils devraient se poser la question si ce faisant ils restent encore fidèles à leur mission. Dans ce contexte, comment devrais-je avoir peur ? Je m’occupe des gens qui veulent vivre leur foi dans toute sa rectitude, en suivant avec respect l’enseignement du Christ. Il n’y a pas de solution intermédiaire. Regardons par exemple au 4e siècle, où l’hérésie arienne battait son plein. Mais cela a été ensuite fini. L’Église est redevenue catholique. C’est pourquoi je n’ai pas peur de la diminution du nombre des pratiquants. Nous devons seulement scruter ce que Dieu veut de nous maintenant. L’Église sait depuis 2000 ans que l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni. Mais il y a une autre question à considérer : Est-ce que tous les mariages sont vraiment valides ? Ne devrait-on par réviser les critères canoniques pour voir si un mariage eut vraiment lieu ou au contraire, il est nul. Mais cette question ne résoudra pas le problème de l’admission à la communion des divorcés remariés.

Liminski: Cher Monsieur le cardinal, demain vous aurez 80 ans. Vous allez donc demander au pape la possibilité de vous retirer. La question de votre succession est ouverte, mais je ne voudrais pas vous demander si vous avez une préférence, ou quel conseil vous nous donnez. Je préfère vous demander, en pensant aux 25 ans écoulés depuis que vous étiez à la tête du diocèse de Cologne, ce qui vous a le plus impressionné.

Cardinal Meisner: En ce moment, toutes ces questions me sont posées, en effet. Quant à mon successeur, dès maintenant je prie pour lui tous les jours. Mais je n’en parle à personne, ni même à mes plus proches collaborateurs. A plus forte raison, à vous, journaliste de la radio allemande, vous me comprenez. Mais ce qui m’a le plus impressionné durant ces 25 ans, c’est la fidélité, la force de la foi de nos prêtres, qui font face aux nouvelles exigences posées par la raréfaction du sacerdoce, en cherchant de nouveaux chemins. Ce qui m’impressionne le plus chez nos prêtres, diacres, collaboratrices et collaborateurs dans la pastorale, c’est la force de leur foi, la joie de leur foi qui perdure malgré les mauvaises nouvelles venant des medias. C’est déjà un miracle que dans ce contexte, ils ne perdent pas courage.

Liminski: Vous avez un souhait pour Noël et pour l’avenir ?

Cardinal Meisner: Oui, j’en ai plusieurs. Le principal, c’est que la joie en Dieu soit notre Force, comme le St Père l’a particulièrement évoqué dans sa dernière exhortation apostolique, pour aider à la transformation du monde. C’est la seule force qui devrait suffire, lorsque nous aurons moins de revenus du fait de l’impôt reçu par l’Église en Allemagne. La force de sa joie suffira à l’Église pour remplir sa mission. Et cela non seulement dans la peine, mais aussi dans l’éclat de la gloire.

Liminski: Un grand merci, monsieur le cardinal pour cette interviewe.

Cardinal Meisner: Je vous souhaite moi aussi un bon Noël.