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Des évêques à la mitre bien vissée

Une réjouissante réaction, de grande actualité, à la "discrétion" (litote) des évêques, par le Père Jorge González Gualalix, notre curé madrilène (Carlota). Il est question de Guareschi, et d'un superbe chapitre du "Petit monde de don Camillo" (19/5/2014)

>>> Ci-contre: illustration du chapitre 23 du "Petit monde": La procession (version PDF ici: la-procession.pdf [126 KB] ). C'est banal à dire... mais c'est à ne manquer sous aucun prétexte!
>>> A propos de don Camillo: Don Chicchi

     

Un article qui me paraît tomber à pic, même si ce sont des affaires espagnoles dont il est question. Et en plus, son auteur, le Père Jorge González Gualalix - notre curé madrilène déjà bien connu (cf. ici) , en se battant peut-être à l’image de l’Illustre hidalgo, contre des moulins à vent, mais avec panache bien sûr, cite non pas Cervantès mais Guareschi ! Les hommes de bien cheminent toujours ensemble.
Original ici: http://infocatolica.com/
(Carlota)

     

Nous avons besoin d’évêques avec la mitre « très bien vissée »
Je suis complètement d’accord avec ces choses que sont la simplicité, la bonhomie, la discrétion et le fait de n’imposer à personne nos croyances. Mais messieurs, c’est une chose de ne pas imposer et c’en est une autre très différente qu’ici tout le monde ait des droits sauf l’Église.
Je ne vois pas le rapport entre une procession en hommage à la Vierge Marie et être en campagne électorale. Nous sommes en pleine campagne électorale et pourtant jeudi des processions en honneur de Saint Isidore le laboureur (1) sont sorties dans toute l’Espagne et il n’a semblé à personne qu’elles portaient atteinte à un droit. Mais voilà qu’arrive Madame le Maire de l’Hospitalet de Llobregat, et de par ses saintes raisons elle a décidé que cette année, la traditionnelle procession de la Vierge de la Grâce de Carmona ne peut pas sortir parce que nous sommes en campagne électorale (elle était prévue le 18 mai 2014). C’est ce que nous fait savoir Hazteoir (2)

Une « caciquade » de plus (décision arbitraire d’un petit chef ou cacique). Mais le pire n’est pas l’interdiction mais le résultat de cette mauvaise plaisanterie. Car Madame le Maire, qui a une idée si claire de la séparation Église-État, se permet de décider combien de processions il convient d’avoir dans la municipalité. Plus encore, dans un élan de sympathie inégalable, elle s’empresse de suggérer que s’ils veulent sortir à la rue qu’ils marchent sur le trottoir avec la Vierge à la main, sans musique et sans encens avec le prêtre sans ses habits liturgiques, c'est-à-dire, habillé en civil. Ça, c’est une bonne fille !
Le seule chose que fasse Madame le Maire, avec ce geste, c’est un étalage de puissance déplacé et de faux-semblant, dont elle n’est capable que parce qu’elle sait qu’il ne se passera rien. Il ne se passe jamais rien parce que nos évêques nous en ont tellement sortis, prudents à l’extrême, que les autorités civiles, les mairies, les communautés autonomes (régions chez nous) et jusqu’à la confrérie (3) la plus banale, savent qu’elles peuvent tout se permettre, puisque, à cause de cette chose de la charité et du « ne pas provoquer de scandale », elles n’auront pas à affronter un évêque. Le plus, le maximum, ce sera une petite note de celles que personne ne lit et qui sont rédigées de telle sorte qu’elles disent sans dire beaucoup.
Je me souviens, par exemple, il y a quelques mois, les problèmes qu’il y a eu avec une exposition sur la bienheureuse Teresa de Calcutta à Vigo (grand port espagnol de Galice) parce qu’on disait que c’était « trop confessionnel ». Vous savez comment s’est terminé la chose : en enlevant je ne sais combien de signes sans équivoque catholiques pour éviter que quelqu’un s’offense.
(…)

Nous avons besoin d’évêques avec une mitre bien « vissée ». C'est-à-dire, un évêque qui quand on lui dit que l’exposition sur la Bienheureuse Térésa de Calcutta est « trop religieuse », la statue, il se l’emmène à la cathédrale et il l’inaugure avec le nonce si c’est possible et les évêques de la province ecclésiale. Un évêque qui, face à la mauvaise plaisanterie des « pregones » (4) de ses confréries, se présente pour agir personnellement et en même temps donne un rendez-vous aux confréries le jour suivant et clarifie les choses en signant des papiers
Nous avons besoin d’évêques, d’archevêques et de cardinaux qui, face à l’interdiction d’une procession de la part d’un maire, décident de présider personnellement la procession, accompagnés par l’évêque auxiliaire, les vicaires, l’archiprêtre et les curés de la zone. C’est très facile. Que le maire lui dise qu’il n’y a pas de procession ? Qu’il ne dise rien. Qu’il n’en fasse cas. Il fait connaître: je la présiderai personnellement. Et ça suffit.

Je suis en train de parler de science-fiction. Peppone pouvait interdire la procession du Christ à Don Camillo! Il l’a fait. Et quand les gens ne sont pas venus par peur, Don Camillo a pris tout seul le Christ, et a marché au milieu de la rue et cela a été une procession à deux. À deux et un petit chien. Au retour, il avait avec lui tout le village. Mais c’est que Don Camillo avait la barrette très bien « vissée » [sur le crane]. (texte ici: la-procession.pdf [126 KB] )
Nous pouvons difficilement demander au peuple de Dieu qu’il vive sa foi et la confesse aux milieux des difficultés si les pasteurs ne vont pas en tête en mettant les choses à leur place.
Monsieur le cardinal de Barcelone: allez présider la procession de l’Hospitalet (5).

-o-

Notes et remarques de traduction

(1) Saint Isidore le laboureur est né en 1080 à Madrid d’où il s’enfuit pour échapper aux musulmans qui s’emparent de la ville. Placé comme garçon de ferme, très pauvre, il va faire l’admiration de tous par sa bonté, son humilité et sa piété qu’il conservera toute sa vie (il meurt vers 1130). Il est souvent représenté priant dans un champ tandis que les anges ont pris sa place pour finir de labourer son sillon et lui éviter des réprimandes. Il est notamment le Saint Patron de Madrid.

(2) Plateforme citoyenne très active « Fais-toi entendre » qui lance des pétitions pour empêcher cette l’interdiction du procession catholique ici .

(3) Les grandes statues qui sont sorties pour la Semaine Sainte sont confiées à des confréries qui sont aussi tout au moins traditionnellement des œuvres caritatives toute l’année (accompagnements des malades, des enterrements, assistance aux démunis, etc.)

(4) Les « pregones » sont des déclarations faites à haute voix par les « pregoneros » pour informer la population (annonces des crieurs publics). Il s’agit d’une tradition ancienne maintenue notamment lors des fêtes religieuses, où les « pregones » sont liés à la figure du Christ, la Sainte Vierge, les Saints Patrons, etc. (c’était aussi une façon de former et d’évangéliser). Des personnalités peuvent être invitées par les confréries à faire des « pregones ».
A l’occasion de la dernière Semaine Sainte à Malaga, un ancien responsable politique d’un parti de gauche a prononcé un « pregón » mettant en avant l’homosexualité et des positions jugées contraires à l’Eglise par l’évêque qui a aussitôt été pris à partie par les associations qui vont bien. On peut raisonnablement considérer que tout cela n’est pas arrivé du tout par hasard. À noter que l’évêque d’Alcala de Henarés, Mgr Reig Plá (qui était à Paris pour la dernière grande marche pour la vie), vient de se voir confirmer en appel le classement de la plainte portée contre lui en 2012 à la suite de son sermon du vendredi saint (« Il avait le droit de dire la doctrine de l’Église au sujet de l’homosexualité »). En attendant peut-être une future instance hors du territoire espagnol.

(5) Je repense aux réponses que le cardinal Schönborn a faites lorsqu’il a été interrogé sur le gagnant de l’Eurovision 2014. Il est évident que le journaliste (comme les personnes et institutions évoquées ci-dessus) travaillait, sans risque, en s’adressant à un archevêque et cardinal sur un sujet qu’il n’aurait jamais abordé avec lui si certains « pregoneros » dans l’Église, depuis des années, ne s’étaient pas prêtés, avec plaisir et vanité, ou par compromission avec le monde, consciemment ou inconsciemment, avec de bonne ou de mauvaise intention, à cette capitulation du langage. Or le langage devient malheureusement la pensée.
Je garde en mémoire la sagesse des anciens : Lex Orandi, Lex Credendi, Lex Vivendi ou dit différemment, la façon de prier, la façon de croire et la façon de vivre sont intimement liés, qu’on le veuille ou non, car l’homme n’est qu’un homme. Je pourrais aussi évoquer Saint Augustin et il s’y connaissait en société décadente ! À force de tout admettre…

* * *

Merci Père Jorge González Guadalix, simple curé d’une paroisse de la périphérie de Madrid, de vous faire le porte-paroles, de ceux qui sont, non pas des exceptions, mais la grande majorité du peuple de Dieu, à la périphérie de la périphérie des autres et qui veulent dire comme les chrétiens à l’époque de la Rome décadente et persécutrice : cela nous ne pouvons pas l’accepter. Non Possumus. Que le Seigneur nous donne la force et le courage de le dire encore et encore…

     

Post-Scriptum

Il paraît que la campagne de pub des diocèses de Normandie pour récolter le denier du culte "adopte un curé.com" fait un tabac.
Je propose à ses concepteurs imaginatifs d'ajouter une clause de garantie de résultats (puisqu'on en est à singer les méthodes du marketing): d'accord pour "adopter un curé" à condition qu'il s'engage à défendre fermement et courageusement l'enseignement de l'Eglise... et pas seulement sur l'accueil des pauvres, l'immigration, et le scandale de la finance déconnectée de la morale. Bref, un curé au béret "bien vissé"!!