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Il y a deux ans, Rebibbia

Le 18 décembre 2011, Benoît XVI se rendait à la prison romaine de Rebibbia, suscitant une vague de ferveur chez les détenus, et même chez les politiques. Quelques rappels (19/12/2013)

C'est Teresa qui me remet en mémoire, non pas l'évènement (comment l'oublier?) mais sa date. Dire qu'un peu plus d'un an plus tard, le monde stupéfait apprenait sa volonté de renoncer. Et surtout que deux ans après, une mystérieuse épidémie d'amnésie frappait l'ensemble des "observateurs" auto-proclamés experts et médiateurs d'information (je ne dirais pas du public, qui de Rebibba, n'avait évidemment rien su!!), oublieux de la belle et touchante humanité du Pape-professeur, qui savait aussi si bien être le Pape-pasteur.

Plusieurs articles de ce site avaient été consacrés à la visite.
J'en reproduis ci-dessous les plus beaux.

>>> Lire ici la transcription des échanges a braccio avec les détenus: benoit-et-moi.fr/2011-III/

     

Ces derniers, tant aimés de Benoît (Ambrogetti)

Angela Ambrogetti racontait ses précédentes rencontres avec l'univers carcéral.

Les derniers, tant aimés de Benoît XVI
Le 18 Décembre prochain, Benoît XVI se rendra en visite pastorale à la maison d'arrêt de Rebibbia. Une nouvelle rencontre importante entre le Pape et les détenus, auquel le Pontife, au cours des années a toujours accordé une grande attention, parce que: «Chaque détenu, quelle que soit la raison qui l'a mené en prison, ressent combien lourde est cette condition humaine particulière».

Angela AMBROGETTI
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Le 18 Décembre, quatrième dimanche de l'Avent, Benoît XVI se rendra en visite pastorale au nouveau complexe pénitencier du District de Rebibbia à Rome. À 10 heures, dans l'église centrale de la prison dédiée au «Notre Père», il rencontrera les détenus et répondra à leurs questions. Avant de quitter le pénitencier et de retourner au Vatican pour la récitation de l'Angélus, le Pape bénira un arbre planté en souvenir de la visite.
Ce n'est pas la première rencontre de Benoît XVI avec la réalité carcérale.
Pendant le carême de 2007, Benoît XVI a visité Casal del Marmo, la prison pour mineurs de Rome qui abrite une cinquantaine de jeunes entre 14 et 18 ans, seuls, pour la plupart étrangers et marginalisés (cf. beatriceweb.eu/Blog/ ). Il a voulu les écouter, prier avec eux et avant tout être témoin de l'amour de Dieu: «Père, miséricordieux et fidèle, malgré les erreurs de tes enfants ... C'est l'occasion de décider de "se lever et d'aller", d'abandonner le péché et de choisir de retourner vers Dieu. Faisons ensemble ce chemin de libération intérieure».

Le 12 Mars 2008, ce sont les détenus de Lanciano qui ont été reçus par le Pape au terme d'une audience sur la Place Saint-Pierre. Accompagné par des agents de la police pénitentiaire et conduits par l'évêque du diocèse des Abruzzes, Mgr Carlo Ghidelli , un groupe de détenus de la maison pénitentiaire de Lanciano a pu assister à l'audience, avec une permission spéciale du Tribunal de surveillance. En cette occasion spéciale, Benoît XVI avait aussi parlé de la condition des prisonniers et des souffrances causées par l'injustice tellement présente dans la justice humaine: «Chaque prisonnier, quelle que soit la raison pour laquelle il a fini en prison, ressent combien lourde est cette condition humaine particulière» . Le Pape avait rappelé les figures de Cassiodore et Boèce (catéchèse ici) : «ce n'est pas le destin qui gouverne, mais la Providence et celle-ci a un visage. On peut parler avec la Providence, car Dieu est la Providence. Ainsi, même en prison il reste la possibilité de la prière, du dialogue avec Celui qui nous sauve... La soi-disant prospérité des méchants se révèle donc mensongère, et la nature providentielle de la adversa fortuna est soulignée. Les difficultés de la vie révèlent non seulement combien celle-ci est éphémère et de brève durée, mais elles se démontrent même utiles pour déterminer et conserver les rapports authentiques entre les hommes. L'Adversa fortuna permet en effet de discerner les vrais amis des faux et elle fait comprendre que rien n'est plus précieux pour l'homme qu'une amitié véritable».

Aux détenus de Lanciano, le Pape avait ensuite réservé un salut spécial: «J'espère que cette rencontre incitera chacun de vous à réaffirmer son adhésion fervente aux enseignements de l'Evangile». Au nom des prisonniers, l'un des agents aavait donné au Pape une casquette verte avec l'emblème d'un groupe de bénévoles, endossé immédiatement avec un grand sourire.

Le 4 Juillet, 2010 Benoît XVI avait rencontré les hôtes de la prison de Sulmona (ndt: j'en ai parlé ici: benoit-et-moi.fr/2010-II/): «Je suis heureux d'être avec vous. J'aurais voulu vous rencontrer tous, portez mes salutations aux autres détenus. Je vous suis toujours proche, et je prie pour que le Seigneur vous aide dans ce chemin pas facile: je vous porterai dans mon cœur et de tout cœur, j'espère que vous pourrez trouver le chemin pour apporter une contribution à la société, en fonction de vos aptitudes et des dons que Dieu vous a donnés . Dans mes prières vous êtes toujours présents». Paroles improvisées, loin des micros et des caméras, avec lesquelles le Pape a salué la délégation de Sulmona.

Lors de sa visite pastorale à la ville - à l'occasion du jubilé voulu par les évêques de la région ecclésiastique Abruzzes-Molise pour le huit-centième centenaire de la naissance de saint Pierre Célestin - le pape a de nouveau abordé la délicate question de la souffrance de la population carcérale . Un salut bref, non prévu par le programme et demandé par l'aumônier Franco Messori, qui plus tard, dans la maison sacerdotale contigüe à l'évêché, a présenté au Pape le directeur de l'Institut, plusieurs gardiens et cinq représentants - le plus jeune s'appelle Catalin, il n'a guère plus de trente ans et vient de Roumanie - des 420 détenus et internés qui surpeuplent la structure.
«J'ai demandé au pape - a confié l'aumônier - une parole de lumière et d'espérance, afin qu'en rencontrant ces cinq hommes, son message parvienne à tous les détenus des Abruzzes et des autres maisons carcérales d'Italie».
Le Père Messori ne partage pas la définition de « prison des suicides» donnée par les médias au centre de détention de Sulmona , mais souligne la nécessité de plus de fonds pour l'éducation et le travail: «Sans ces deux choses il n'y a pas de possibilité de réinsertion». A cette rencontre privée avec Benoît XVI - qui a duré environ dix minutes - a également participé le responsable des programmes éducatifs.

En Juin 2009, les détenus de Monza ont eux aussi rencontré Benoît XVI, à qui ils ont fait don d'une «tente de la parole» réalisée dans la menuiserie de la maison d'arrêt de la Via Sanquirico. Il d'agit d'un porte-bible (ndt: une sorte de lutrin) comme ceux que les détenus de la prison de la Brianza réalisent depuis des années dans la menuiserie derrière les murs de la via Sanquirico. Pour Papa Ratzinger, ils en ont réalisé une spéciale, en chêne blanc, gravée de l'étoile de David et des armoiries du pontife. Un modèle similaire à ceux produits pour la maison d'édition San Paolo qui a commandé justement à l'atelier géré par la Coopérative Sociale 2000 lutrins vendus dans les librairies du groupe d'édition (en tout, il en est sorti plusieurs milliers des maisons de détention). Grâce à San Paolo et à l'inventeur des «tentes de la parole», don Marco Valentini, on a parlé des porte-bibles juqu'au synode des évêques, de là l'idée de faire connaître au Pape le travail des détenus, lui offrant un modèle produit en prison.

En avril 2010, le Pape a écrit un message aux détenus maltais durant son voyage dans l'île de la Méditerranée . Dans une lettre envoyée en réponse à leur message, le Pape a exprimé sa «profonde gratitude» pour les sentiments exprimés, et remercié de tout coeur les détenus qui lui assurent le soutien de leurs prières. Les détenus se disaient en quelque sorte réconfortés par le fait que le premier évangélisateur de l'île, Saint-Paul, était arrivé à Malte comme un prisonnier, tout comme eux. Pour Benoît XVI: «Saint Paul, bien que prisonnier, avait la liberté intérieure de se réjouir dans le Seigneur, persuadé que ni la mort ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra jamais nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur». Le Pape conclut sa lettre en disant qu'il était proche de tous ceux qui sont en prison, et en invoquant sa bénédiction sur eux, « en gage de force et de paix dans le Seigneur».

     

Le très beau reportage de Zenit

Standing ovation et émotion dans la prison de Rebbibia
Le pape au milieu des prisonniers
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La prison de Rebbibia, a été aujourd’hui le théâtre d’une rencontre historique entre 300 détenus et le pape Benoît XVI. Une rencontre intense, où le pape a répondu à des questions de détenus et s’est dit « ému de l’amitié » qu’il percevait parmi eux.
La rencontre s’est passée ce dimanche matin 18 décembre 2011, en l’église de la prison, où les prisonniers ont réservé à Benoît XVI un accueil enthousiaste, appuyé par des avalanches de standing ovations.
Benoît XVI est arrivé en voiture à 10h ce matin, et a été accueilli dès son arrivée par Mme Paola Severino, ministre de la justice italienne.
Devant l’église du Notre Père, le pape s’est retourné pour saluer le personnel administratif, les journalistes et la haie de gardes pénitenciers en grand uniforme qui l’attendaient.
Le pape a ensuite franchi les larges marches d’escalier qui conduisaient à l’église. Lorsqu’il est entré, les 300 détenus qui l’attendaient sur les bancs se sont levés pour la première standing ovation. C’était à qui parviendrait à serrer la main de Benoît XVI. De nombreux détenus lui baisaient les mains avec ferveur, respectueusement. Certains le tiraient même à eux avec enthousiasme. Les applaudissements ne s’arrêtaient plus. L’émotion était palpable.
Benoît XVI est allé s’asseoir sur un fauteuil blanc installé devant l’autel. Les détenus l’ont à nouveau longuement applaudi jusqu’à ce qu’on les invite à s’asseoir.
La cérémonie a été d’abord introduite par la ministre de la justice, qui s’est dite « profondément touchée » de cette visite du pape qui est un « motif de réflexion renouvelée sur la situation carcérale » et sur « les conditions de vie des détenus ».
La ministre s’est dite également « consciente des terribles conditions des personnes incarcérées », dans un « monde de souffrance, solitude, humiliation, qu’on ne doit pas oublier. »

Le père Pier Sandro Spriano, aumônier de la prison depuis 21 ans, s’est à son tour adressé au pape. Il s’exprimait en communion avec les détenus, utilisant le « nous » en leur nom. Une nouvelle standing ovation a fait suite à ses paroles conclues par un vibrant : « Nous vous aimons ».
Le pape a ensuite parlé aux détenus, exprimant « la proximité de l’Eglise » pour eux. Le public était extrêmement calme et attentif, on n’entendait pas un bruit dans la chapelle.
A la fin du discours, l’assemblée, sans se lasser, s’est à nouveau levée pour applaudir. Sept prisonniers se sont succédé pour poser des questions au pape, qui y a répondu spontanément, sans lire de texte.
Le premier prisonnier, Rocco, visiblement impressionné, a remercié le pape au nom de tous. « Je suis ému de cette amitié, que je sens chez vous tous », a répondu le pape, affirmant qu’il pensait « souvent » à eux. 

Le deuxième, Omar, de type africain, voulait demander au pape « un million de choses » mais l’émotion lui a fait tout oublier, sinon sa reconnaissance. Omar a terminé en lançant au pape un « je t’aime ! » d’une voix chargée d’émotion. « Moi aussi je t’aime » a répondu le pape tout aussi naturellement.
Alberto, le troisième, a demandé au pape de pouvoir rentrer dans sa famille pour voir sa fille Gaia, bébé d’un mois, affirmant les yeux brillants : « Je suis maintenant un homme nouveau ». Il a montré au pape la photo de sa famille, avec une simplicité déroutante. Le pape l’a alors « félicité », l’assurant de ses prières pour qu’il puisse un jour être avec sa famille et « construire l’avenir de l’Italie ».
D’une voix marquée par la souffrance, le quatrième, Feligo, s’est exprimé au nom des malades et des séropositifs, demandant au pape de « porter leur voix là où on l’entend pas ». « On parle trop peu de nous, a-t-il ajouté, ou bien de façon féroce ». Dans son émotion, Feligo a même quitté le micro sans aller saluer le pape, mais est revenu aussitôt sur ses pas. « Nous devons supporter qu’on parle de nous de façon féroce » a répondu Benoît XVI avec un brin d’humour : « certains parlent même du pape de façon féroce », mais il faut « aller de l’avant ».
Gianni, le cinquième, n’a pas baisé les mains du pape comme les précédents, mais l’a embrassé spontanément sur les deux joues, avec effusion !
Le sixième, africain, Nwaihim a rappelé au pape son voyage au Bénin : « Vous avez vu la foi de cette nation » mais aussi « sa souffrance ». Benoît XVI a fait remarquer qu’en Afrique il y a « plus de joie et d’allégresse » que dans les pays riches où les gens sont « tous préoccupés ». A la fin de la réponse de Benoît XVI, de grosses larmes coulaient sur le visage de Nwaihim.
Le septième, Stefano, a lu une « prière de derrière les barreaux » sur des accords de harpe. De retour à sa place, sous les applaudissements enthousiastes de ses voisins, il a été embrassé chaleureusement par Nwaihim.
Les détenus et le pape ont prié ensemble le Notre Père avant la bénédiction papale.
Sur fond de chant, environ 25 personnes se sont avancées vers le pape pour le saluer et lui offrir des présents : un tableau représentant les barreaux de la prison entre lesquels se glisse la colombe de l’Eglise, de l’huile d’olive, et même un strudel, en hommage aux origines du pape, tous confectionnés par les prisonniers.
Lorsque le pape a voulu quitter l’église, tous se sont levés pour applaudir à nouveau. Tout le long de l’allée, le pape a été arrêté par les centaines de mains qui se tendaient vers lui. Il donnait sa main, saluait, souriait, écoutait quelques mots, repartait, dans une disponibilité totale. Des femmes pleuraient d’émotion sur son passage.
Tandis que Benoît XVI allait bénir un arbre planté en mémoire de sa visite, les prisonniers sortaient de l’église, dans le calme et la sérénité. Certains sortaient leurs cigarettes avec un grand sourire aux lèvres. La joie venait transfigurer leurs visages marqués par les épreuves.
Lorsque Benoît XVI est ressorti, à 11h20, tous les détenus l’attendaient dehors pour un dernier salut, contenus par le dispositif de sécurité. Le pape leur a adressé un ultime salut : « Joyeux Noël ! » au micro dans la cour, sous les ovations, et les hourrahs qui ne discontinuaient pas, avant de rentrer dans sa Mercedes noire.

Anne Kurian

     

Message pascal du Pape

Message du Saint-Père aux prisonniers de Rebibia
31 mars 2012
(Ma raduction)
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Chers frères

J'ai été heureux de savoir qu'en préparation de Pâques, vous donnerez vie, à la prison de Rebibbia, à un Chemin de Croix qui sera présidé par mon Vicaire général pour Rome, le cardinal Agostino Vallini, avec la participation des détenus, des agents pénitentiaires et de groupes de fidèles de différentes paroisses de la ville.
Je me sens particulièrement proche de cette initiative, parce que le souvenir de la visite que j'ai faite à la prison de Rebibbia peu de temps avant Noël dernier est toujours vivant dans mon cœur; je me souviens des visages que j'ai rencontrés et des paroles que j'ai entendues, et qui ont laissé une trace profonde sur moi. C'est pourquoi je m'unis spirituellement à votre prière, et peux ainsi donner continuité à ma présence parmi vous, et de cela, je remercie en particulier vos aumôniers.

Je sais que ce Chemin de Croix veut aussi être un signe de réconciliation.
En fait, comme l'a dit l'un des détenus lors de notre rencontre, la prison sert à se relever après être tombé, pour se réconcilier avec soi-même, avec les autres et avec Dieu, et pouvoir ensuite retourner à nouveau dans la société. Quand, dans le Chemin de Croix, nous voyons Jésus, qui tombe à terre - une fois, deux fois, trois fois - nous comprenons qu'Il a partagé notre condition humaine, le poids de nos péchés le fait tomber; mais par trois fois, Jésus s'est relevé et a poursuivi le chemin vers le Calvaire; et de même, avec son aide, nous pouvons nous aussi nous relever de nos chutes, et peut-être aider un autre, un frère, à se relever.

Mais qu'est-ce qui a donné à Jésus la force de continuer?
C'était la certitude que le Père était avec lui. Même si dans son cœur, il y avait toute l'amertume de l'abandon, Jésus savait que le Père l'aimait, et justement cet amour immense, cette infinie miséricorde du Père céleste le consolait et était plus grande que la violence et les outrages qui l'entouraient. Même si tous le méprisaient et ne le traitaient plus comme un homme, Jésus, dans son cœur, avait toujours la ferme certitude d'être son fils, le Fils bien-aimé de Dieu le Père.

Ceci, chers amis, est le grand don que Jésus nous a fait avec son Chemin de Croix: il nous a révèlé que Dieu est amour infini, est miséricorde, et porte au plus profond tout le poids de nos péchés, afin que nous puissions nous relever et nous réconcilier et retrouver la paix. Nous aussi, alors, nous n'avons pas peur de parcourir notre "Chemin de Croix", de porter notre croix avec Jésus. Il est avec nous. Et avec nous, il y a aussi Marie, sa mère et la nôtre. Elle reste fidèle même au pied de notre croix, et prie pour notre résurrection, parce qu'elle croit fermement que, même dans la nuit la plus sombre, le dernier mot est la lumière de l'amour de Dieu.

Avec cette espérance fondée sur la foi, je souhaite à chacun d'entre vous de vivre la prochaine Pâque dans la paix et dans la joie que le Christ nous a achetés par son sang, et avec une grande affection, je vous donne la Bénédiction apostolique, l'étendant de tout coeur à vos familles et à vos proches.

Du Vatican, le 22 Mars 2012
Benedictus PP. XVI

     

Le témoignage dun ministre

Paola Severino, ministre de la justice du gouvernement Monti, qui avait accueilli le Saint-Père dans la prison romaine de Rebibbia, apporte son témoignage au lendemain de la démission de Benoît .

Cette lumière sur les visages des détenus
Il Messagero, 28 février 2013
Paola Severino (ma traduction)
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J'ai eu la chance de rencontrer le pape Benoît XVI au début de mon mandat en tant que ministre de la Justice, et la rencontre a profondément marqué le chemin que j'ai parcouru dans les mois suivants et que je vais continuer à parcourir jusqu'à la fin de mon mandat.
Tous ceux qui étaient à Rebibbia en ce jour de Décembre ne pourront jamais oublier les sentiments profonds qui ont accompagné la visite, et tous ceux qui ont suivi l'événement à, travers les médias continuent à me demander: mais si nous avons été tellement émus en voyant et en entendant ce qui se passait dans l'église de la prison, qu'avez-vous éprouvé, vous qui étiez plongés dans cette foule de personnes en souffrance, mais en même temps, confiantes?

Il n'est pas facile de donner une réponse qui ne semble pas rhétorique, mais je pense qu'il est juste de le faire - précisément le jour de la résignation - pour souligner le profil d'un pape qui est apparu à beaucoup davantage en sa qualité de théologien qu'en celle de pasteur d'âmes (ndt: toujours le tragique malentendu qui court en fil rouge tout au long du pontificat).

Nous étions entourés par des personnes accusées ou reconnues coupables de délits graves, mais nous ne nous en apercevions pas; nous étions avec des délinquants, parfois dangereux, mais nous ne nous sommes jamais sentis en danger; nous étions parmi des gens simples, mais qui ont su exprimer leur douleur et leurs espoirs avec la maturité de ceux qui ont construit leurculture dans une cellule; nous étions avec un professeur de théologie qui a su répondre, sans aucune mise en scène préparée à l'avance, aux questions des détenus, dans un langage compréhensible à tous, et capable d'apporter un soulagement aux nombreuses personnes qui lui demandaient la raison de souffrances et d'injustice sans fin, dans la prison et au-delà.

Difficile de réfréner une émotion et un transport humain qui nous liaient d'un lien profond, qui pour moi ne s'est plus rompu, à cette humanité souffrante.
Impossible de ne pas percevoir, chez un Pape qui a souvent été considéré comme un intellectuel froid, la chaleur d'un homme bien conscient de la nécessité et de la possibilité de traduire le message de l'Evangile dans un message aux gens ordinaires (ndt: même remarque).
Difficile de ne pas comprendre que ces hommes et ces femmes que la société a dû éloigner et priver de leur liberté n'attendent qu'un signal, un moyen pour être accueillis à nouveau dans la société après avoir purgé leur peine.

Il est clair que dans cette rencontre se traçaient deux chemins différents, mais parallèles: celui de l'autorité religieuse, qui apporte le réconfort de la foi; et celui de l'autorité laïque, qui apporte le réconfort de la légalité. Dans les deux cas, la ferme conviction que le rachat d'une part, et la re-socialisation de l'autre, représentent le seul moyen de conjurer la possibilité de rechute dans le crime et de la réduire à ces proportions minimes que des études récentes ont montrées.

Plusieurs fois, après la rencontre, j'ai pensé au singulier parallèlisme entre ce que j'ai vu dans ce lieu palpitant d'émotions et de sentiments, et ce qui est représenté sur les murs de la froide et rigoureuse salle de la Via Arenula (ndt: siège du Ministère de la Justice, à Rome), destinée au bureau du ministre de la Justice.
La scène de la rencontre entre l'Église et l'État, peinte à l'occasion des pactes du Latran, avec le ton épique et célébratif typique de l'époque, est à comparer avec notre rencontre dans la prison, qui s'est développée avec les tons simples et vrais de qui parle avec le cœur. Dans les deux représentations, bien que de manière différente, on pouvait pourtant entrevoir un chemin très convergent, entre l'Etat qui prend en charge les besoins du détenu, essayant de le rééduquer, et l'Église qui en soutient l'esprit, essayant de l'éloigner de la voie du péché. Sans surprise, dans le discours du Pape, il a été fait plusieurs références à notre gouvernement, et des concepts laïcs et religieux ont fusionné dans un cadre unique, tel que ceux d'«aider à se retrouver soi-même, dans la réconciliation avec soi-même, avec les autres, avec Dieu, afin de revenir dans la société et contribuer à l'avancement de la société».

Dans ce contexte, il n'y avait pas de place pour des interventions solennelles ou célébratives.
Le choix, de ma part, de ne pas prononcer un discours officiel, mais de lire la lettre de «mon premier détenu» retrouvée dans une poche, le jour même où je m'apprêtais à écrire le texte, m'a semblé si naturel et a été si profondément compris et partagé, que j'ai pensé que c'était le seul moyen de communiquer de manière directe les sentiments et les émotions que nous avions tous en commun.

Encore plus direct et inattendu, le choix de Benoît XVI de répondre aux questions des prisonniers avec des concepts simples et compréhensibles, mais non moins profonds, non moins médités, non moins inspirés à de profondes valeurs théologiques et philosophiques.
Quand un détenu du Bénin lui a demandé «pourquoi dans mon pays, parmi les plus pauvres du monde, en dépit de la foi et l'amour en Jésus, les gens meurent-ils de la pauvreté et de la violence? Peut-être que Dieu entend seulements les riches et les puissants qui n'ont pas la foi?», je me suis demandée à mon tour, «mais il y a une réponse adéquate à une question si difficile?».
Et la réponse est venue forte, claire, convaincante, droit au cœur et à l'esprit, en dépit de sa complexité théologique: dans un pays qui souffre comme l'Afrique, «j'ai vu la joie et l'allégresse plus que dans les pays riches comme l'Europe, où la masse des choses que nous avons nous éloignent de plus en plus du vrai sens de la vie».

Aujourd'hui que le pape renonce à son mandat, nous laissant comme il a été écrit dans un très bel éditorial le souvenir d'une «fragile grandeur», me passent devant les yeux les visages des milliers de détenus que j'ai rencontrés au cours des mois suivants et la lumière d'espoir qui paraissait chez chacun en se rappelant de la visite de Rebibbia.

C'est pourquoi, aujourd'hui, alors que s'intensifient les polémiques et les interrogations sur le sens de son choix, j'ai voulu me souvenir de lui pour ses grandes qualités humaines et spirituelles et pour le réconfort qu'il a apporté à une partie faible et souffrante de l'humanité.