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Lire Evangelii Gaudium

Doit-on vraiment lire en entier ce très long document pour exprimer un avis? (27/11/2013)

>>> Evangelii Gaudium

     

Comme à chaque fois que sort un texte dit important, quel qu'en soit le domaine, certains nous enjoignent plus ou moins sévèrement de «lire le texte en entier». Il n'y a évidemment pas que les textes papaux qui sont concernés: en France, quand les gens ont été consultés par voix de référendum pour ratifier un texte quelconque, par exemple en 2005 la constitution européenne, ou en 1992 le traité de Maastricht, on était sommés de «lire en entier» (en 2005, il y avait même eu un marché éditorial spécifique, et les gens qui ne voulaient pas avoir l'air idiots avaient acheté le texte, un comble !!). Faute de quoi on était catalogués comme incultes, et discrédités pour émettre la plus minime critique.

La très longue exhortation apostolique Evangelii Gaudium (alors que le Pape reconnaît lui-même en préambule que les documents [écrits... ceux de Benoît XVI?] ne sont plus guère lus) ne fait pas exception à la règle, et Massimo Introvigne nous l'explique - non sans avoir lui-même fait au début de son article une lecture en raccourci (que je ne lui reproche évidemment pas, d'autant plus qu'elle est excellente), avant de faire un "résumé", ce qui est toujours un exercice difficile, si on ne veut pas tomber dans la paraphrase, ou le faux-sens!

Bien entendu, c'est au mieux un voeu pieux, au pire de l'intimidation.

Je n'ai pas compté les pages, Massimo Introvigne l'a fait, il paraît qu'il y en a 220 (sous quel format? j'ai simulé une impression avec mon logiciel de bloc-notes, et j'en ai trouvé 68).
Donc, je ne lirai pas l'exhortation en entier. Et je vais même révéler le honteux secret de ma lecture personnelle: j'ai la chance de lire très vite, j'ai donc fait défiler l'ascenseur latéral de l'explorateur Windows, notant au passage les mots-clés qui m'intéressaient. Ce ne sont pas les moins significatifs.
Honte à moi. Je suis recalée à l'examen de passage des exégètes autorisés (je précise que j'ai lu les encycliques de Benoît XVI, en version papier, et crayon en main, mais ici, c'est vrai que ce n'est pas une encyclique).
Je doute que beaucoup de gens fassent mieux que moi.

Les médias, quant à eux, n'ont pas été au-delà du titre, il n'y a aucun écho dans la presse dite "grand public", notamment radio, et ce n'est pas Evangelii Gaudium qui mettra fin à la lune de miel médiatique décrétée de François, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec lui, puisque presque personne ne lit ce qu'il dit.

J'ai traduit la première partie de l'article de Massimo Introvigne, finalement sa lecture personnelle de Evangelii Gaudium.

Pour ceux qui ont des scrupules à utiliser ma méthode (je le répète: je n'en suis pas fière), je renvoie à une autre lecture, dont je ne partage pas toute la sévérité, mais dont je salue le courage, puisqu'il est presque seul, celle d'Yves Daoudal (ici). Il écrit, entre autre:

On aurait pu penser qu’une exhortation apostolique de François serait plus brève que celles de ses prédécesseurs. Raté. L’inflation paraît être de rigueur. Verbum Domini de Benoît XVI était plus longue que Sacramentum caritatis, et Evangelii gaudium est nettement plus longue que Verbum Domini. Sans doute un record historique.

Or les exhortations apostoliques ne sont pas agréables à lire. Elles sentent le produit des bureaux romains, lourde matière dans laquelle le pape ajoute son propos et les propositions du synode qu’il a retenues. Il peut éventuellement faire ainsi lever la pâte et donner du bon pain, malgré les limites de l’exercice : ce fut le cas de Verbum Domini.

Ce n’est pas le cas d’Evangelii gaudium.
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Massimo Introvigne

Evangelii Gaudium, l'Eglise est missionnaire ou, elle n'est pas
Massimo Introvigne
27/11/2013

Formellement datée du 24 Novembre 2013, jour de clôture de la foi, l'exhortation apostolique du pape François «Evangelii gaudium» qui fait suite au Synode de 2012 sur la nouvelle évangélisation, a été publiée mardi 26 Novembre. Cet ample document - sous réserve d'erreurs, la plus longue (220 pages) de toute l'histoire des encycliques et des exhortations apostoliques - est un véritable petite - pas si petite, en fait - encyclopédie sur l'évangélisation. Le pape affirme être conscient d'une masse peut-être «excessive» et que «aujourd'hui les documents ne suscitent pas le même intérêt qu'à d'autres époques, et sont vite oubliés». Mais il considére comme essentiels les thèmes traités, et il demande à tous une étude sérieuse du texte.

C'est précisément son caractère encyclopédique qui se prête facilement à des lectures partielles - qui aura le temps de lire tout cela? - et même déformées.
Selon ses goûts, on insistera sur la notion de «hiérarchie des vérités» et sur l'invitation à commencer l'évangélisation à partir de l'annonce de la miséricorde de Dieu - qui impose, affirme François, une réflexion attentive quand il s'agit de refuser la communion à certaines catégories de pécheurs - plutôt que des préceptes moraux, en même temps qu'une critique renouvelée des «pélagiens» qui pensent se sauver à travers un rigorisme lié à des formes et des schémas du passé. Ou bien, au contraire, on donnera de l'espace à la forte dénonciation du relativisme (y compris celui des catholiques qui occultent leur identité chrétienne par un complexe d'infériorité contre la culture dominante) avec de longues (?) citations de Benoît XVI pour la défense de la famille, la condamnation vraiment dure de l'avortement, avec l'affirmation claire que sur ce point - comme sur celui qui nie le sacerdoce aux femmes - la doctrine de l'Eglise ne change pas et ne peut pas changer.

Mais toute lecture partielle et hâtive, qui vise à extraire du document quelque phrase ou paragraphe avec lesquel on se sent particulièrement en phase, est erroné.
Le texte a une architecture spécifique, qui doit être suivie. Il se compose de cinq parties, à travers lesquel nous découvrons comment, soit le christianisme est missionnaire, soit il n'est pas; nous sommes confrontés aux obstacles auxquels se heurte aujourd'hui la mission, à l'intérieur et hors de l'Eglise, nous étudions les méthodes de la nouvelle évangélisation, nous en examinons les conséquences - qui ne sont pas en option - en termes de doctrine sociale, et enfin nous sommes rappelés à la dimension spirituelle qui est l'âme et le secret de tout apostolat. Petite encyclopédie, oui, mais sur un thème spécifique: la nouvelle évangélisation, dont elle veut être un traité complet et un manuel dense d'indications spirituelles, pastorales et pratiques.

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La suite ici en vo: www.lanuovabq.it