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Poutine et l'ex-empire du Mal

Comment la Russie redécouvre ses racines chrétiennes. Un article sur Vladimir Poutine, écrit par Mario Palmaro, c'est un double plaisir de lecture(16/12/2013)

Il a été publié dans le n° de novembre du mensuel catholique d'apologétique Il Timone.
Mario Palmaro revient sur le discours prononcé par le président russe le 19 septembre devant le Valdai International Discussion Club (1)
Larges extraits en anglais ici: http://eng.kremlin.ru/news/6007

Voir aussi sur ce site

     

La nouvelle Russie de Poutine redécouvre ses racines chrétiennes
Autrefois, c'était l'empire du mal, aujourd'hui, c'est un modèle à imiter (et qui entre dans une trajectoire de conflit avec l'Occident repu et désespéré)

www.rassegnastampa-totustuus.it (ma traduction)
Mario Palmaro
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«Les pays euro-atlantiques répudient leurs racines, y compris les racines chrétiennes qui forment la base de la civilisation occidentale. Ils renient les principes moraux et toutes les identités traditionnelles: nationales, culturelles, religieuses et même sexuelles». Ils appliquent de directives qui mettent à parité les familles et les concubins de même sexe, la foi en Dieu, et la croyance en Satan».
Pensées et paroles non pas d'un pape ou d'un cardinal, mais d'un homme politique, Vladimir Poutine. Nous parlons du Président de la Fédération de Russie, l'héritière de l'Union des Républiques socialistes soviétiques, l'état communiste géant fondé sur l'athéisme et la dictature du prolétariat. Aujourd'hui l'histoire, par un coup de théâtre ironique et rapide, nous montre le leader de la Russie qui fustige le monde occidental pour sa dérive relativiste, nihiliste, homosexualiste, athée. Satan, dit en substance Poutine, n'habite plus l'Est marxiste mauvais, mais il s'est confortablement installé dans l'Occident libre et consumériste. L'empire du mal, c'est devenu nous.


NON A LA MONDIALISATION DU MAL
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Un discours historique, que celui de Vladimir Poutine, prononcé le 19 Septembre au Valdai International Discussion Club (1). Une vaste programme qui est à l'opposé du régime soviétique dont Poutine fit lui-même partie . Mais aussi l'antithèse de l'Union européenne ou des États-Unis, ou de grandes nations d'Amérique du Sud. Vladimir Poutine sait fort bien que dans le monde globalisé, les barbares moraux poussent aux portes et veulent empoisonner tous les pays avec des lois et des coutumes aberrantes. C'est pour cela qu'il dit que «nous avons besoin aujourd'hui de nouvelles stratégies pour préserver notre identité dans un monde qui change rapidement (...)».
Nulle nostalgie pour le passé communiste, explique-t-il: «Nous avons laissé derrière nous l'idéologie soviétique, et il n'y a pas de retour», mais en même temps, non aussi «à un libéralisme extrême, à l'occidentale».
«Sans les valeurs intégrées dans le Christianisme et dans les autres religions historiques - continue Poutine - sans les standards de moralité qui ont pris forme au cours des millénaires, les personnes perdent inévitablement leur dignité humaine. Eh bien, nous trouvons naturel et juste de défendre ces valeurs».


FEUERBACH INVERSÉ ET LE MATÉRIALISME LIBÉRAL
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L'homme est ce qu'il mange, disait dans une célèbre boutade Ludvig Feuerbach (1804-1872), en une synthèse très efficace du matérialisme historique: l'homme réduit à la matière, dépourvu de tout élément spirituel, l'homme sans âme, et tout estomac, c'est-à-dire désir instinctif à satisfaire. Après soixante-dix ans de socialisme monstrueux mis en oeuvre, après les purges et le goulag, après les millions de victimes du régime, cela fait un effet étrange d'entendre, en 2013, le Président de la Fédération de Russie retourner le paradigme de Feuerbach: «Chaque Etat doit disposer de force militaire, technologique et économique, mais la première chose qui en détermine le succès est la qualité de ses citoyens, la qualité de la société: leur force intellectuelle, spirituelle et morale. A la fin, la croissance économique, la prospérité et l'influence géopolitique dérivent de ces conditions de la société».
Leçon impressionnante pour l'Occident, qui recherche les causes de sa crise économique non dans le désastre moral, mais dans les mécanismes mêmes de l'économie. Montrant ainsi le vrai visage du libéralisme, qui est la continuation du marxisme par d'autres moyens. Poutine dit au contraire: ce sont les qualités morales et spirituelles des citoyens qui font qu'une nation est grande.


LA MORT DE L'URSS: LES VRAIES CAUSES
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Pour Vladimir Poutine, le passé dramatique de la Russie est le résultat d'une crise morale: «Nous avons expérimenté l'effondrement de notre état à au moins deux reprises (ndt: la chute du communisme et... la fin des Tsars?). L'effet a été un coup dévastateur pour les codes culturels et spirituels de notre nation, nous avons été confrontés à la rupture des traditions et de l'harmonie de l'histoire, à la démoralisation de la société, avec une perte de confiance et de responsabilité. Là sont les causes profondes de nombreux problèmes urgents auxquels nous sommes confrontés. La question de la responsabilité envers soi-même, envers la société et la loi, est quelque chose de fondamental pour la vie de tous les jours comme pour la vie du droit».

Il y a quinze ans l'auteur de ces lignes a eu l'occasion de rencontrer et d'interviewer Mikhaïl Gorbatchev - homme très différent de Poutine - et je lui ai demandé: «Monsieur le Président, votre pays est le pays au monde avec le taux le plus élevé d'avortements, il s'en pratique un million par an, que pensez-vous faire?». Gorbatchev a répondu: «Si nous ne sommes pas capables de sortir de cette crise morale, nous ne nous relèverons pas.»

En Europe le politiquement correct a atteint de tels extrêmes - dit le président Poutine - qu'il y a des gens qui discutent sérieusement d'enregistrer des partis politiques faisant la promotion de la pédophilie. Dans de nombreux pays européens, les gens se retiennent ou ont peur de manifester leur religion. Les fêtes sont abolies ou appelés par d'autres noms, leur essence (religieuse) est cachée, ainsi que leur fondement moral. Je suis convaincu que cela ouvre une voie directe vers la détérioration et la régression, débouchant sur une crise démographique et morale très profonde. (...) Et quoi d'autre que la perte de la capacité de s'auto-reproduire témoigne de la façon la plus spectaculaire la crise morale d'une société humaine? Aujourd'hui, la grande majorité des pays développés ne sont plus capables de se perpétuer, même avec l'aide de l'immigration».
Saintes paroles. Peut-être que l'Europe aurait besoin d'un politicien comme Vladimir Poutine.


QUI EST POUTINE?

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Mais qui est vraiment cet homme?
Né le 7 Octobre 1952 à Saint-Pétersbourg, peut-être d'antiques origines de Vicence, Poutine a vécu une enfance pauvre: son grand-père était cuisinier de Lénine et de Staline, son père sous-marinier de la marine soviétique. Poutine a été membre du Parti communiste, colonel du KGB, il a travaillé pendant cinq ans à la Stasi Dresde. Il fut indubitablement un rouage de la machine soviétique. Le tournant est en 1997, quand Boris Eltsine l'appela à collaborer avec lui. De 2000 à 2008, il devient président de la Fédération de Russie, et le 7 mai 2012, il a un nouveau mandat présidentiel avec plus de 60% des voix contre 17% recueillies par le candidat communiste.

En 1983, Poutine convola en noces avec Lyudmila Poutine Škrebneva, dont il a eu deux filles. Cette année, le couple a divorcé. Aujourd'hui, Vladimir Poutine est un chrétien pratiquant. Bien que son père fût un athée militant, la mère de Poutine était une pieuse croyante orthodoxe. Bien que n'ayant pas d'icônes dans sa maison, la femme fréquentait régulièrement l'église, elle fit baptiser secrètement Vladimir et elle avait l'habitude de l'emmener avec elle à l'église. Il semble que la «conversion» de Poutine ait eu lieu après un grave accident de voiture impliquant sa femme en 1993. Poutine est devenu plus pieux après qu'en Août 1996, sa datcha ait pris feu, menaçant de tuer les occupants.


HAÏ DES MÉDIAS OCCIDENTAUX
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Vladimir Poutine, est très haï par les journaux et télévisions occidentaux, qui en donnent une image grossière et violente. Compte tenu de ses idées, il n'y a pas lieu de s'étonner de la mystification.
En 2011, Vladimir Poutine a annoncé des mesures économiques pour la natalité, et la Douma - le parlement russe - a adopté une loi restrictive sur l'avortement. Au printemps de cette année, Poutine a approuvé la loi contre la propagande, y compris par internet, des orientations sexuelles non traditionnelles en présence de mineurs. Une loi contre la propagande gay, qui a provoqué la fureur du media System occidental.

Il est difficile de comprendre pleinement l'homme Poutine: un interventionniste décidé dans la guerre en Tchétchénie, un passionné de judo, qui pourtant est opposé au rétablissement la peine de mort parce que, dit-il, «l'Etat ne peut soustraire à Dieu le droit d'ôter la vie». Un homme qui en 2000, avec une loi, changea les paroles de l'hymne russe (2): Poutine a confirmé la très belle mélodie d'Aleksandrov, mais a supprimé les références à Lénine et au parti communiste. A la place, il a intoduit des vers qui récitent: «Russie, notre sainte patrie! Russie, notre pays bien-aimé !Une volonté forte, une grande gloire, sont ton patrimoine depuis toujours" (...) Des mers méridionales aux régions polaires s'étendent nos forêts et nos champs. Tu es unique au monde, inimitable, patrie protégée par Dieu! »

     

Note

(1) Le Club de Discussion Valdaï est un forum international annuel qui vise à rassembler des experts pour débattre de la Russie et de son rôle dans le monde.

La mission du club est de créer une plateforme internationale pour permettre aux élites russes de débattre du développement du pays et de son rôle dans le monde, avec des experts étrangers issus du monde académique, de la politique et des médias.
Le club Valdaï défend la vision d'un monde multipolaire, par opposition à un monde unipolaire dominé par les États-Unis d'Amérique

(2) A écouter ici: http://youtu.be/7A8n1Tade2E