Accueil

Benoît XVI est un prophète

Reprise: En mai 2007, une interviewe de Peter Seewald sur le site espagnol alfayomega.es (28/11/2013)

     

"Benedicto XVI es un profeta"

Un entretien avec Peter Seewald, journaliste allemand spécialiste du Pape
------------------------------------
"Benoît XVI est un prophète"


En 1996, le journaliste Peter Seewald, qui avait jusque là été plus proche de la gauche que du catholicisme, a passé plusieurs jours à s'entretenir avec le cardinal Ratzinger. Il en est sorti un livre "Le Sel de la terre", et sa conversion définitive. L'expérience s'est répétée avec "Voici quel est notre Dieu" (2000). Maintenant, il vient de publier "Benoît XVI. Un regard proche" (Benedicto XVI. Una mirada cercana).

* * *

Quel rôle a joué le cardinal Ratzinger dans votre conversion ?
Ce n'est pas le premier - déjà avant j'étais intéressé par la religion -, mais plutôt le second, le plus déterminant. Je l'avais déjà rencontré pour un article. La deuxième fois, c'était pour notre livre co-écrit, "Le Sel de la terre". Cette rencontre, et cette conversation, m'ont enseigné qu'il est possible d'extraire de la grande tradition de l'Église, du savoir de ses Pères, des méditations des saints, un projet pour notre temps. La religion catholique donne des réponses qui parlent aux temps modernes.

Vous étiez assez sûr de son élection comme Pape.
Non, pas vraiment, mais j'ai eu spontanèment une intuition très forte dans ce sens. Un jour, alors que j'étais au Mont-Cassin pour la préparation de "Voici quel est notre Dieu", au cours de la messe solennelle, j'ai entendu son homélie, en italien. Je n'ai rien compris, mais j'ai appelé ma femme et j'ai dit : "J'ai vu aujourd'hui le futur Pape". Pendant le conclave je me suis occupé avec beaucoup d'intensité de sa biographie, et j'ai eu la forte impression que sa vie n'avait pas encore atteint son objectif, que quelque chose l'attendait.
J'avais l'espoir et la certitude, non que le Pape allait s'appeler Benoît, mais bien qu'il allait s'appeler Ratzinger.

Qu'est-ce qui vous a surpris au cours de cette année ?
Qu'il n'y a pas eu une grande rupture. Ce changement de pontificat a pris place sans tension et sans bruit, comme un processus naturel, comme si ces deux hommes, également en tant que Papes, appartenaient réellement l'un à l'autre. Un grand pontificat "double" nous introduit dans le nouveau millénaire. Personne n'avait compté avec cela. .... Et, au-delà de cela, on doit prendre en compte une autre instance qui agit de manière évidente, l'Esprit-Saint: à travers lui, il est clairqu'on peut tout envisager d'une manière différente de ce que l'on pensait avant.

Il a un jour parlé d'un schisme intra-ecclésial. À quoi se référait il?
C'est la rupture entre les fidèles et la conscience de la foi, la substance de la foi. Ce n'est pas nécessairement un acte conscient, mais un manque d'attention, d'effort pour exprimer et vivre son christianisme. Ce schisme est assez profond et étendu, mais on doit répéter que, malgré cette culture qui dans les dernières décennies s'est installée en Europe, une culture du nouveau paganisme, il y a encore des millions de personnes qui de manière consciente suivent leur Église.

Dans les derniers mois on a beaucoup parlé d'une amélioration de la situation de l'Église catholique en Allemagne.
On en parle, mais je ne sais pas si la situation s'est réellement améliorée. En tout cas, on a éveillé un nouvel intérêt, non seulement vers le Pape, parce qu'il est allemand, mais aussi vers la religion. Tout repose, d'abord, sur le grand héritage de Jean-Paul II, qui n'a pas quitté ce monde sans nous laisser un grand trésor pour aborder le nouveau millénaire, surtout aux jeunes. Ils montrent une nouvelle forme de dévotion, qui d'une part est heureuse et, par un autre, très sérieuse. Mais nous ne devons pas nous faire d'illusions, il est difficile de mettre fin à une culture qui est aussi éloignée du contenu et la conscience du christianisme. Nous vivons une grande offensive, je dirais contre Jésus-Christ. On interroge l'Evangile, non seulement pour lui demander qui fut le Fils de Dieu, mais aussi ce que fut sa figure historique, et avec cela, en quoi consiste le savoir de l'Église, et sa mission.

A quoi cela mène-t'il ?
Évidemment, nous devrons le payer cher. Nous sommes dans un processus d'abrutissement (embrutecimiento), et aussi d'effondrement culturel que personne ne pouvait imaginer. Aujourd'hui, on entend réclamer des 'valeurs' à cor et à cri, surtout parmi les medias de gauche. ... Il manque des hommes qui nous rappellent la morale, et qui nous disent le bien et le mal.

Connaît-il la situation de l'Espagne ?
Le processus qui émerge nettement en Espagne illustre de manière frappante les forces qui se heurtent entre elles. Ce conflit entre un modèle laïciste et les forces qui représentent la tradition existe ailleurs, mais nulle part autant qu'en Espagne. Dans un pays que, jusqu'à présent on considérait comme très catholique, cela se voit avec davantage de clarté. Et on se pose la question: que se passe-t-il en Espagne ?

Que peut on attendre du pontificat de Benoît XVI ?
C'est un prophète: il pourra nous dire avec une grande clarté ce qui est important et aussi les dangers de ce temps.
La beauté de de ce qu'il transmet peut apparaître dérisoire, sans pouvoir, et, pourtant, laisse transparaître l'attrait du Christ. Ces petites dimensions sont en fait la vitalité du message du Nouveau Testament. Il est l'homme qu'on souhaite comme berger. Et c'est beaucoup. Nous ne devons pas seulement voir les grandes affaires, l'oecuménisme, ou la nouvelle organisation du Vatican, qui sont des questions presque politiques. On peut attendre qu'il nous remette les clés des vérités les plus simples du christianisme, qui peuvent paraître secondaires, mais sont au contraire essentielles, et nous, nous avons oublié de leur prêter attention.

María Martínez López