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Benoît, l'autre homme de l'année

La proposition-provocation d'un journaliste de la sphère anglophone (14/12/2013, mise à jour le 15)

Benoît a eu la grâce étonnante de garder le silence quand les médias s'amourachaient du Pape François. Il n'a pas réagi - en public en tout cas - quand le monde a décidé que l'humilité et la chaleur de François offraient un contraste frappant avec lui, et quand tout le monde a insinué que, contrairement à l'adorable François, Benoît était une sorte de réactionnaire ego-maniaque, alors qu'en fait, il est le contraire.

L'auteur, Freddy Gray est rédacteur en chef au journal conservateur anglais "The Spectator".
Un bon article, à contre courant.
A une réserve près, mais elle est de taille: je ne supporte pas l'idée que parmi les raisons de ce choix, il y ait le retrait de Benoît XVI. Heureusement, il y en a d'autres, bien meilleures.
Pour moi, depuis 8 ans, Benoît XVI a été chaque année «l'homme de l'année», et il y avait à chaque fois une foule de raisons objectives qui n'avaient rien à voir avec une quelconque papomania de ma part: en toute modestie, j'ose avancer que chaque page de mon site a été une tentative de les illustrer, contre les médias dominants.

Je pense tout particulièrement à 2006, avec l'extraordinaire et prophétique (pas seulement par rapport à l'Islam, ce qui arrangerait certains!) discours de Ratisbonne, qui rappelait le rapport inaliénable entre la foi et la raison, et osait souligner l'apport de la culture grecque à la foi chrétienne [voir en particulier Il y a sept ans, Ratisbonne (3) et Il y a sept ans Ratisbonne (7)]. A 2009, avec le voyage en Terre Sainte comme humble pélerin de paix, puis celui en Afrique, comme réconciliateur, évangélisateur, porteur d'espoir, quand les médias n'ont retenu que le discours (lui aussi prophétique, et pour le déformer) sur le préservatif. A 2011, avec les JMJ de Madrid, et le million de jeunes à genoux en silence sur le terrain de l'aérodrome des 4 vents dévasté par un gigantesque orage. Et à 2012, avec encore un pélerinage pour la paix, d'un grand courage, y compris physique, au Liban cette fois, alors que tout avait été fait par le Système pour le dissuader de s'y rendre, jusqu'à l'intimidation et le mensonge.
Evènements majeurs tous évacués par les médias, et même l'Eglise, redimensionnés comme simples faits divers.

Mais, nous le savons, le Bien ne fait pas de bruit, et les grandes choses se passent dans le silence, c'est Benoît XVI lui-même qui nous l'a rappelé, encore tout récemment lors de son dernier "hommage à l'Immaculée", le 8 décembre 2012.

     

Pourquoi la personne de l'année de Time devrait être le pape Benoît ...
Texte original en anglais: blogs.spectator.co.uk/freddy-gray (ma traduction)
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Il semble que tout le monde s'accorde sur le fait que le pape François devait être «la personne de l'année 2013» de Time. Mieux vaut lui, en tout cas que Miley Cyrus ou Bachar al-Assad, et François le mérite, après tout. Cette année, il a - pardonnez le jargon médiatique - "changed the narrative about Christianity in the liberal world" (changé la narration du christianisme dans le monde libéral - ainsi que l'énonce, dans Time, les motivations du choix). Il répand la Bonne Nouvelle, il ne réagit pas uniquement aux mauvaises.

Mais les catholiques ont des sentiments mitigés au sujet de toutes ces acclamations à leur nouveau pape. Peggy Noonan a mis le doigt sur le point clé dans le Wall Street Journal, hier , en suggérant que Time devait choisir François parce qu'il est différent «d'une manière que les rédacteurs et les reporters de Time trouvent sympathique».

On a dit que, dans leur texte de présentation des nominés, Time annonçait [initialement] que «le premier Pontife jésuite a gagné les cœurs et les esprits avec sa touche "commune" et son rejet du dogme de l'Eglise».
Bien entendu, le pape François n'a nullement rejeté le dogme de l'Eglise. Les rédacteurs de Time n'ont pas tardé à se corriger, mais leur erreur a révélé une fois de plus le préjugé libéral contre le catholicisme: les catholiques ne sont bons que s'ils sont considérés comme en rebellion contre leur Église. Cette attitude met clairement les catholiques mal à l'aise. Ce ne peut être qu'une question de temps avant que les journalistes qui aujourd'hui encensent François se retournent contre lui. Ils diront qu'il les a déçus, quand il ne défendra pas tous les droits des gays, les préservatifs, et les femmes papes.

C'est pourquoi ma personne de l'année, pour ce que vaut mon avis, n'est pas le pape François, mais le Pape Benoît XVI.

Parce qu'il a eu l'humilité de réaliser qu'il ne pouvait plus continuer à conduire l'Église.

Parce qu'il a eu le courage de démissionner, contre tous les précédents moderne, et fait place à un successeur plus dynamique.

Parce que le pape François est en fait en train de profiter des nombreux fruits du travail de son prédécesseur. Benoît n'était pas un pitbull de droite: tout comme François, il a continuellement souligné l'importance de l'amour divin, ainsi que les dangers du capitalisme mondial, et il n'a pas été obsédé par les questions sexuelles. Benoît a également fait énormément pour apporter l'unité des chrétiens, en tendant la main aux orthodoxes, aux anglicans traditionalistes mécontents et autres dénominations.

Parce que les médias laïcistes n'ont jamais été capables de le comprendre.

Mais par-dessus tout parce que Benoît a eu la grâce étonnante de garder le silence quand les médias s'amourachaient du Pape François. Il n'a pas réagi - en public en tout cas - quand le monde a décidé que l'humilité et la chaleur de François offraient un contraste frappant avec lui, et quand tout le monde a insinué que, contrairement à l'adorable François, Benoît était une sorte de réactionnaire ego-maniaque, alors qu'en fait, il est le contraire.

Alors - Benoît, homme de l'année 2013, pour s'être retiré de la scène publique et pour avoir gardé la bouche fermée.