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Benoît XVI et la paix au Moyen-Orient

L'interviewe de Benoît XVI dans l'avion vers le Liban, le 22 septembre 2012 (7/9/2013)

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Que pouvons-nous faire contre la guerre? Naturellement, toujours défendre le message de paix, sachant que la violence ne résout jamais un problème, et renforcer les forces de la paix. Je dirais qu'est important le travail des journalistes qui peuvent beaucoup aider à montrer comment la violence détruit et ne construit pas, elle n'est utile à personne. Ensuite, je dirais peut-être des gestes dans le christianisme, des journées de prière pour le Moyen-Orient, pour les chrétiens et les musulmans, montrer la possibilité du dialogue et de solutions. Je dirais aussi que doit cesser l'importation d'armes, parce que sans l'importation des armes, la guerre ne pourrait pas continuer...

La belle initiative du Pape François pour la paix (cf. Le geste le plus raisonnable) est traité par les médias comme une grande nouveauté. Ou du moins, s'ils cherchent un antécédent, il leur faut remonter jusqu'à Jean-Paul II. François fait d'ailleurs les titres flatteurs des journaux. On ne comprend pas bien pourquoi, parce qu'ils sont massivement pour une intervention...

Or, le voyage de Benoît XVI au Liban, il y a presque un an, son dernier voyage international, en fait (pages spéciales ici: benoit-et-moi.fr/2012(III)/liban.php), était tout entier un appel pour la paix. Un appel courageux, pour un voyage "difficile" (comme toujours) dans un contexte de crise.
Le voyage avait été (comme toujours) un triomphe personnel pour le Pape.

Pour rafraîchir la mémoire des amnésiques, je reproduis l'interviewe du Saint-Père, dans l'avion vers le Liban (dans ma traduction: benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/premier-jour-du-pape-au-liban.php)

     

- Saint-Père, ces jours-ci, il y a de terribles anniversaires, comme le 11 Septembre, ou le massacre de Sabra et Chatila. Aux frontières du Liban il y a une sorte de guerre civile et nous voyons aussi dans nos pays, le risque de violence qui est toujours présent. Avec quel sentiment abordez-vous ce voyage? Avez-vous été tenté de renoncer pour l'insécurité ou quelqu'un vous a-t-il suggéré de renoncer?

«Chers amis, je suis très heureux de cette occasion de parler avec vous. Personne ne m'a conseillé de renoncer à ce voyage et pour ma part je n'ai jamais pensé à cette hypothèse. Parce que je sais que si la situation devient plus complexe, il devient encore plus nécessaire de donner ce signe d'amitié, d'encouragement et de solidarité. Donc, c'est le sens de mon voyage: inviter au dialogue, inviter à la paix, contre la violence, aller ensemble pour trouver des solutions aux problèmes. Et donc, les sentiments de ce voyage sont surtout sentiments de gratitude pour l'opportunité d'aller maintenant dans ce grand pays. Ce pays, disait Jean-Paul II, plus qu'un pays, est un message, cette région de la rencontre de l'origine des trois religions abrahamiques. Et je suis particulièrement reconnaissant au Seigneur qui m'en a donné l'occasion; je suis reconnaissant envers toutes les institutions et les personnes qui ont travaillé ... et je suis reconnaissant aux nombreuses personnes qui m'accompagnent avec la prière, cette protection de la prière ... Je suis heureux et je suis tranquille ... »

- Un grand nombre de catholiques expriment leur préoccupation devant la montée du fondamentalisme dans différentes régions du monde et devant l'agression dont sont victimes de nombreux chrétiens. Dans ce contexte difficile, comment l'Eglise peut-elle répondre à l'impératif du dialogue avec l'islam, sur lequel elle a insisté à plusieurs reprises?

«Le fondamentalisme est toujours une falsification de la religion, il est contraire à l'essence de la religion. La tâche de l'Église et de la religion est de se purifier. La purification des religions de ces tentations est toujours nécessaire, et il est de notre devoir d'éclairer, de purifier les consciences. Chaque homme est une image de Dieu et nous devons respecter dans l'autre non seulement son altérité, mais dans l'altérité, l'essence commune d'être une image de Dieu, l'autre comme image de Dieu. Donc le message de base est contre la violence qui est une falsification comme les fondamentalismes, et pour l'éducation, l'éclairage et la purification des consciences, le dialogue pour la réconciliation et la paix».

- Dans ce contexte de l'onde de désir de démocratie qui s'est mise en mouvement dans de nombreux pays du Moyen-Orient avec ledit «printemps arabe», compte tenu de la réalité sociale de la majorité de ces pays où les chrétiens sont une minorité, n'y a-t-il pas de risque d'une tension inévitable entre la domination de la majorité et la survie du christianisme?

« Je dirais qu'en soi, le Printemps arabe est une bonne chose: c'est le désir pour plus de démocratie, plus de liberté, plus de coopération, une identité arabe renouvelée. Et ce cri de liberté qui vient d'une jeunesse plus formée culturellement et professionnellement, et qui désire une plus grande participation à la vie politique et sociale est un progrès, une très bonne chose, saluée aussi par nous, chrétiens. Bien sûr, de l'histoire des révolutions, nous savons que le cri de la liberté si important et positif, est toujours en danger d'oublier un aspect et une dimension fondamentale de la liberté, c'est à dire, la tolérance des autres et le fait que la liberté humaine est toujours une liberté partagée, qui seulement dans l'action, dans la solidarité, le vivre ensemble avec des règles déterminées peut se développer. Et c'est toujours un risque, et donc dans ce cas aussi, nous devons faire tout notre possible pour que le concept de liberté, le désir de liberté, aille dans la bonne direction (...) la tolérance, le vivre ensemble, la réconciliation comme un élément essentiel de la liberté. De même, l'identité arabe renouvelée implique aussi, il me semble, le renouveau de l'ensemble séculer millénaire, les chrétiens et les Arabes qui justement dans leur tolérance de majorité et de minorité ont construit ces terres et ne peuvent pas ne pas vivre ensemble. Je pense donc qu'il est important de voir l'aspect positif de ces mouvements et de faire notre possible pour que la liberté soit conçue de la juste façon et réponde à un plus grand dialogue et non à la domination de l'un contre l'autre. "

- En Syrie, comme il y a quelque temps en Irak, beaucoup de chrétiens se sentent contraints à contrecœur à quitter leur pays. Que va faire ou dire l'Eglise catholique pour aider dans cette situation, pour enrayer la disparition des chrétiens en Syrie et d'autres pays du Moyen-Orient?

«Nous devons d'abord dire que non seulement les chrétiens mais aussi les musulmans fuient, mais naturellement, le danger que les chrétiens s'éloignent et perdent leur présence sur ces terres est grand, nous devons faire tout notre possible pour les aider à rester. L'aide essentielle serait la fin de la guerre, ceci crée une fuite, et donc le premier acte est de faire tout son possible pour mettre fin à la violence et que soit vraiment créée une chance de rester ensemble aussi dans le futur.
Que pouvons-nous faire contre la guerre? Naturellement, toujours défendre le message de paix, sachant que la violence ne résout jamais un problème, et renforcer les forces de la paix. Je dirais qu'est important le travail des journalistes qui peuvent beaucoup aider à montrer comment la violence détruit et ne construit pas, elle n'est utile à personne. Ensuite, je dirais peut-être des gestes dans le christianisme, des journées de prière pour le Moyen-Orient, pour les chrétiens et les musulmans, montrer la possibilité du dialogue et de solutions. Je dirais aussi que doit cesser l'importation d'armes, parce que sans l'importation des armes, la guerre ne pourrait pas continuer, au lieu de l'importation d'armes qui est un péché grave, on devrait importer des idées de paix, de la créativité, trouver des solutions acceptables par chacun dans son altérité, et nous devons donc dans le monde rendre visible le respect des religions, les uns des autres, le respect de l'homme en tant que créature de Dieu, l'amour du prochain comme au centre de toutes les religions. En ce sens, avec tous les gestes possibles y compris matériels, aider à mettre fin à la violence et la guerre, que tous puissent reconstruire le pays.

- En plus de la prière et des sentiments de solidarité, voyez-vous des mesures concrètes que les Églises et les catholique de l'Occident, en particulier en Europe et en Amérique peuvent faire pour soutenir nos frères et sœurs du Moyen-Orient?

«Nous devons influer sur l'opinion politique et les politiciens pour qu'ils s'ingénient vraiment de toutes leurs forces, avec toutes leurs possibilités, avec créativité, pour la paix, contre la violence. Personne ne devrait espérer des avantages de la violence, tous doivent contribuer dans ce sens, c'est un travail d'harmonisation, d'éducation, de purification très nécessaire de notre part. Du reste, nos organismes de bienfaisance devraient apporter un soutien matériel, et faire tout leur possible. Nous avons des organisations comme les Chevaliers du Saint-Sépulcre, en soi seulement pour la Terre Sainte, mais des organisations similaires pourraient aussi aider matériellement, politiquement et humainement dans ces pays, je dirais une fois encore des gestes visibles de solidarité, des journées de prières publiques, des choses de ce genre pourraient alarmer l'opinion publique, être véritablement facteurs réels, n'oublions pas que la prière a un effet si elle est faite avec confiance et foi, elle aura son effet»

     

Il faut aussi relire l'interviewe du Cardinal Bertone accordée à Jean-Marie Guénois:
benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/interviewe-du-cardinal-bertone-par-jm-guenois.php