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Carême de l'Église

Angela Ambrogetti présente un livre co-écrit par deux collaborateurs de son site Korazym.org - dont Andrea Gagliarducci - un an après la "grande renonciation" (4/2/2014)

>>> Ci-contre: La Quaresima della Chiesa ([1])

     

Hier après-midi, lundi 3 février, Angela Ambrogetti présentait à Rome le livre «Le Carême de l'Église» (La Quaresima della Chiesa) co-écrit par deux collaborateurs du site Korazym.org (dont elle est la directrice), Andrea Gagliarducci (que mes lecteurs connaissent bien, il anime par ailleurs le site en anglais Monday Vatican) et Marco Mancini.

Elle publiait sur Korazym, en avant-première quelques passages de son exposé.

Je dois sans doute m'excuser de me répéter, mais Andrea Gagliarducci et Angela Ambrogetti font partie des assez rares (pour être cités) journalistes, et même vaticanistes (qui devraient pourtant en savoir plus que d'autres) à ne pas avoir abandonné, ou oublié Benoît XVI. J'entends par là que la plupart de leurs articles font référence à lui. Et surtout qu'ils ont tenté, dès le début, de s'opposer à l'emballement médiatique autour du nouveau Pape, tout en gardant une parfaite loyauté.

Dans son dernier billet hebdomadaire sur son site en anglais Monday Vatican, Andrea Gagliarducci écrivait hier: "Les médias ont commencé la damnatio memoriae du Pontificat de Benoît XVI". A l'évidence, ce n'est pas son cas.

Ceux qui me lisent savent que je ne que ne suis pas tout à fait aussi optimiste qu'eux (étant plus libre, par la force des choses, ce n'est nullement un reproche à leur adresse, et ils ont de bonnes raisons, étant mieux informés que moi à la source) sur l'orientation du nouveau Pontificat, mais le texte ci-dessous (comme la présentation du livre par son éditeur) aide à comprendre le choix des électeurs du pape.

Et surtout, il est très émouvant de reparcourir les journées que nous avons vécues, dans la peine et l'incompréhension, après le 11 février, il y a presque un an.

     

Carême de l'Église

3 février 2014
Angela Ambrogetti
http://www.korazym.org/12658/12658/
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Quand on pense au Carême, les laïcs imaginent une chose longue et triste, les catholiques voient un temps fort de la liturgie qui prépare à la lumière de Pâques. Et en effet, ces quarante jours, ou un peu plus, que nous avons vécus l'an dernier entre le 11 Février et le 13 Mars, et ensuite jusqu'à Pâques, étaient vraiment un Carême. Et dans les deux sens.

Parce que ce furent de longues journées, d'angoisse et de stupeur, d'attente et d'incrédulité. Et dans ce sens, des jours de pénitence. Pour la première fois dans l'histoire moderne, un pape décidait de renoncer au gouvernement de l'Église universelle. Oui, bien sûr, tous les initiés savaient que depuis l'époque de Paul VI, on avait parlé du moyen de permettre au Pape d'être vraiment libre de tout conditionnement, d'exercer le ministère pétrinien en plénitude, et complétement, et donc de pouvoir «partir» au cas où il ne pourrait plus être libre, en pleine conscience. Mais personne ne l'avait jamais fait. Pas même le «cyclone Wojtyla» n'en était venu à cela. Même si, dans Universi Dominici gregis, il avait inclus la possibilité concrète, canonique, de renoncement.

Puis vint Joseph Ratzinger. Élu pour résoudre les questions restées en suspens dans la dernière partie du pontificat de Jean-Paul II. L'allemand, pilier théologiquee du pontificat du Polonais, le gardien de l'orthodoxie, l'homme considéré comme le «conservateur» par excellence, surprend le monde et change la manière d'exercer le ministère pétrinien. Ce n'est pas seulement une façon d'«être moderne», c'est bien plus encore. C'est quelque chose qui ouvre une porte dont on pensait qu'elle n'existait même pas. Et les derniers mois nous ont montré une nouveauté extrêmement importante. Le Pape François, qui lui a succédé sur le trône de Pierre, non seulement ne l'oublie pas, mais il est de plus en plus évident, et sans aucun secret, qu'il «profite» de ce qu'il a appelé «un grand-père sage». Il a signé sa première encyclique Lumen fidei, qui en pratique est toute de la main de Benoît XVI, il téléphone et rend visite au Pape émérite même plus souvent que ce que nous savons officiellement, et il n'est pas exclu qu'il l'ait à ses côtés lors de la canonisation de Jean-Paul II et Jean XXIII. Une nouvelle façon «collégiale» d'exercer le ministère pétrinien? Peut-être pas, pour le moment. Mais certainement un moyen de faire comprendre au monde que l'évêque de Rome peut, comme tous les évêques émérites, avoir un rôle important dans son diocèse.

Carême de tristesse pendant des jours et des jours, du 11 au 28 Février. Et d'émotion. Celle, subtile et liturgique, de la célébration du mercredi des Cendres à Saint-Pierre avec les applaudissements arrêtés par le Pape lui-même, avec le très humble et très fort: «A présent, revenons à la liturgie».
Carême de nostalgie avec les audiences de Benoît XVI sur la Place Saint-Pierre, bondée et ensoleillée.
Carême d'abandon devant ce portail du Palais des Papes de Castelgandolo, qui se fermait sur l'histoire, sur le pontificat et sur la journée du 28 Février, mais ouvrait la perspective de nouvelles voies à suivre.
Carême de vide pour de nombreux fidèles qui se sentaient presque trahis, traumatisés par un choix inhabituel, mais avec le recul pas si inattendu.


Le silence médiatique descend sur le pontificat le plus «maltraité» par la presse de l'époque contemporaine (au point que certains s'acharnent encore, avec une ignorance vulgaire et inutile) et s'ouvre tout grand le goufre de la «chasse au nouveau». Une autre icône médiatique. Tout devra changer. Mais comment? La névrose de la réforme commence. Et tandis que monte le cirque médiatique, principalement du fait de gens qui ignorent presque tout sur ce qui se passe, monte la marée habituelle de ceux qui veulent «manoeuvrer» le conclave bien avant qu'il ne soit célébré. De l'extérieur, avec des gestes plus ou moins opportuns d'une certaine presse, et de l'intérieur, où les courants s'entrecroisent avec le mécontentement de ceux qui se sont presque sentis trahis par le choix de Ratzinger.

Un mélange explosif qui pourrait faire dérailler le train de l'Eglise.

Mais le Carême est un temps de grâce, et ainsi les 13 jours de Sede Vacante, excités et affamés, faits de nouvelles et de prévision, et de congrégations générales pour les cardinaux qui seront dans et hors de la chapelle Sixtine, deviennent un moyen de mettre au point quelques éléments-clés.

Le prochain pape devra continuer l'oeuvre de réforme que Benoît avait seulement pu commencer après l'arrêt des anciennes pratiques. Il devra poursuivre dans la collégialité que Ratzinger avait rendue parfaite dans le travail de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, mais n'avait pas réussi à imposer dans le travail du Synode des évêques, et il devra avoir cette attention aux gens simples qui se sécularisent, au troupeau qui vit un analphabétisme catéchétique comme cela avait été dit lors de la dernière Assemblée synodale. Bref, un saint prêtre, communicatif, ferme dans la doctrine, et, fait unique dans l'histoire, capable de vivre dans l'ombre d'un pape émérite qui est peut-être le plus grand théologien contemporain.

Les cardinaux tentent de comprendre, dans les congrégations générales, ils veulent des rapports sur tout. Ils ont lu les journaux dans leurs pays, loin de Rome. Ils connaissent les scandales construits autour d'une table pour embarrasser l'Église. Ou plutôt, le Saint-Siège. Parce que tel est le but: réduire le Vatican à une enclave italienne, lui faire perdre cette souveraineté qui était le chef-d'œuvre diplomatique de Pie XI.

C'est peut-être un pape comme lui qu'il faudrait, pour repenser le Saint-Siège qui a changé de confins. Non plus sur l'Italie, mais sur l'Europe.

Mais évidemment, les cardinaux ne sont pas de cette idée. Beaucoup ne se connaissent pas entre eux. D'autres, au contraire, ont un projet clair. Les Américains du nord, du centre et du sud veulent l'un d'entre eux. Il s'agit de comprendre lequel. Ce qui s'est passé dans la chapelle du Palais apostolique que tout le monde connaît comme la Sixtine, après l'extra omnes, reste un secret. Le monde reste sur le seuil, en attente. Les derniers mots sont ceux du cardinal Sodano qui célèbre la messe Pro eligendo Pontife et qui reste en dehors du conclave, car il a 86 ans. Dans son texte, bien différent de celui du cardinal Ratzinger en 2005, le mot «miséricorde» apparaît 29 fois. Une indication? Sur les armoiries de clui qui sortira Pape du conclave, figure justement le mot «miséricorde». Peut-être le préféré de Jorge Mario Bergoglio, jésuite, argentin, qui était arrivé deuxième dans le conclave de 2005.

Le Carême touche à sa fin. Temps fort, comme est fort l'impact positif de François sur les gens, qui sur la place l'applaudissent parce qu'il les alue avec un «bonsoir», parce qu'il prie pour Benoît et demande aux gens de prier pour lui. Et il se met à prier avec les gens de la place.

C'est le début de la construction médiatique de la notoriété du pape François. L'archevêque des «villas miserias» devient un phénomène médiatique. On souligne son humilité, parce qu'il ne met pas de pantalon blanc sous sa soutane, ni de chaussures rouges, parce qu'il vit à Santa Marta et choisit une voiture banalisée, parce qu'il garde sa croix d'argent et ne porte pas de mozette. Peu nombreux sont ceux qui cherchent à comprendre qui est vraiment le nouveau pape. Un jésuite d'une seule pièce, qui aime, il l'a dit à plusieurs reprises, l'Eglise Sainte, Mère et hiérarchique. Un prêtre pieux et zélé qui laisse beaucoup d'espace dans la journée pour la prière, y compris une heure par semaine pour l'adoration eucharistique.

Le risque est de perdre la perspective réelle, tout en augmentant le succès médiatique du nouveau Pape.

Pourtant, dans cette première rencontre, véritablement historique, entre les deux pontifes à Castelgandolfo le 23 Mars, dans cette accolade, dans les gestes de Benoît qui est «hôte» et non plus maître de maison, on comprend qu'il y a beaucoup plus de continuité que de rupture entre les deux hommes pourtant si différents.

Maintenant, c'est Pâques. Carême a apporté les fruits. Sur le trône de Pierre, il y a un nouveau pape. Les gens l'aiment pour son caractère informel, les médias l'aiment parce qu'ils imaginent les révolutions à venir. Les spécialistes savent qu'il est un un décideur, qu'il sait être doux, mais aussi dur. Lui-même décide de se raconter lors de son premier été à Rome, à ses confrères jésuites dans un longue interviewe aux revues de la Compagnie.

Il est temps de commencer le travail pour lequel il a été élu. Réformes en premier lieu. De la Curie ou encore plus, peut-être, de l'Église. Ou plutôt, comme il écrit lui-même dans le premier document entièrement de lui, Evangelii gaudium, conversion. Se convertir, revenir à l'Évangile, à la saine doctrine, qui est toujours la même.

Il le fait, comme il se doit, avec son style latino-américain qui enthousiasme les foules et fait réfléchir chacun. Et ceux qui attendent une «autre» Église, sont déçus. Parce que l'Eglise ne change pas en fonction d'un Pape, l'Eglise n'est pas au Pape, ce pas une société à gérer avec efficacité. L'Église est la Sienne, à Dieu. Et pour ceux qui ne croient pas, il ne reste qu'à s'en rendre compte.

* * *

Note

[1] La Quaresima della Chiesa (quatrième de couverture).

Le 11 Février 2013, le pape Benoît XVI annonce qu'il renonce au ministère pétrinien.
C'est le début des quarante jours qui ont changé la face de l'histoire de l'Eglise.
Du jour de la renonciation à l'instant où le pape François - élu comme successeur du pape Benoît XVI - et son prédécesseur, donnent vie à la première rencontre de l'histoire entre un pape et un pape émérite, l'Église subit une profonde transformation.
Mais le pape François et le pape Benoît sont-ils vraiment si différents?
Et pourquoi la renonciation de Benoît a-t-elle conduit à un Pape si différent et si «nouveau»?
Et de quelle manière les Cardinaux sont-ils parvenus à ce choix?
Retraçant les quarante jours qui ont changé l'Église, l'ouvrage veut donner une clé de lecture à ce «Carême de l'Église», regardant vers l'avenir et les nouveaux défis qui devront être abordés.
Quel est l'héritage de Benoîti? Et quels seront les défis et l'héritage de François?
http://www.libreriadelsanto.it/libri/9788862442688/la-quaresima-della-chiesa.html