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Une consultation véritablement catholique

Un article de "The Tablet" qui confirme certaines inquiètudes (9/11/2013)

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Ce matin, réagissant à l'article Questionnaire préparatoire au Synode: c'est parti! , Monique me faisait part de sa perplexité dans la perspective du prochain Synode sur la famille, ou plutôt des modalités de réponse au questonnaire joint au document préparatoire.

L'archevêque de Budapest confirme bien que les conférences épiscopales et les évêques auront la possibilité de consulter directement les paroissiens: ce qui n'était pas encore parfaitement clair pour moi.
Je serais tout à fait favorable à ce questionnaire s'il s'adressait aux évêques car ils doivent connaître ce sur quoi ils doivent délibérer.
J'admettrais à la rigueur qu'il s'adresse aux simples fidèles à condition de définir rigoureusement une sorte de "corps électoral" (pour consultation sans vote), selon les mêmes critères pour le monde entier.
Je sens qu'on va assister à un grand "n'importe quoi". Dans certains diocèses, on consultera les fidèles de la base, dans d'autres non! Allez savoir pourquoi! N'importe qui pourra donner son avis sur internet (laissant sur le carreau ceux qui n'ont pas internet!), aussi bien des baptisés que des ennemis de l'Eglise qui s'en donneront à coeur joie!
...

On pourra - à juste titre - objecter que nous sommes exagérément pessimistes, que l'échéance est lointaine, que nous anticipons trop, que le pire n'est jamais certain, que nous voyons le mal partout, et ainsi de suite.
C'est possible, et j'espère que nous nous trompons.
Mais cet article paru dans The Tablet, le quotidien britannique catho-progressiste, est loin d'apaiser les inquiètudes:

     

Une consultation véritablement catholique

9 Novembre 2013
http://www.thetablet.co
(ma traduction)
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Le plus remarquable au sujet de la consultation concernant le sexe, le mariage et la vie familiale, à laquelle l'Eglise catholique invite les catholiques du monde entier à prendre part, c'est son courageux présupposé que les choses doivent changer. Une phrase dans le document officiel accompagnant le questionnaire du Vatican en est un exemple. Elle affirme qu'en raison de la situation actuelle,: «Beaucoup d'enfants et de jeunes ne verront jamais leurs parents recevoir les sacrements ...», et qu'à la lumière de cette constatation «nous comprenons combien sont urgents les défis de l'évangélisation découlant de la situation actuelle».

C'est sans doute une référence à la politique actuelle de l'Eglise en ce qui concerne les catholiques qui divorcent et se remarient et qui s'entendent dire qu'ils ne peuvent pas recevoir la sainte communion, car le document poursuit: «Cette réalité trouve un écho particulier dans l’accueil immense que reçoit de nos jours l’enseignement sur la miséricorde divine». En bref, comment l'Eglise doit-elle commencer l'évangélisation de ces personnes - et de leurs enfants - et cesser de les condamner?

Cette consultation unique, se déroule dans le cadre des préparatifs pour le Synode extraordinaire des évêques que le pape François a convoqué pour Octobre prochain. Il y a de plus en plus de vapeur (il y a une attente croissante) derrière cet appel. L'évêque de Portsmouth, Philip Egan, a écrit dans une lettre pastorale récente qu'il espère que le synode trouve «un moyen quelconque» pour offrir miséricorde, aide et réconciliation aux les catholiques engagés dans des unions irrégulières ou qui sont divorcés et remariés - et il est l'un des évêques les plus conservateurs en Angleterre (!!). C'est déjà devenu un champ de bataille-clé de ce Pontificat, avec à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mgr Gerhard Müller, qui nie que la miséricorde ait quelque chose à voir là-dedans, se confrontant avec les principaux membres de la hiérarchie allemande.

Le fait que les catholiques ordinaires puissent officiellement contribuer à ce débat en prenant part à la consultation est sans précédent. Refuser d'écouter ce que les catholiques laïcs ordinaires ont à dire sur des questions telles que le divorce et la contraception ne sera plus une marque distinctive de l'Église. Cette consultation revient à admettre que guider l'Eglise de cette façon n'est plus tenable.


Mais le processus de remplacement d'un état d'esprit avec un autre prendra du temps pour s'adapter, et la formulation du questionnaire laisse parfois filtrer des incertitudes de position. Les auteurs de ces questions semblent tiraillés entre d'un côté, l'acceptation du fait que le magistère, disons Humanae Vitae, sur le contrôle des naissances, a été rejeté par un grand nombre de catholiques mariés, et de l'autre, comment cet enseignement peut être enseigné de façon plus efficace.

Une question inattendue - «Comment favoriser l'augmentation des naissances?» - invite la réponse polie - «Pourquoi donc faudrait-il les augmenter?». (ndt: mais parce que dans l'ensemble, la vieille Europe, c'est d'elle qu'il s'agit, ne fait plus assez d'enfants pour renouveler la population... il est vrai que l'immigration y pourvoit). Sans doute que ce n'est pas à l'Eglise de savoir quelle taille de population est la bonne.

Ainsi, le questionnaire est un fourre-tout. Mais il est important que le plus possible de catholiques, de toutes les nuances d'opinion, y prennent part, et pas seulement ceux qui savent démêler des questions complexes sur le rôle de la loi naturelle dans la vie familiale. Il est probable que les catholiques pratiquants seront les plus susceptibles d'en entendre parler, et de prendre part à la consultation, mais il est important qu'elle reflète également les points de vue d'une communauté catholique au sens large, qui inclue beaucoup de ceux qui se sentent exclus de l'Église. L'intention claire du Pape François est vraiment de chercher des moyens à travers lesquels ce sentiment d'exclusion puisse être inversé. C'est une initiative pastorale réconfortante.

Il n'est pas moins important que les responsables de l'église qui se chargeront de la compilation des résultats de la consultation tiennent compte de témoignages comme ceux proposés par le professeur Linda Woodhead, résumés dans The Tablet d'aujourd'hui (texte en anglais ici), qui montre comment l'éloignement de la pratique catholique est un résultat de la théorie catholique. L'Église s'est fait dans le passé beaucoup de tort à elle-même en écoutant seulement ceux des laïcs ayant des opinions «acceptables». Mais cette consultation marque la fin du présupposé répandu que ceux qui n'adhèrent pas à tout le bloc de l'enseignement catholique sur le sexe et le mariage ne sont pas la réalité et peuvent donc être écartés.

L'ancienne approche ignorait les conseils du cardinal Newman, qui a écrit dans son essai On Consulting the Faithful on Matters of Doctrine («Sur la consultation des fidèles sur les questions de doctrine»): "la tradition des apôtres ... se manifeste de diverses façons à différents moments: parfois par la bouche de l'épiscopat, parfois par les docteurs, parfois par le peuple, parfois par les liturgies, rites , cérémonies et coutumes, par les événements, les conflits, les mouvements ... Il s'ensuit qu'aucun de ces canaux de la tradition ne peut être traité sans respect» (The Tablet n'appréciedans cette liste manifestement que "le peuple").
Le Pape François, en autorisant cette consultation, les respecte tous, ce qui est une chose très catholique, et très inhabituelle pour un pape moderne.