Accueil

Rendez-nous Ratzinger

La prière inattendue d'un athée convaincu, Piergiorgio Odifreddi (16/9/2013)

>>> Dessin ci-dessous: http://www.ilfoglio.it/singole/416

Les deux R4

Le pape François, avec la R4 blanche, dépasse Scalfari, dans la R4 rouge

Je veux revenir encore une fois sur la lettre de François à Eugenio Scalfari (que certains sites italiens nomment, par dérision, Eugène 1er, puisqu'il se prend presque pour le pape) parce qu'elle me paraît emblématique de la façon dont le Pape entend mettre les médias dans sa poche.
Il semble que pour certains, il y ait réussi - mais est-ce une fin en soi?
Sur le blog "Papale papale" une contributrice, titre: "Comment le chat François a joué avec la souris Eugène" (mais sur d'autres sites, on voit inverser les rôles, non sans arguments).
Pour illustrer le problème posé, elle cite une réaction, celle - très emblématique - d'une femme, lue sur le forum de La Repubblica, à la suite de la lettre du Pape.

"J'ai toujours suivi ma conscience, et je ne peux pas dire que je suis une catholique 'observante', puisque je ne suis pas les règles de son église, mais je crois que comme bonne citoyenne, je suis aussi une bonne chrétienne... selon le pape François, je serais de ceux qui suivent leur conscience, et Dieu le Père pardonnera. Je l'ai toujours pensé, si Dieu existe, il est assez grand pour comprendre et renoncer à punir, mais le fait que le plus grand représentant de l'Eglise l'affirme est un motif de réconfort pour moi, et tous ceux qui ont toujours vécu en bons chrétiens sans le professer".

Très sincèrement, je pourrais - presque - me reconnaître en cette femme (sauf que je n'aurais pas écrit sur La Repubblica), et je ne la critique pas.
L'auteur de l'article s'empresse de dédouaner le Pape en disant que la femme n'a pas compris ce qu'il a écrit et a déformé ses propos à sa convenance.

C'est probable, et je n'ai pas le niveau pour entrer dans un débat théologique avec le Pape (il y a quand même des limites!!!), mais le problème est qu'il s'adressait, par définition, à des gens qui ne sont pas titulaires d'un doctorat en théologie - au mieux, à des croyants tièdes, au pire, à des athées qui ne sont même pas en recherche, comme Scalfari lui-même - bref, à des analphabètes de la foi, comme disait Benoît XVI, et qu'un lecteur, pas forcément distrait, ni de mauvaise foi, pouvait fort bien comprendre la même chose que cette femme.
En réalité, le souci de François était (et est) de présenter un catholicisme accueillant, "miséricordieux", et son édulcoration ne doit rien au hasard. C'est ainsi qu'il conçoit son Pontificat - et il a sans doute ses raisons. Cela vaut d'être souligné.

* * *

Le "mathématicien" italien Piergiorgio Odifreddi, né en 1950, est surtout connu pour être un pourfendeur féroce de la religion catholique: sa notice wikipedia (en italien) indique qu'il a "étudié" les mathématiques aux USA et... en URSS (ce qui, compte tenu de sa génération, est effectivement un label de qualité), et qu'en plus de collaborer à l'Espresso et à La Repubblica, il est président honoraire de l'Union des Athées et des Agnostiques Rationalistes, mais je n'ai pas vu de références à ses travaux universitaires.
Il tient un blog sur la Repubblica, et dans un billet daté du 9 septembre, il y démolit méchamment la lettre de François.
Sans surprise, le quotidien gaucho-bobo joue gagnant/gagnant, d'un côté encensant le pape dans le seul but de créer la confusion chez les croyants, et de l'autre, revenant, évidemment, à ses vieux démons, ceux de "la maison-mère des ennemis de l'Eglise" (Introvigne).
Si j'ai traduit son billet, celui d'un athée convaincu, c'est uniquement parce qu'il s'achève sur une prière vraiment inattendue venant d'une telle chaire: rendez-nous Ratzinger!
Dommage que lui (et beaucoup d'autres comme lui) n'ait pas saisi plus tôt la chance inouïe qui nous a été offerte pendant huit ans d'écouter un penseur de ce calibre.

Je me doute qu'Odifreddi n'a d'autre but que de semer la zizanie entre les croyants, et qu'il ne le dit que parce qu'il est sûr que Benoît XVI est parti pour de bon!
Mais que cette dernière phrase est agréable à entendre!

L'article ci-dessous est issu du blog d'Odifreddi, hébergé par la Repubblica: http://odifreddi.blogautore.repubblica.it .
Selon Teresa, le "mathématicien" a accordé une interviewe à l'agence ANSA , mais je ne l'ai pas trouvée.

     

La prédication du curé de Sainte Marthe

9 septembre 2013
------

Le Pape François a écrit une lettre à Eugenio Scalfari, qui lui avait adressé quelques questions à propos de la foi.
Naturellement, après quelques mois de pontificat, nous savons désormais que Jorge Mario Bergoglio est un curé sympathique et médiatique, mais pas un théologien, ni un penseur: c'est-à-dire qu'il est la personne juste pour attirer les simples avec des gestes simples, mais pas la bonne personne pour répondre profondément à des questions profondes.
Bien que présentée comme un "dialogue ouvert avec les non croyants", sa lettre est donc plutôt un "dialogue de sourds". Avant tout pour sa confusion de fond entre "foi" et "christianisme". Il semble en effet que pour Bergoglio, les deux termes soient synonymes, et qu'il ne parvienne même pas à imaginer des concepts abstraits, tels que le "Deus sive natura" (Dieu ou la nature) de Spinoza, ou le Logos des stoïciens, ou même, seulement le Yahvé des juifs: et en effet, quand il parle de ceux-ci, il se limite à citer leur persévérance dans leur foi, même durant la Shoah.
(...)
Après avoir affirmé que la foi ne propose pas de vérité absolue, sur la base d'un jeu de mots selon lequel "la vérité est relation", Bergoglio affirme avant tout que "la vérité rend le croyant humble". Et puis que "Dieu est Réalité" avec un 'R' majuscule, et que Jésus nous le révèle: comme si ce n'était pas, justement un exemple archétypique (voire deux) d'une vérité supposée absolue
Et sur cette base, Bergoglio prétendrait "avoir fait un bout de chemin avec les non croyants".
En réalité (avec un 'r' minuscule), il a seulement répété une des prédications de curé qu'il donne chaque jour à la maison Sainte Marthe. Bonnes pour ceux qui veulent se laisser bercer par l'habituelle musique du joueur de flûte, mais certes inutile pour ceux qui veulent vraiment affronter un discours à armes égales sur foi et raison.

Pour cela, il faut autre chose qu'un Bergoglio.
"Redonnez-nous Ratzinger", pourrait-on dire.