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Scalfari se défend

Le vieil ennemi de l'Eglise répond au Père Lombardi, qui venait de faire une mise au point après sa provocation sur "le Pape qui a supprimé le péché" (31/12/2013)

>>> Voir aussi:
¤ La révolution de François a aboli le péché
¤ La révolution de François a aboli le péché (2)

     

Récapitulons: Avant-hier, Scalfari envoie une petite bombe pour provoquer le Pape, ou le mettre dans l'embarras.
Hier, au nom du Pape - j'imagine - le Père Lombardi répond (fr.radiovaticana.va).
Aujourd'hui, Scalfari, qui tient à avoir le dernier mot, mais ne veut scier pas la branche de sa faveur récente, qui lui promet sinon la gloire, du moins de futurs scoops, lui répond à son tour.
Est-ce que cela va continuer longtemps?
On pense immanquablement aux échanges sur les forums de discussion, où le ton monte entre deux internautes: lequel cédera le premier?
Ce serait dérisoire, si ce n'était pas l'autorité du Vicaire du Christ qui était en jeu.

Il est temps que quelqu'un de vraiment autorisé (pourquoi pas le préfet de la CDF?... je verrais même bien plus haut) siffle la fin de la récréation.

     

Le Pape, le péché, et une réponse au Père Lombardi
30 décembre 2013
Eugenio Scalfari
http://www.repubblica.it/
(ma traduction)
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Le Père Lombardi a publié sur Radio Vatican une longue déclaration sur mon article publié hier sur la Repubblica et en signale l'importance comme l'appréciation de la part du monde laïc non-croyant de la façon dont le pape François est en train de modifier la structure même de l'Église.
Je le remercie pour son attention à mon travail et à ma pensée.
Il y a, cependant, dans sa déclaration à Radio Vatican un démenti net à l'hypothèse formulée par moi que le pape a aboli le péché. Cette hypothèse est évidemment mon interprétation laquelle toutefois est accompagnée par moi d'une constatation que je reproduis ici:

«L'homme est libre, et il a été créé tel, dit François.
Quelle est l'implication de cette affirmation?
Si l'homme n'était pas libre, il serait seulement un esclave de Dieu et le choix du Bien serait automatique pour tous les fidèles. Seuls les non-croyants seraient libres et leur choix du Bien serait un immense mérite.
Mais François ne dit pas cela. Pour lui, l'homme est libre, son âme est libre, même si elle contient une touche de grâce accordée par le Seigneur à toutes les âmes. Ce fragment de grâce est une vocation au Bien, mais pas une obligation. L'âme peut aussi l'ignorer, la répudier, la piétiner et choisir le Mal; mais là interviennent la miséricorde et le pardon qui sont une constante éternelle, selon la prédication évangélique telle que le pape l'interprète. A condition que, fût-ce dans le moment qui précède la mort, cette âme accepter la miséricorde. Mais si elle ne l'accepte pas? Si elle a choisi le mal et ne révoque pas ce choix, elle n'aura pas la miséricorde, et alors, qu'adviendra-t-il d'elle?
Pour révolutionnaire qu'il soit, un pape catholique (sic!) ne peut pas aller au-delà. Il peut abolir l'enfer, mais il ne l'a pas encore fait, même si l'existence théologique de l'Enfer est discutée depuis des siècles. Il peut déléguer au Purgatoire une fonction "post-mortem" de repentir, mais on entrerait alors dans le jugement sur le degré de culpabilité, et c'est aussi un sujet discuté depuis longtemps.»
(ndt: c'est le passage que j'ai moi-même souligné ici: La révolution de François a aboli le péché (2) )

De cette citation de ce que j'ai écrit, il est clair que le Pape ne supprime pas péché si la personne humaine, y compris sur son lit de mort, ne se repent pas et ma conclusion, comme mentionné ci-dessus, c'est précisément que «un pape catholique ne peut pas aller au-delà». De ce point de vue, le père Lombardi et moi pensons de la même façon.
Pourquoi, cependant, ai-je pensé que le Pape François avait de fait aboli le péché? J'ai essayé de l'expliquer tout de suite après, soulignant qu'au même moment où le pape pose comme condition à la conquête de la grâce le repentir, il réaffirme toutefois la liberté de conscience, autrement dit le libre-arbitre que Dieu reconnaît l'homme. Si, à la différence de toutes les autres créatures vivantes, notre espèce est consciente de sa propre liberté, c'est le Créateur qui la lui a consentie. La liberté de conscience est donc une partie intégrante du plan divin.

Le Dieu mosaïque punit ceux qui exercent leur liberté. Il punit Adam et Eve en les chassant du paradis terrestre, il punit Caïn et ses descendants, il punit l'ensemble de l'humanité avec le Déluge. Quant à Jésus (qu'il soit le fils de Dieu ou fils de l'homme), il est de toute façon incarné et ressent en lui les vertus, les peines et les tentations de la chair, autrement il ne se mesurerait pas avec le démon dans les quarante jours qu'il passe dans le désert à les repousser. Mais surtout, il n'accepterait pas le martyre et la crucifixion, prenant sur lui tous les péchés des hommes, pour restaurer l'alliance avec Dieu.

Le Pape catholique a pour limite la punition traditionnelle de ceux qui ne se repentent pas, mais à mon avis, il la dépasse au moment où l'homme exerce sa liberté de conscience. La liberté de conscience fait donc partie du plan de Dieu. Sa Sainteté a revendiqué comme son auteur préféré le Dostoïevski des Frères Karamazov. Le Père Lombardi connaît certainement les pages sur le Grand Inquisiteur et certainement le pape François les connaît aussi. Le rapport entre le Bien et le Mal est donc très ouvert à qui discutent avec les non-croyants.

Je me permets cependant, de signaler au Père Lombardi la conclusion de mon article d'hier que je tiens à rapporter ici textuellement:

«La prédication de Jésus nous regarde, l'amour du prochain nous regarde, les inégalités intolérables nous regardent. Un Pape révolutionnaire nous regarde et le relativisme de s'ouvrir au dialogue avec les autres cultures nous regarde. C'est notre vocation au Bien que nous devons poursuivre avec détermination constante.»