Accueil

Don Louis et le Préfet de la foi

La belle histoire de ce prêtre italien d'origine française qui célèbre la messe selon le rite ancien dans un village montagnard des Apennins évoque irrésistiblement don Camillo. En conflit avec son évêque à cause de cela, il avait reçu une lettre d'encouragement du cardinal Ratzinger (24/12/2013)

«Je vous promets de porter votre douleur dans ma prière devant le Seigneur» (J. Ratzinger)

J'ai trouvé cette histoire dans le blog traditionaliste Messa in latino.
Original ici: http://blog.messainlatino.it/2013/12/io-le-prometto-di-portare-il-suo-dolore.html

     

Lundi 23 décembre 2013
«Je vous promets de porter votre douleur dans ma prière devant le Seigneur» (J. Ratzinger)
------

Don Louis Demornex, est un bon géant avec une barbe blanche et une soutane noire, qui porte des sandales, même en hiver.
Soixante ans, fils de montagnards français, vivant ici depuis 1970, l'année de son ordination.
Il a la charge d'âmes de sa paroisse de Fontanaradina et de deux autres hameeaux, Corigliano et Aulpi (dans la province de Sessa Aurunca, en Campanie), et sillonne la montagne de haut en bas au volant d'une Peugeot déglinguée qui ne semble tenir assemblée que grâce au regard de la petite Sainte Vierge en craie fixée sur le tableau de bord. «Quand je suis entré dans cette maison - dit-il - le toit était défoncé et il n'y avait pas de fenêtres. Je l'appelais mon Bethléem. Puis, avec l'aide des jeunes de la paroisse nous avons fait l'installation électrique et apporté l'eau courante. Maintenant je l'appelle mon Nazareth ... ».

Ce prêtre, qui vit vraiment dans la pauvreté («Je n'ai rien, ma seule richesse est dans le Tabernacle»), à partir du 1er Février 2000, de but en blanc, a commencé à célébrer la messe dominicale dans ses trois paroisses selon l'ancien rite tridentin resté en vigueur jusqu'au Concile Vatican II.
Missel de saint Pie V, prières rigoureusement en latin, dos aux fidèles, chants grégoriens. Le Père Louis a écrit trois lettres à ses fidèles, pour clarifier sa décision.
Il a expliqué qu'à l'origine, il y a un manque de respect pour l'Eucharistie qui caractérise, à son avis, le nouveau rite: « Aujourd'hui, les fragments consacrés sont profanés, les miettes tombent sur le sol et sont piétinés. Et puis le prêtre ne se purifie pas les mains ou bien il les lave mais jette l'eau ... Tout cela fait penser à une femme qui jette sa conception à la poubelle.
Qui fait cela, ou bien ne croit pas que chaque fragment est Jésus-Christ tout entier, et est donc un hérétique.
Ou bien, il le croit, et alors il est sacrilège».
Don Demornex a pris sa décision mémorable aussi pour une raison «caractèrielle»: «Je ne peux pas dire la messe face au peuple - dit-il - je suis distrait, je ne parviens pas à rester recueilli. Et puis le rite tridentin n'a jamais été aboli: Jean-Paul II a concédé un indult, qui le permet.
En semaine, quand les fidèles se comptent sur les doigts d'une main, je l'utilisais depuis un certain temps.
Puis j'ai commencé à célébrer ainsi le dimanche».

Pendant trois mois, rien ne se passe. Bien que dans les églises de Fontanaradina, Corigliano et Aulpi, l'horloge semble être retournée en arrière de trente ans, la participation à la messe dominicale demeure élevée.
Certains paroissiens protestent, quelques autres vont à la messe ailleurs.
Plusieurs, cependant, commencent à venir des communautés voisines.
Et puis, le 6 mai dernier, un samedi, l'évêque de Sessa Aurunca, Antonio Napolitano intervient. Comme on pouvait s'y attendre.
Il fait descendre le corpulent prêtre de sa montagne pour lui remettre une lettre, dans laquelle il l'accuse d'accomplir ses fonctions pastorales de façon «rétrograde et archaïque». «J'ai su - écrit l'évêque - que vous écartez nettement des dispositions liturgiques en vigueur», et que vous célèbrez «l'Eucharistie en tournant le dos au peuple de Dieu, contrairement à la Constitution apostolique du pape Paul VI, par laquelle est promulgué le Missel réformé conformément au Concile». Conclusion: « Je vous invite à revoir votre comportement et peut-être même l'inclusion dans le diocèse de Sessa Aurunca ... Sinon vous êtes libre de choisir d'autres diocèses qui conviennent mieux à vos idées». Un appel clair à changer de route, ou bien à faire ses valises.

Malgré la pénurie de prêtres, la discipline est la discipline. Quelques heures après l'avoir reçue, don Demornex lit la lettre à tous ses paroissiens au cours des trois messes célébrées le dimanche 7 mai. «Je m'excuse si je vous ai offensé - dit-il de la chaire - si je vous ai induit en erreur, si j'ai été un mauvais prêtre. Je dois m'en aller».

La réaction des fidèles est inattendu est surprenante: larmes, embrassades, prières à revenir sur sa décision. Les jeunes, à peine sortis de l'église, sautent dans leur voiture et commencent à recueillir des signatures en faveur du prêtre. En seulement deux heures, ils en rassemblent 400 (Corigliano compte 600 habitants), tandis qu'à Sessa Aurunca, 800 personnes signent. «Avant l'arrivée de Don Louis - lit-on dans la lettre écrite à la main par les paroissiens - il y avait peu de gens qui allaient à la messe, peu fréquentaient les sacrements.
A présent, la participation est massive, il y a un grand travail de catéchèse, l'Action catholique a été restaurée, l'adoration de Quarante Heures, les neuvaines aux saints, de nombreuses dévotions considérées par beaucoup comme des passe-temps pour petites vieilles et qui sont au contraire une aide dans le chemin de foi».

Malgré l'affection des fidèles, le «démodé» Père Demornex est décidé à quitter ses trois paroisses. Les manifestations du peuple l'ont surpris, mais ne lui ont pas fait changer d'avis: «J'ai toujours essayé de faire la volonté de Dieu, et non pas celle des gens. Et l'Evangile enseigne: la foule qui aujourd'hui t'applaudit avec les palmes, demain pourra crier "Crucifie-le!" ».
Il s'en va à Naples, chez des amis, et écrit sa lettre de congé à l'évêque: «J'ai commis l'erreur impardonnable d'être aimé et estimé pour des raisons pré-conciliaires».
Mais les fidèles insistent, organisent des manifestations devant la curie de Sessa Aurunca, demander une audience avec l'évêque. Mgr Napolitano leur dit: «Je ne l'ai pas renvoyé de suite».
Ainsi, après huit jours d'«exil» et beaucoup de prières des paroissiens, le prêtre revient. Il continue, depuis lors, à célébrer la messe tridentine. «J'ai éduqué les jeunes à la suivre et ils le font volontiers - explique le P. Louis -. Pour moi, l'important n'est pas l'ancien rite, mais son contenu.
Avec la messe de saint Pie V, c'était l'Eglise qui célébrait en toi.
La nouvelle messe, au contraire, n'a jamais existé, car tout le monde la célèbre à sa manière, avec créativité, introduisant des variations ».

Dans les yeux clairs du géant en soutane, il y a une grande sérénité, en dépit de la pneumonie qui l'afflige. Il s'émeut, faisant le guide dans la petite église, montrant les reliques de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de saint Pie X qui ornent l'autel.
Il a le regard d'un enfant à qui on vient d'offrir tous les jouets dans le monde. «Depuis que j'ai recommencé à dire l'ancienne messe, j'ai rajeuni. A présent, je suis en attente des décisions de mon évêque. En Mars, il y aura une visite pastorale, ensuite nous verrons. Peut-être que je vais devoir quitter la paroisse ...
Mais s'il vous plaît, ne dites pas que je suis un disciple de Mgr Lefebvre, parce que ce n'est pas vrai. Je n'appartiens pas à un parti politique. Je suis et je veux être, par la grâce de Dieu, seulement un catholique».

Parmi les papiers que Don Louis a mis sur la table dans la petite cuisine aux murs écaillés, il y a une lettre de solidarité qui vient du Vatican. C'est le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui dans son autobiographie (Ma vie, Saint-Paul éditeur, 1997) déclare: « Je suis convaincu que la crise ecclésiale dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui dépend largement de la effondrement de la liturgie ... La réforme liturgique a causé des dommages extrêmement graves à la foi».
Le pasteur, qui est maintenant assis devant un bol fumant de soupe de lentilles tout juste servie pour l'hôte et pour lui-même, ne veut pas parler de cette lettre.
Puis, après avoir résisté longtemps à l'insistance du journaliste, il admet: «Oui, j'ai écrit au Cardinal pour lui raconter mon histoire et les raisons qui m'ont conduit à célébrer avec l'ancien missel. Et il m'a répondu».
Le 15 Juillet 2000, le prince de l'Eglise et gardien de l'orthodoxie catholique lui a répondu à lui, le prêtre avec des sandales qui vit dans la froide et dénudée «Nazareth» de Fontanaradina.

« Votre lettre m'a touché et m'a ému - lit-on dans la réponse de Ratzinger à don Demornex - Ce que vous dites sur la laïcisation des prêtres, l'anarchie liturgique et le nombre de profanation de l'Eucharistie est malheureusement vrai. Vous avez confié votre profond malaise à l'évêque: il ne vous a pas compris, et invité à quitter la paroisse. Du point de vue formel et juridique, c'est son droit».
«Vous savez bien - conclut le cardinal - que je ne peux pas vous conseiller de vous rebeller ... Soyez assurés que le Seigneur ne nous impose jamais le fardeau d'une croix sans nous aider à porter. Je vous promets de porter votre douleur dans ma prière devant le Seigneur».
Don Louis Demornex a découvert qu'il avait un ami aussi à Rome.