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Collaboration entre les deux Papes (II)

Je n'ai rien à ajouter à ce commentaire de mon amie Teresa (17/3/2014, mise à jour)

>>> Cf.
Collaboration entre les deux Papes

Teresa est une grande connaisseuse. Elle a pendant huit ans suivi au jour le jour le pontificat de Benoît XVI, en épluchant la presse internationale - grâce à sa connaissance des langues.
Ses observations ne sont donc pas des mots en l'air, mais l'opinion étayée d'une vraie spécialiste.

Mise à jour: J'ai corrigé les coquilles, et rajouté les précisions ultérieures données par l'auteur.

     

Texte original en anglais: freeforumzone.leonardo.it
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Si le Pape émérite a eu besoin de plus que la seule page vide d'un magazine que son successeur lui demandait d'utiliser pour ses commentaires, on peut supposer qu'il doit avoir exprimé à tout le moins certaines réserves. Nul besoin de quatre pages pour exprimer l'éloge inconditionnel et l'approbation à tout! Juste quelques mots bien choisis conviendraient, au long des lignes comme «Bravo! Fantastique! Je n'aurais pu dire les choses mieux!» (ndt: il ne faut pas oublier que Benoît XVI est un professeur... il sait ce que signigfie corriger une copie d'élève...)

J'apprécie que le pape François ait pensé à solliciter les commentaires de son prédécesseur sur l'interviewe, et j'apprécie que le Pape émérite ait pris la requête au sérieux et ne se soit pas contenté de quelques compliments anodins .

On imagine cependant que la réponse peut avoir inhibé le pape François pour d'autres demandes de ce type. Par la suite, il a persisté, donnant une interview à Eugenio Scalfari [archi archi-critique/détracteur par excellence - ou plutôt par bassesse- de Benoît XVI], à qui il a écrit cette lettre ouverte dans laquelle, entre autres choses, il affirme notoirement [en anglais, le jeu de mots est fort (in)famously] la définition laïque de la conscience .
Paradoxalement, le quotidien de la conférence des évêques d'Italie, l' Avvenire, rapportant l'histoire d'Ambrogetti, remarque que cet épisode représente «la meilleure preuve de la continuité entre les deux pontificats».

Mais n'est-ce pas là un non sequitur, qui ne fait que montrer ce qui est apparemment une relation amicale, peut-être même affectueuse , entre le Pape et son prédécesseur - une chose à laquelle personne ne s'attendait ou même n'imaginait. Mais c'est une relation qui dépend évidemment des initiatives que le Pape François choisirait de prendre, car d'après tout ce que nous savons de lui, jamais Benoît XVI ne s'interposerait, ni ne s'imposerait à son successeur de quelque manière que ce soit, pas seulement parce qu'il n'a pas de «statut» pour le faire, mais parce qu'il «connaît sa place».
C'est pourquoi j'avais formulé une objection à la réponse de François au Corriere della Sera, que j'ai trouvée plutôt présomptueuse, quand il a dit «NOUS avons décidé ensemble qu'il serait mieux qu'il voit des gens, sorte et participe à la vie de l'Eglise». Benoît XVI voit des gens, mais il n'attirerait pas l'attention sur lui-même en sortant ici et là - peut-être pour faire une promenade à travers son ancien quartier de Borgo Pio, ou pour assister à quelque concert à l'extérieur du Vatican, comme s'il était un prince de la Renaissance!

Quant à « participer » à la vie de l'Eglise , je ne peux imaginer un événement public auquel Benoît XVI assistera dans un proche avenir autre que la canonisation de Jean XXIII et Jean-Paul II en Avril. S'il allait au-delà de l'exposition minimale qu'il a actuellement, ses détracteurs se moqueraient immédiatement de lui parce qu'il avait dit qu'il serait «caché du monde» après sa retraite.

Voyez, c'est le «Francis fanworld» au sein de l'Eglise (le monde profane ne voit évidemment pas du tout de continuité) qui persiste à insister sur la «continuité», afin de dire au monde que le pape François est «toujours catholique» - «un fils de l'Eglise», comme il dit - et que, malgré ce que le monde séculier voudrait croire, il ne change en rien la substance de la foi .
Mais le fait de seriner constamment cette continuité trahit leur reconnaissance d'une discontinuité significative, autre que les discontinuités évidentes en matière de style personnel et de gouvernance - leur prise de conscience que le Pape François a l'intention de mettre sa marque sur la Papauté et l'Église d'une manière propre à changer la praxis de l'Église dans le sens de l'interprétation progressiste de Vatican II, de sorte que la lex consuetudinum (la loi de la pratique habituelle) puisse submerger, sinon remplacer, la lex credendi .

Et pour prouver leur fixation sur la continuité, ils n'hésitent pas à utiliser les actes (comme la participation au Consistoire ) et les mots du Pape émérite (écrivant à Hans Küng qu'il y a «une grande continuité de vues» avec son successeur ) - comme pour dire , «Vous voyez! Benoît XVI lui-même le dit!»... comme s'il pouvait jamais dire publiquement quelque chose qui pourrait seulement évoquer la moindre désobéissance ou le moindre manque de respect envers le Pape.
A ce propos, je crois qu'une telle inhibition devrait s'appliquer à tous les évêques, prêtres et personnes consacrées qui s'expriment en public sur le Pape, même si beaucoup d'entre eux ne se sont pas sentis inhibés pour s'en prendre à Benoît XVI, souvent ad hominem, quand il était Pape . Ceux-là mêmes qui maintenant voudraient probablement empêcher les laïcs de s'exprimer librement en public sur le pape François quand ce qu'ils ont à dire est une critique de lui .

Je voudrais souligner une fois de plus que Benoît XVI est trop précis dans son utilisation des mots pour de ne pas avoir consciemment choisi d'écrire «une grande continuité de vues» dans sa lettre à HK, plutôt que «une continuité complète de vues», comme il l'aurait fait si c'était le cas.

Quant à savoir pourquoi GG a révélé cet épisode, je crois que c'était à l'appui de ce qu'il a dit dans toutes ses autres interviewes récentes, que les « deux Papes» sont en contact permanent par divers moyens. Je ne pense pas que François pouvait considérer la divulgation comme une trahison de confiance, puisque lui-même n'a pas hésité à répondre «Oui», quand dans la dernière interviewe (avec Il Corriere) on lui a demandé «Avez-vous jamais demandé conseil à Benoît XVI?».
C'est un signe d'humilité de la part de François, que chacun peut apprécier, même s'il ne suit pas forcément les conseils que Benoît XVI pourrait lui donner .