Accueil

Anniversaire d'une élection

20h13, mercredi 13 mars 2013. Le cardinal Tauran annonce le « Habemus Papam ». Quelques réflexions un an après (12/3/2014)

>>>Image ci-contre, et récit "en temps réel" ici.

Nous sommes presque arrivés au premier anniversaire de l'élection du «Pape venu du bout du monde», le 13 mars 2013.
Les titres de la presse sont éloquents.
Emblématique, celui d'une vaticaniste italienne Franca Giansoldati (Il Messagero): L'ANNÉE QUI A SECOUÉ L'EGLISE.

C'est à qui fera le bilan le plus flatteur d'un pontificat qui en est pourtant à ses débuts, et dont les réalisations concrètes sont à ce jour aussi modestes que les intentions incertaines... et la couverture médiatique disproportionnée.
A l'œil nu, et même si certains, à l'intérieur de l'Eglise, nous rebattent les oreilles avec la continuité, il y a bel et bien rupture: rupture évidente dans les gestes; rupture effective dans la liturgie; rupture dans le magistère devenu en quelque sorte "liquide", qui s'exprime plus volontiers à travers des prédications improvisées pour un public restreint, et surtout des interventions informelles, dans une langue souvent inventive, truffée de néologismes et d'argot argentin (un site italien parle de l'idiolecte de Bergoglio, voir aussi l'article de Magister du 29 avril 2013 ), donc ambigüe, et dans des organes de la presse la plus laïciste (l'exemple le plus frappant est le fameux "qui suis-je pour juger?"); rupture dans l'éloignement consommé avec l'Europe, avec laquelle les autre églises locales ont peut-être un compte à régler; rupture par la consultation directe des fidèles, et au-delà, pour alimenter la réflexion au sein de l'Eglise; rupture dans l'administration, avec l'entrée en force de multinationales, pour « conseiller » en termes de communication, de réformes des structures et des finances. Etc..

On pourra toujours m'objecter que tout cela n'est que surface, et n'atteint en rien le dogme. Certes, mais le rôle même du dogme (à défaut de son contenu) pourrait bien être redimensionné à la baisse.

Car si le bilan est prématuré, en bien ou en mal, les inquiétudes existent, et sont justifiées par les pressions qui s'exercent autour du prochain Synode sur la Famille, auquel le pouvoir médiatique a bien l'intention de s'inviter; et surtout par des conseillers ecclésiastiques de haut niveau du Pape qui veulent faire avancer leurs idées, donnant des gages aux plus progressistes, tout en ayant l'air de ne pas toucher à la doctrine, pour rassurer les intransigeants. Un simple tour de passe-passe (faire passer la pastorale avant la doctrine) créerait de fait une religion à la carte, inspirée par la miséricorde, qui mette au premier plan la conscience, comme un fourre-tout qui justifierait toutes les redditions à l'esprit du monde.
Car c'est le Pape lui-même qui résume son ministère avec ce mot devenu le mantra de la première année de pontificat, utilisé comme un slogan: miséricorde (qui est le titre d'un livre du cardinal Kasper qu'il a encensé lors de son premier Angelus). En somme, au nom de la miséricorde on ne touchera pas à la doctrine, mais on fera largement sans elle.

Le bilan que l'on peut tirer, en revanche, au bout d'un an, c'est la relation aux médias.
Loin de s'être atténué, l'engouement qui n'a pas cessé de m'étonner depuis un an, atteint aujourd'hui des sommets, et rien n'indique que le processus va s'interrompre.
Pour parler de la France, les gondoles d'une grande surface culturelle que j'ai observées aujourd'hui débordent: le raz-de-marée éditorial s'emballe, il tourne à l'hystérie.
A comparer avec la modeste production qui avait accompagné la première année de Benoît XVI (cf. Bibliographie sur Benoît XVI).

J'avais écrit ce petit texte il y a presque un an, le 15 mars 2013. Il ne date pas trop, il ne s'est rien passé depuis lors qui le démente formellement, même si beaucoup des partisans du Pape continuent à attendre, comme pour se rassurer, un renversement de tendance.
Le Pape n'a rien fait pour calmer l'engouement, car il a des raisons pour l'entretenir(le cardinal Kasper rappelait hier: «François a un bouclier incroyable qui le protège: l'amour des gens qui remplissent la place Saint-Pierre le dimanche», cf. La croix Kasper de Benoît XVI ) ; il s'est même adjoint à grands frais les services d'agences de Conseil et de communication externes.

Le calvaire médiatique de Benoît XVI
Derniers outrages
-----
Si l'on suit les medias (j'inclus dans ce mot les blogs, y compris cathos), avant Benoît XVI, il y a eu le pape géant, le pape charismatique, le pape voyageur, le pape du geste: Jean-Paul II.
Après Benoît, nous avons le pape humble, le pape simple, le pape ami des pauvres, le pape "cool", qui va enfin dépoussiérer le "Vatican", voire nettoyer "les écuries d'Augias" de la Curie . Et même (...) "décaper le rituel et appeler à une foi exigeante".
Plus encore, on lit sous des plumes dont la papophilie ne pouvait jusqu'à présent pas être mise en doute: "Avec notre pape François, l'Evangile est de retour".
Entre les deux, un petit Pape étriqué, un pape bling-bling (entendu ce matin) une sorte de trou noir dans l'histoire de l'Eglise, à oublier très vite. L'Evangile, connais pas. La foi exigeante, connais pas. La purification, connais pas.
J'hallucine.
(...)
Et je regrette que, parmi les catholiques, beaucoup se laissent abuser par cette manœuvre de division.

* * *

Il suffit d'observer aujourd'hui la blogosphère catholique pour constater que la manoeuvre a réussi: la division n'a pas disparu avec la renonciation de Benoît XVI. Elle s'est seulement inversée, et surtout elle est beaucoup moins médiatisée - même si elle est plus grave - , sinon pour stigmatiser les mal-pensants.

Pour plus de détails... rendez-vous en octobre, avec le Synode sur la Famille. Ce sera LE test grandeur nature.

En attendant, l'Eglise démondanisée que François ne cesse d'appeler de ses voeux, semble sur le point d'effectuer un pas décisif d'ouverture au monde - pas dans ce qu'il a de meilleur.