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Benoît XVI, un révolutionnaire?

'Dans un monde où les mots «père» et «mère» sont virtualisés et dépouillés de leur sens traditionnel, le choix solitaire de Benoît XVI a été le geste le plus révolutionnaire de notre histoire récente. Et nous ne pouvons pas l'oublier'. Une réflexion issue du blog collectif de jeunes italiens "L'intellectuel dissident". (26/12/203)

Article en italien: www.lintellettualedissidente.it/il-piu-grande-rivoluzionario-della-storia-contemporanea/

Le plus grand révolutionnaire de l'histoire contemporaine
Francesco Boezi
www.lintellettualedissidente.it
19/12/2013
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La télévision, les médias, comme on dit, ont déjà oublié. Ils ne s'intéressent qu'à ce que le pape émérite fait aujourd'hui dans ses pièces privées, à ceux qui lui rendent visite, à ce qu'il mange, s'il est plus ou moins proche de la mort. Personne ne se soucie plus de sa parole. Cette force du passé, Joseph Ratzinger, a cessé de parler et ainsi, tout le monde a cessé de s'interroger sur le sens de ses paroles. La modernité n'a pas de temps à consacrer à un homme qui reste dans le silence. Joseph Ratzinger n'est plus considéré que comme l'ombre d'une existence plus ancienne, passée, dépassée. Un intellectuel agenouillé pour prier ne fait pas les manchettes. On ne conserve son image, comme celle d'un rescapé, que dans l'arrière boutique de quelque kiosque vendant des calendriers du Vatican.

Mais Benoît XVI n'a pas adoré les cendres pour maintenir la tradition vivante, non, il a conservé le feu.
Dans un monde où les mots «père» et «mère» sont virtualisés et dépouillés de leur sens traditionnel, le choix solitaire de Benoît XVI a été le geste le plus révolutionnaire de notre histoire récente. Et nous ne pouvons pas l'oublier.
En cet «hiver de l'humanité» dans lequel nous vivons, relire ses livres, ses encycliques, ses pensées, sera toujours un bouclier pour se défendre contre ceux qui, avec une bonne dose de violence, d'idéologie totalitaire et de rage sociale continuent leur tentative de déconstruire la société à coups de laïcité et de relativisme. Ennemis déclarés de l'homme. Ratzinger voulait que les gens, avant d'aller dormir, fasse leur examen de conscience, comme nous l'avons appris par nos grands-mères. Il agissait complètement hors de l'histoire, bien sûr. Personne ne fait plus d'examen de conscience, personne ne remercie plus Dieu pour quoi que ce soit.

Il semble même que l'humanité soit de plus en plus lasse d'un Dieu exclusivement pensé: comment aurait-elle pu ne pas se lasser d'un homme qui ne faisait que penser à Dieu? Mais la recherche de l'absolu ne finira jamais parce que le concept de Dieu est le seul qui échappe aux cycles mortels de la création et ainsi, tout comme Benoît l'affirme dans «Al cuore della fede» (1) la question sur sa propre existence implique toujours une autre question sur la présence ou l'absence d'une origine. Postuler que Dieu n'existe pas implique de s'être auparavant demandé si Dieu existe ou non. La présence ontologiquement obligatoire de cette question devrait nous faire tous réfléchir. Ce qui anime les citoyens de la modernité semble, au contraire, être, une faim de reconnaissance affective que Benoît XVI n'a pas toujours pu satisfaire. Il n'avait pas et n'a pas une image rassurante de prophète du buonisme médiatique.

Il n'appréciait pas, et n'apprécie pas la musique rock et probablement n'aime-t-il pas non plus la télévision et les routes asphaltées. Il vit dans un Moyen Age (ndt: mais il faut dépouiller l'expression de sa connotation péjorative) très personnel fait de livres, de Mozart, de chats, de bibliothèque et de prières. Il donne l'idée d'un homme qui a vécu un mystère pétrinien aussi intense que douloureux, désireux de s'émouvoir seulement pour les merveilles du Seigneur, renonçant autant que possible à lui-même. Inadapté à la frénésie liquide d'un système terrestre à base de meubles Ikea, de vols low cost, d'ebooks, de smartphones, de vidéoconférence, de restauration rapide et ainsi de suite.
La séquence d'images qui nous montre Ratzinger faisant ses débuts sur Twitter, entouré par des légions de cardinaux médiatiques qui lui expliquent comment cela fonctionne, reste gravée dans la mémoire historique du christianisme. Le premier gazouillis, le premier click. Selon nous, il n'avait que faire de gazouiller, tout au au plus, il obéissait à quelqu'un qui lui avait suggéré la nécessité de le faire.
De ce jour, les bien-pensants habituels se sont amusés à l'insulter à qui mieux mieux, ayant désormais à travers les réseaux sociaux un moyen direct pour le faire.
Insultes qui se sont ajoutées à des années d'infamie envers Benoît, dépeint comme un nazi, un pédophile, un homophobe, et même une drag queen (ndt: c'est hélas vrai, et personne d'officiel n'a réagi). Oui, vous avez bien lu. La pensée faible est toujours pressée d'étiqueter négativement quiconque tente d'échapper à la logique dominante du «Dieu est mort, maintenant tout est permis».

Mais il n'y a rien de moins libre qu'une plume au vent, cela, Ratzinger nous l'a bien expliqué et c'est à nous d'essayer de comprendre, faisant un énorme effort intellectuel, la pensée de celui qui a essayé de définir la rationalité comme ce domaine où la vérité est représentée par l'amour et où l'amour tend à se présenter comme la véritable raison.

Nous avons vécu un moment extraordinaire et peut-être nous a-t-il été concédé l'honneur et la charge de pouvoir écouter en direct l'un des plus grands intellectuels de l'histoire de l'occident.

Nous aimons à penser que dans un avenir pas trop lointain du nôtre, une douzaine d'audacieux se rassembleront autour d'un feu vivant, et alors que la société sera désormais amplement sécularisée jusquà la moëlle, ce petit groupe qui sera étiqueté comme un composé de nazis, pédophiles, homophobes et drag queen, aura le courage de se regarder dans les yeux et de retrouver le sens de leur propre existence dans les pages de «Caritas in Veritate» ou de «Deus Caritas Est». Afin que l'histoire de la spiritualité occidentale continue sur d'autres jambes, il faudrait que Joseph Ratzinger ne soit pas oublié: le plus grand révolutionnaire de l'histoire contemporaine.

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(1) Livre paru en italien après le renoncemen: http://www.libreriadelsanto.it/libri/9788817067683/al-cuore-della-fede.html