Accueil

Le Pasteur bavarde familièrement avec ses prêtres

Benoît XVI, bien sûr! C'était en juillet 2005, lors de la devenue traditionnelle rencontre avec les prêtres du diocèse où il se rendait pour de brèves vacances. Tous les sujets de préoccuption étaient abordés sans tabou (21/9/2013)

S'il n'existe pas de forces morales dans les âmes, ni la disponibilité à souffrir également pour ces valeurs, on ne construit pas un monde meilleur, au contraire, le monde empire chaque jour, l'égoïsme domine et détruit tout.

Quinze jours de repos très relatif qu'il se concédait lors de "somptueux" séjours dans un minuscule chalet de montagne. Nous en avons déjà parlé.
En réalité, il sacrifiait de larges plages horaires à la rencontre avec les autres.
Témoin cette très longue causerie (le mot discours est malvenu, car il implique une dose de solennité), sans doute préparée, mais prononcée entièrement a braccio le 25 juillet 2005 dans l'Eglise paroissiale d'Introd, avant de répondre aux questions des prêtres.

Le ton est celui de la bienveillance paternelle (et surtout pas "paternaliste", ce vilain mot forgé pour caricaturer toute autorité naturelle, qu'elle vienne du Roi, du Pape, ou du patron): familèrement, mais respectueusement, de sa part aussi, sans aucune trace de "familiarité" déplacée .
Les réflexions de Benoît XVI me semblent prendre une réonnance particulière précisément aujourd'hui.

Je n'ai pas reproduit les questions/réponses, que l'on peut lire sur le site du Vatican.
Il m'étonnerait beaucoup que nous n'ayions pas l'occasion d'y revenir!

     

Votre Excellence,
Chers frères!

Je voudrais tout d'abord exprimer ma joie et ma gratitude pour l'opportunité qui m'est offerte de vous rencontrer.

En tant que Pape, il existe le danger d'être un peu éloigné de la vie réelle de chaque jour, et surtout de celle des prêtres qui travaillent en première ligne, précisément dans la Vallée, dans de nombreuses paroisses et à présent, comme l'a dit votre Evêque, en raison du manque de vocations ainsi que des conditions de difficulté physique particulièrement dures.

Ainsi, c'est pour moi une grâce que de pouvoir rencontrer dans cette belle église les prêtres et le presbyterium de cette Vallée. Et je voudrais vous remercier d'être venus: vous êtes en effet vous aussi en période de vacances.
Vous voir réunis, et me voir ainsi uni à vous, être proche des prêtres qui travaillent jour après jour pour le Seigneur, comme les semeurs de la Parole, est pour moi un réconfort et une joie. La semaine dernière, nous avons entendu deux fois, trois fois, il me semble, cette parabole du semeur (ndlr: un thème qui lui est cher) qui est déjà une parabole apportant le réconfort dans une situation différente, mais dans un certain sens aussi semblable à la nôtre.

Le travail du Seigneur avait commencé avec un grand enthousiasme. On voyait que les malades étaient guéris, tous écoutaient avec joie la parole: "Le Royaume de Dieu est proche". Il semblait vraiment que la transformation du monde et l'avènement du Royaume de Dieu devaient être imminents; que, finalement, la tristesse du peuple de Dieu allait se transformer en joie. On était dans l'attente d'un messager de Dieu qui devait prendre en main les rênes de l'histoire.

Mais on vit ensuite que, certes, les malades étaient guéris, les démons avaient été expulsés, l'Evangile était annoncé, mais que, pour le reste, le monde restait comme il était. Rien ne changeait. Les romains dominaient encore. La vie de chaque jour était difficile, malgré ces signes, ces belles paroles. Et ainsi, l'enthousiasme s'éteignait peu à peu et, à la fin, comme nous le rapporte le sixième chapitre de Jean, les disciples abandonnèrent eux aussi ce Prédicateur qui prêchait, mais qui ne changeait pas le monde.

Qu'est-ce que ce message? Qu'est-ce qu'apporte ce Prophète de Dieu? se demandent-ils tous en fin de compte. Le Seigneur parle du semeur qui sème dans le champ du monde. Et la semence semble comme sa Parole, comme ces guérisons, une chose vraiment petite par rapport à la réalité historique et politique. De même que la semence est petite, négligeable, sa Parole l'est aussi.

Toutefois, dit-il, dans la semence l'avenir est présent, car la semence contient en elle le pain de demain, la vie de demain. La semence ne semble presque rien, toutefois, la semence est la présence de l'avenir, elle est la promesse déjà présente aujourd'hui. Et ainsi, à travers cette parabole, il dit: nous sommes à l'époque des semailles, la Parole de Dieu ne semble que parole, presque rien. Mais ayez du courage, cette Parole contient la vie en elle! Elle porte du fruit! La parabole dit aussi qu'une grande partie de la semence ne porte pas de fruit car elle est tombée sur la route, sur la terre caillouteuse, etc. Mais la partie qui est tombée dans une bonne terre produit trente, soixante, cent fois plus.

Cela nous fait comprendre que nous devons être courageux même si la Parole de Dieu, le Royaume de Dieu, semble sans importance historique et politique. A la fin, Jésus, lors du Dimanche des Rameaux, a comme résumé tous ces enseignements sur la semence de la Parole: si le grain de blé ne tombe pas en terre et ne meurt, il reste seul, s'il tombe en terre et meurt, il porte des fruits abondants. Et ainsi, il a fait comprendre qu'Il est lui-même le grain de blé qui tombe en terre et meurt. Lors de la crucifixion, tout semble perdu, mais précisément ainsi, en tombant en terre, en mourant, sur la Voie de la Croix, il porte du fruit pour chaque époque, pour toutes les époques. Nous avons ici la finalisation christologique, selon laquelle le Christ lui-même est la semence, est le Royaume présent, ainsi que la dimension eucharistique: ce grain de blé tombe en terre et ainsi, le nouveau Pain grandit, le Pain de la vie future, la Sainte Eucharistie qui nous nourrit et qui s'ouvre aux mystères divins, pour la vie nouvelle.

Il me semble que dans l'histoire de l'Eglise, sous des formes différentes, sont toujours présentes ces questions qui nous tourmentent réellement: que faire? Les gens semblent ne pas avoir besoin de nous, tout ce que nous faisons semble inutile. Toutefois, nous apprenons de la Parole du Seigneur que seule cette semence transforme toujours à nouveau la terre et l'ouvre à la vraie vie.

Je voudrais, le plus brièvement possible, répondre aux paroles de votre Evêque, mais je voudrais également dire que le Pape n'est pas un oracle, il est infaillible dans des situations très rares, comme nous le savons. Je partage donc avec vous ces questions. Je souffre moi aussi. Mais tous ensemble, nous voulons, d'une part, souffrir sur ces problèmes et également, tout en souffrant, transformer les problèmes; car la souffrance est précisément la voie de la transformation et sans souffrance, on ne transforme rien.

Tel est également le sens de la parabole du grain de blé tombé en terre: ce n'est qu'à travers un processus de transformation dans la souffrance que l'on parvient au fruit et qu'apparaît la solution. Et si, pour nous, l'inefficacité apparente de notre prédication ne constituait pas une souffrance, cela serait un signe de manque de foi, de manque d'engagement véritable. Nous devons avoir à coeur ces difficultés de notre temps et les transformer en souffrant avec le Christ et nous transformer ainsi nous-mêmes. Et dans la mesure ou nous sommes nous-mêmes transformés, nous pouvons également répondre à la question posée plus haut, nous pouvons également voir la présence du Royaume de Dieu et la faire voir aux autres.

* * *

>>> Le premier point est un problème qui se pose à tout le monde occidental: le manque de vocations. J'ai reçu, ces dernières semaines, les visites "ad limina" des Evêques du Sri Lanka et de la région du Sud de l'Afrique. Là-bas, les vocations augmentent, elles sont même si nombreuses qu'ils ne réussissent pas à construire assez de séminaires pour accueillir tous ces jeunes qui veulent devenir prêtres. Naturellement cette joie est également accompagnée par une certaine amertume, car une partie d'entre eux au moins vient dans l'espérance d'une promotion sociale. En devenant prêtres, ils deviennent presque les chefs de la tribu, ils sont naturellement privilégiés, ils ont une autre forme de vie, etc. L'ivraie et le bon grain vont donc de pair dans cette belle croissance des vocations et les évêques doivent être très attentifs dans leur discernement et ne pas être simplement contents d'avoir de nombreux futurs prêtres, mais voir quelles sont réellement les vocations véritables, discerner le bon grain de l'ivraie.

Il y a toutefois un certain enthousiasme de la foi, car ils se trouvent à une heure cruciale de l'histoire, c'est-à-dire à l'heure où les religions traditionnelles ne se révèlent plus suffisantes de manière évidente. Et l'on comprend, l'on voit que ces religions traditionnelles contiennent en elles une promesse, mais elles attendent quelque chose. Elles attendent une nouvelle réponse qui purifie et, disons, assume en elles tout ce qui est beau et libère certains aspects insuffisants et négatifs. En ce temps de passage, où leur culture tend réellement vers une heure nouvelle de l'histoire, les deux propositions - christianisme et islam - sont les réponses historiques possibles.

C'est pourquoi on constate dans ces pays, en un certain sens, un printemps de la foi, mais naturellement dans le contexte de la concurrence entre ces deux réponses, en particulier dans le contexte de la souffrance due aux sectes, qui se présentent comme la meilleure réponse chrétienne, plus facile, plus accommodante. Ainsi, même en un temps historique de promesse, à un moment de printemps, l'engagement de celui qui doit avec le Christ semer la Parole et, disons-le, construire l'Eglise, reste difficile.

La situation dans le monde occidental est différente, car il s'agit d'un monde las de sa propre culture, un monde arrivé au moment où la nécessité de Dieu n'apparaît plus de façon évidente, moins encore celle du Christ, et dans lequel il semble donc que l'homme lui-même pourrait se construire tout seul. Dans ce climat d'un rationalisme qui se ferme sur lui-même, qui considère le modèle de la science comme l'unique modèle de connaissance, tout le reste est subjectif. La vie chrétienne devient elle aussi naturellement un choix subjectif, donc arbitraire, et elle n'est plus le chemin de la vie. Il devient donc évidemment difficile de croire, et s'il est difficile de croire, il est d'autant plus difficile d'offrir sa vie au Seigneur pour être son serviteur.

Il s'agit certainement d'une souffrance qui appartient, je dirais, à notre époque historique, dans laquelle on voit généralement que ce qu'on appelle les grandes Eglises apparaissent mourantes. C'est le cas en Australie notamment, même en Europe, un peu moins aux Etats-Unis.

En revanche, se développent les sectes qui se présentent avec la certitude d'un minimum de foi, et l'homme recherche les certitudes. Les grandes Eglises, surtout les grandes Eglises traditionnelles protestantes, traversent véritablement une crise très profonde. Les sectes l'ont emporté parce qu'elles apparaissent avec des certitudes simples, peu nombreuses, et elles disent: cela est suffisant.

L'Eglise catholique ne va pas aussi mal que les grandes Eglises protestantes historiques, mais elle partage évidemment le problème de notre moment historique. Je pense qu'il n'existe pas de système pour un changement rapide. Nous devons avancer, sortir de cette galerie, de ce tunnel, avec patience, dans la certitude que le Christ est la réponse et qu'à la fin apparaîtra à nouveau sa lumière.

La première réponse est alors la patience, dans la certitude que le monde ne peut pas vivre sans Dieu, le Dieu de la Révélation - pas n'importe quel Dieu: nous voyons à quel point peut être dangereux un Dieu cruel, un Dieu qui n'est pas véritable -, le Dieu qui a montré son Visage en Jésus Christ. Ce Visage qui a souffert pour nous, ce Visage d'amour qui transforme le monde à la façon du grain de blé tombé en terre.

Il faut donc que nous ayons nous-mêmes cette très profonde certitude que le Christ est la réponse et que sans le Dieu concret, le Dieu au Visage du Christ, le monde s'autodétruit. L'évidence grandit également qu'un rationalisme obtus, qui pense que l'homme pourrait tout seul reconstruire un monde véritablement meilleur, n'est pas possible. Au contraire, s'il n'y a pas la mesure du vrai Dieu, l'homme s'autodétruit. Nous le voyons de nos yeux.

Nous devons avoir nous-mêmes une certitude renouvelée: Il est la Vérité et ce n'est qu'en marchant sur ses traces que nous allons dans la juste direction, et nous devons marcher et guider les autres dans cette direction.

Le premier point de ma réponse est: dans toute cette souffrance, il faut non seulement ne pas perdre la certitude que le Christ est réellement le Visage de Dieu, mais approfondir cette certitude et la joie de La connaître et d'être ainsi réellement les ministres de l'avenir du monde, de l'avenir de chaque homme. Et il faut approfondir cette certitude dans une relation personnelle et profonde avec le Seigneur. Car la certitude peut également s'accroître à travers des considérations rationnelles. Il me semble vraiment très important d'effectuer une réflexion sincère qui convainc également rationnellement, mais qui devient personnelle, forte et exigeante en vertu d'une amitié vécue personnellement chaque jour avec le Christ.

La certitude exige donc cette personnalisation de notre foi, de notre amitié avec le Seigneur, c'est ainsi qu'augmentent également les nouvelles vocations. Nous le voyons dans la nouvelle génération qui a suivi la grande crise du conflit culturel qui s'est déchaîné en 1968, alors que l'ère historique du christianisme semblait réellement dépassée. Nous voyons que les promesses de 68 n'ont pas tenu et que renaît, disons, la conscience qu'il existe une autre voie plus complexe, exigeant la transformation de notre coeur, mais plus véritable; ainsi naissent également de nouvelles vocations. Nous devons nous-mêmes avoir de l'imagination pour aider les jeunes à trouver cette route, également à l'avenir. Cela apparaissait aussi de façon évidente dans le dialogue avec les Evêques africains. Malgré le nombre de prêtres, beaucoup sont condamnés à une terrible solitude et moralement, un grand nombre ne survit pas.

Il est donc important d'avoir autour de soi la réalité du presbyterium, de la communauté de prêtres qui s'aident, qui marchent ensemble sur un chemin commun, dans une solidarité dans la foi commune. Cela aussi me semble important, car si les jeunes voient des prêtres très isolés, tristes, fatigués, ils penseront: si tel est mon avenir, alors je n'y arriverai pas. On doit réellement créer cette communion de vie qui démontre aux jeunes: oui, cela peut être un avenir également pour moi, on peut vivre ainsi.

* * *

>>> J'ai été trop long (!!!).
En ce qui concerne le deuxième point, même si ce n'est qu'en partie, il me semble l'avoir déjà abordé.

C'est vrai: aux personnes, surtout aux responsables du monde, l'Eglise apparaît comme quelque chose de dépassé, et nos propositions comme n'étant pas nécessaires. Ils se comportent comme s'ils pouvaient, comme s'ils voulaient vivre sans notre parole et ils pensent toujours qu'ils n'ont pas besoin de nous. Ils ne cherchent pas notre parole.

Cela est vrai et nous fait souffrir, mais cela fait également partie de la situation historique d'une certaine vision anthropologique, selon laquelle l'homme doit faire les choses comme Karl Marx l'avait dit: l'Eglise a eu 1800 ans pour montrer qu'elle pouvait changer le monde et elle n'a rien fait, maintenant nous le ferons seuls.

Il s'agit d'une idée très répandue et également étayée par des philosophies; on comprend ainsi l'impression d'un aussi grand nombre de personnes pensant pouvoir vivre sans l'Eglise, qui apparaît comme quelque chose du passé. Mais il apparaît également toujours plus que seules les valeurs morales et les convictions fortes donnent la possibilité, même au prix de certains sacrifices, de vivre et de construire le monde. On ne peut pas construire de manière mécanique comme l'avait proposé Karl Marx avec la théorie du capital et de la propriété, etc.

S'il n'existe pas de forces morales dans les âmes, ni la disponibilité à souffrir également pour ces valeurs, on ne construit pas un monde meilleur, au contraire, le monde empire chaque jour, l'égoïsme domine et détruit tout. En voyant cela, on se pose à nouveau la question: mais d'où viennent les forces qui nous rendent capables de souffrir également pour le bien, de souffrir pour le bien qui me fait tout d'abord mal personnellement, qui n'a pas d'utilité immédiate? Où sont les ressources, les sources? D'où vient la force de promouvoir ces valeurs?

On voit que la moralité en tant que telle ne vit pas, n'est pas efficace si elle n'a pas un fondement plus profond dans des convictions qui donnent réellement des certitudes et qui donnent aussi la force de souffrir car, dans le même temps, elles font partie d'un amour, un amour qui grandit dans la souffrance et qui est la substance de la vie. A la fin, en effet, seul l'amour nous fait vivre et l'amour est toujours également souffrance: il mûrit dans la souffrance et donne la force de souffrir pour le bien sans tenir compte de sa propre personne en ce moment actuel.

Il me semble que cette conscience grandit, car on voit déjà les effets d'une condition où n'existent pas les forces qui proviennent d'un amour qui est la substance de ma vie et qui me donne la force de mener la lutte pour le bien. Ici aussi, nous avons naturellement besoin de patience, mais d'une patience active, au sens où il faut faire comprendre aux gens: vous avez besoin de cela.

Et même s'ils ne se convertissent pas tout de suite, ils s'approchent au moins du cercle de ceux qui, dans l'Eglise, ont cette force intérieure. L'Eglise a toujours eu en son sein ce groupe fort intérieurement, qui porte réellement la force de la foi, ainsi que des personnes qui en quelque sorte s'y accrochent, se laissent porter et participent ainsi.

Je pense à la parabole du Seigneur à propos du minuscule grain de sénevé qui devient ensuite un arbre si grand que même les oiseaux du ciel y trouvent refuge. Et je dirais que ces oiseaux peuvent représenter les personnes qui ne se convertissent pas encore, mais qui se posent au moins sur l'arbre de l'Eglise. J'ai fait cette réflexion: à l'époque des lumières, l'époque où la foi était divisée entre catholiques et protestants, on pensa qu'il fallait conserver les valeurs morales communes en leur donnant un fondement suffisant. On pensa: nous devons rendre les valeurs morales indépendantes des confessions religieuses, de façon à ce qu'elles existent "etsi Deus non daretur".
Aujourd'hui, nous sommes dans la situation contraire, la situation s'est inversée. Les valeurs morales ne sont plus évidentes. Elles ne deviennent évidentes que si Dieu existe. J'ai donc suggéré que les laïcs, ceux que l'on appelle les laïcs, devraient réfléchir pour savoir si, pour eux, le contraire n'est pas valable aujourd'hui: nous devons vivre "quasi Deus daretur", même si nous n'avons pas la force de croire, nous devons vivre sur cette hypothèse, autrement, le monde ne fonctionne pas. Ce serait là, il me semble, un premier pas pour s'approcher de la foi. Et je vois lors de nombreuses rencontres que, grâce à Dieu, le dialogue avec une partie du monde laïc, au moins, se développe.

>>> Troisième point: la situation des prêtres qui sont devenus peu nombreux et qui doivent travailler dans trois, quatre, et parfois même cinq paroisses, et qui sont épuisés. Je pense que l'Evêque, avec son presbyterium, cherche quels seraient les meilleurs moyens. Lorsque j'étais Archevêque de Munich, le modèle avait été créé de célébrations de la Parole uniquement, sans prêtre, pour, disons, garder la communauté présente dans son Eglise. Et il fut dit: chaque communauté demeure et là où il n'y a pas de prêtre, célébrons cette liturgie de la Parole.

Les français les ont définies comme des Assemblées dominicales "en l'absence de prêtre" et, au bout d'un certain temps, ils ont compris que cela peut également mal tourner, car l'on perd le sens du Sacrement, on se trouve face à une protestantisation et, à la fin, s'il n'y a que la Parole, je peux aussi bien la célébrer chez moi.

Je me rappelle, quand j'étais professeur à Tübingen, du grand exégète Kelemann, je ne sais pas si vous connaissez son nom, élève de Bultmann, qui était un grand théologien. Bien que protestant convaincu, il n'est jamais allé à l'église. Il disait: je peux aussi bien méditer les Saintes Ecritures chez moi.

Les français ont un peu transformé cette formule d'Assemblée dominicale "en l'absence de prêtre" en Assemblée dominicale "en attente du prêtre". C'est-à-dire qu'il doit s'agir d'une attente du prêtre et je dirais que, normalement, la Liturgie de la Parole devrait être l'exception d'un dimanche, car le Seigneur veut être présent avec son Corps. Il ne peut s'agir ici d'une solution.

Le dimanche a été créé car le Seigneur est ressuscité et est entré dans la communauté des apôtres pour être avec eux. Ils ont alors compris que le samedi n'est plus le jour liturgique, mais qu'il s'agit du dimanche où le Seigneur veut toujours à nouveau être physiquement avec nous, et nous nourrir de son Corps, pour que nous devenions nous-mêmes son corps dans le monde.

Il faut trouver la façon d'offrir à de nombreuses personnes de bonne volonté cette possibilité: à présent, je n'ose pas donner de solutions. A Munich, j'ai toujours dit, mais je ne connais pas la situation qui est certainement un peu différente ici, que notre population est incroyablement mobile, flexible. Les jeunes font plus de cinquante kilomètres pour aller dans une discothèque, pourquoi ne peuvent-ils pas faire aussi cinq kilomètres pour aller dans une église commune? Mais voilà, il s'agit là d'une chose très concrète, pratique, et je n'ose pas donner de solutions. Mais si on devait chercher à transmettre un sentiment à la population, ce serait le suivant: j'ai besoin d'être avec l'Eglise, d'être avec l'Eglise vivante et avec le Seigneur!