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Le programme du petit Joseph Ratzinger

Dans un billet datant de décembre dernier, Andrea Gagliarducci met en perspective le dernier discours de Benoît XVI à la Curie Romaine à l'occasion de Noël, et la lettre de l'enfant Ratzinger au petit Jésus, écrite en 1934. (6/11/2013)

Lettre à l'Enfant Jésus

«Cher enfant Jésus, bientôt tu descendras sur terre. Tu apporteras de la joie aux enfants. A moi aussi tu apporteras de la joie. Je voudrais le Volks-Schott, un habit vert pour la messe et un Cœur de Jésus. Je serai toujours sage. Sincères salutations de Joseph Ratzinger».

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Dans une lettre adressée à l'enfant Jésus, l'agenda de toute la vie de Ratzinger. Que le Pape a rappelé dans son récent discours à la Curie
Andrea Gagliarducci
24 décembre 2012
http://www.mondayvatican.com
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«Cher enfant Jésus, bientôt tu vas descendre sur la terre. Tu apporteras de la joie aux enfants, et je serai joyeux, moi aussi».
C'est le début d'une lettre de Noël écrite en 1934, tel que rapporté par le site korazym.org . L'auteur était un enfant de 7 ans. Elle était écrite en Sütterlin (en allemand Sütterlinschrift), la calligraphie cursive typique de cette époque. L'auteur était Joseph Ratzinger, le pape Benoît XVI.

Que voulait le Pape, lorsqu'il avait 7 ans? «Je voudrais - écrivait-il - le Volks-Schott , un costume vert pour célébrer la Sainte Messe et un Cœur de Jésus. Je serai toujours sage. Meilleures salutations, Joseph Ratzinger».
La lettre était si spéciale que Maria - la sœur du pape, qui s'est occupée de Ratzinger jusqu'à sa mort - a décidé de la garder. La lettre a été récupéré lorsque la maison de Ratzinger à Pentling a été restaurée. La maison est aujourd'hui un musée, inauguré à la fin de l'été dernier par Georg Gaenswein, le secrétaire particulier de Benoît XVI. Gaenswein a raconté que la redécouverte de la lettre «avait rendu le pape très heureux, et l'avait fait sourire.»

Ce qui est le plus frappant, c'est que le petit Joseph ne demande pas de jouets ou de bonbons. Il demande le Schott, l'un des premiers livres (ndt: je pense au sens de "plus répandu") en allemand, avec un bréviaire et un missel (avec aussi le texte en latin). A cette époque, deux éditions étaient disponibles en Allemagne: une pour les enfants et une pour adultes.
Le petit Joseph, à travers ce livre, a commencé à aimer la liturgie qui rythmait la vie de sa famille.
Ensuite, le petit Ratzinger demande un vêtement pour célébrer la messe. Ce n'est pas surprenant, parce que les frères Ratzinger avaient l'habitude de jouer au prêtre, et leur mère leur cousait des vêtements pour cela. «Nous jouions à célébrer la messe - raconte Georg Ratzinger, le frère du pape, au mensuel américain Inside the Vatican - et nous avions des vêtement cousus pour nous par la couturière de notre mère. À tour de rôle, l'un de nous était le prêtre et l'autre l'enfant de chœur ». Enfin, le petit Ratzinger demande un «Cœur de Jésus» c'est à dire une image du Sacré-Cœur, auquel sa famille était très dévote.

C'est juste une anecdote. Mais peut-être faut-il garder cette anecdote à l'esprit lorsque Benoît XVI délivre ses discours.
A chaque fois qu'il défend la famille, il y a quelque chose des souvenirs de sa propre famille. Que c'était une famille heureuse, dont la vie était rythmée par la liturgie, et où chacun se réjouissait pour l'autre. C'était une famille dans laquelle il faisait bon vivre, parce qu'elle représentait le meilleur pour la croissance d'un enfant. Quand il est devenu théologien, Joseph Ratzinger a élargi sa réflexion sur le sens de la famille, basée sur la Sainte Famille de Nazareth. A travers l'exemple de la Sainte Famille, il a voulu expliquer pourquoi une famille «traditionnelle» était nécessaire. Cette défense de la famille a commencé sur une base strictement théologique. Mais aussi sur une base rationnelle.

Une idée que le Pape a mise au centre de son discours de Noël à la Curie romaine. Dans ce discours, le Pape revient en général sur la vie de l'Église au cours de l'année qui touche à sa fin. Comme d'habitude, le pape a volé haut. Pas de trace de Vatileaks, ni de problèmes internes: en fin de compte, ces problèmes n'ont pas vraiment d'importance, ce sont juste les petites misères de la condition humaine, comparés aux défis et à l'agenda de l'Église. Donc, Benoît XVI a mis sur la table trois questions qui ont marqué la vie de l'Eglise et qui seront à l'ordre pour les dix prochaines années: la famille, le dialogue des religions et la nouvelle évangélisation.

Le point de départ du discours du pape est la famille. Le Pape aborde le sujet à travers les arguments que le grand rabbin de France Gilles Bernheim a construit pour la défense de la famille traditionnelle (ndt: on sait malheureusement que cet épisode a été entachée d'une polémique... mais elle n'a pas atteint le Pape, pour une fois!). Bernheim a également adressé au président français François Hollande un fascicule de 25 pages, expliquant les raisons pour lesquelles lui et sa communauté sont contre les mariages «pour tous». Le Pape déclare: avant, la famille était en crise en raison d'une conception erronée de la liberté, aujourd'hui, c'est l'idée même de l'homme qui est en crise.

Cette crise a un nom spécifique: le genre. C'est un nom qui est en même temps neutre et mortel, tout comme une grande partie du nouveau «vocabulaire» promu dans les documents des Nations Unies et continuellement dénoncés par les fonctionnaires du Saint-Siège.

Le genre s'adresse à l'être humain qui met sa propre nature en question. «Il est aujourd'hui - dit le Pape, s'appuyant sur la philosophie de l'idéalisme allemand - uniquement esprit et volonté. La manipulation de la nature, que nous déplorons aujourd'hui quand notre environnement est concerné, devient maintenant le choix fondamental de l'homme quand c'est lui-même qui est concerné. Aujourd'hui, il n'y a que l'être humain abstrait, qui choisit pour lui-même ce que sa nature doit être». Si il n'y a plus de dualité, si l'être humain perd son identité, il n'y a plus de famille. «Quand la liberté d'être créatif - note Benoît XVI - devient la liberté de se créer soi-même, alors nécessairement le Créateur lui-même est nié et, finalement, l'homme aussi est dépouillé de sa dignité de créature de Dieu, d'image de Dieu dans le coeur de son être. La défense de la famille est la défense de l'homme lui-même. Et il devient clair que quand Dieu est nié, la dignité humaine disparaît également. Quiconque défend Dieu, défend l'homme. »

Défendre l'homme est la mission de l'Église et l'humanisme intégral est l'agenda international du Saint-Siège . Cet agenda est à la base du dialogue avec les États, avec les sociétés et dels religions. Pour l'Eglise - note le Pape - la mémoire est une partie d'elle-même, parce que «la culture de l’Humain, dont elle se fait la garante, est née et s’est développée à partir de la rencontre entre la révélation de Dieu et l’existence humaine. L’Église représente la mémoire de l’humain face à une civilisation de l’oubli, qui désormais connaît seulement elle-même et son propre critère de mesure. Mais, de même qu’une personne sans mémoire a perdu sa propre identité, de même une humanité sans mémoire perdrait sa propre identité» . Et Benoît XVI conclut: «Dans le dialogue avec l’État et avec la société, l’Église n’a certainement pas de solutions toute faites à chaque question. Avec les autres forces sociales, elle luttera en faveur des réponses qui correspondent le plus à la juste mesure de l’être humain».

[...]

Qu'est-ce qui constitue la bonne nouvelle, alors? Benoît XVI nous rappelle au passage de l'Evangile où André et Simon suivent Jésus. Tous deux sont en recherche, et c'est pourquoi «stimulée par l'annonce, leur recherche devient concrète».
Le pape explique ensuite que «l’annonce devient efficace là où existe dans l’homme la disponibilité docile pour s’approcher de Dieu ; là où l’homme est intérieurement en recherche et ainsi en marche vers le Seigneur». Le souhait du Pape pour Noël, qui est également l'agenda des prochaines décennies, est de mieux connaître Jésus, parce que «le fait d’aller avec lui conduit au lieu où Jésus habite, dans la communauté de l’Église, qui est son Corps. Cela signifie entrer dans la communion itinérante des catéchumènes, qui est une communion d’approfondissement et, en même temps, de vie, dans laquelle, le fait de marcher avec Jésus, nous fait devenir des personnes qui voient.»

En fin de compte, c'est le même agenda (programme) que celui du petit Ratzinger. Il a demandé un Schott comme cadeau de Noël, un livre de liturgie, pour se mettre en route avec Jésus, commençant une longue marche dans la vie, qui l'a amené à la papauté.