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Humanae Vitae: the Pope vs the pill

Un article étonnant (venant de lui, et du support!) écrit en juillet 2008 sur le NYT par John Allen, alors que l'on commémorait le 40e anniversaire de l'Encyclique de Paul VI (18/5/2014)

>>> (Re)lire Humanae Vitae (I)

Cet édifice finalement résistant, patiemment consolidé par Jean-Paul II (et sa théologie du corps) puis Benoît XVI, va-t-il résister aux coups de boutoir qui vont immanquablement lui être assénés en octobre prochain, lors du Synode sur la famille.
Et John Allen avait-il raison, lorsqu'il affirmait il y a six ans:

L'étonnante "résistance aux chocs" de l'encyclique nous rappelle que les prévisions sur l'avenir du catholicisme en période de crise sont toujours une entreprise dangereuse
(...)
Le catholicisme peut changer, et change effectivement, mais essayer de deviner comment et quand relève presque toujours de la démarche d'un fou.


Article original ici: http://www.nytimes.com
Ma traduction d'alors.

     

Le Pape contre la Pillule

27 juillet 2008
John Allen jr
Pages "Opinions" du NYT
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Il y a eu quarante ans la semaine dernière, le pape Paul VI provoqua le plus grand tumulte contre un édit pontifical dans la longue histoire de l'église catholique romaine, quand il renouvela l'interdiction de l'Eglise au contrôle artificiel des naissances en publiant l'encyclique «Humanae Vitae».
A cette époque, les commentateurs avaient prévu que non seulement le magistère s'effondrerait sous son propre poids, mais pourrait bien entraîner « la papauté monarchique » avec elle.
Ces prévisions ont sous-estimé la capacité de l'Eglise catholique à résister au changement et à tenir le coup.

Au cours des siècles, les catholiques ont fréquemment "râlé" au sujet des actes papaux. Habituellement ils ont canalisé ces dissensions en une joyeuse désobéissance, bien qu'il soit arrivé qu'une foule romaine poussât le Successeur de Pierre hors de la ville juste pour marquer le coup. En 1848, le pape Pie IX a été conduit en l'exil par les Romains exaspérés par son refus d'accepter l'unification de l'Italie.
Jamais avant le 25 juillet 1968, cependant, l'opposition n'avait été si immédiate, si publique et si répandue. Des théologiens de renommée mondiale ont convoqué des conférences de presse pour réfuter le raisonnement du pape. Les conférences épiscopales ont publié des déclarations selon lesquelles tout le monde sauf les catholiques pratiquants ignorerait l'encyclique. Des pasteurs ont ouvertement critiqué « Humanae Vitae » en chaire.

En bref, « Humanae Vitae » soutenait que les fonctions jumelles du mariage - stimuler l'amour entre les partenaires et être ouvert aux enfants - sont si étroitement liées qu'elles en sont inséparables.
Dans la pratique, cela signifiait un non retentissant à la pillule.

L'encyclique a rapidement été considérée, dans le monde séculier et dans les cercles catholiques libéraux, comme le Waterloo de la papauté. Elle était si déphasée par rapport aux espoirs et aux désirs du troupeau catholique qu'elle ne pouvait tout simplement pas tenir.

Et par certains côtés, ce fut le cas. Aujourd'hui les sondages prouvent que les catholiques, au moins en Occident, sont en désaccord avec l'enseignement sur le contrôle des naissances, souvent avec des taux dépassant 80%.
Mais au niveau officiel, l'engagement du catholicisme pour « Humanae Vitae » est plus solide que jamais.
Pendant sa papauté de presque 27 ans, Jean-Paul II a constitué une base théorique plus profonde pour la morale sexuelle catholique traditionnelle par sa « théologie du corps. »

En bref, l'argument du défunt pape était que la sexualité humaine est une image de l'amour créateur entre les trois personnes de la Trinité, aussi bien que de l'amour de Dieu pour l'humanité. Le contrôle des naissances « change le langage » de la sexualité, parce qu'il empêche l'amour comme don de la vie.
C'est une affirmation que beaucoup de catholiques pourraient contester, mais les groupes de lecture et les conférences consacrés à la «théologie du corps » de Jean-Paul II signifient que les catholiques disposés à défendre l'enseignement de l'Eglise disposent à présent d'un ensemble de ressources plus formidable que ce n'était le cas quand Paul VI écrivit « Humanae Vitae. »

En outre, trois décennies de rencontre des évêques avec Jean Paul II et Benoît XVI, tous deux clairement engagés en faveur d'« Humanae Vitae » impliquent que les leaders du catholicisme sont de nos jours bien moins enclins qu'ils ne l'étaient en 1968 à se distancier de l'interdit sur le contrôle des naissances, ou à "mettre la pédale douce" sur ce point. Un nombre non négligeable d'évêques catholiques a récemment mis en évidence des documents qu'ils ont écrits en défense d'« Humanae Vitae ».

Les avocats de l'encyclique tirent leur assurance de la baisse du taux de fécondité à travers le monde développé, particulièrement en Europe. Aucun pays d'Europe n'a un indice de fertilité au-dessus de 2,1 - le nombre d'enfants que chaque femme doit avoir à la fin de ses années de fertilité pour maintenir une population stable.
Même avec l'augmentation de l'immigration, on projette que l'Europe enregistrera au 21ème siècle une perte de population qui rivalisera avec l'impact de la peste noire, conduisant certains à parler de suicide démographique du continent. »

Ce n'est pas une coïncidence si l'Europe est également la région la plus sécularisée au monde, où l'utilisation de la contraception artificielle ne présente aucun problème. Parmi ceux qui sont impliqués dans l'enseignement de la doctrine catholique, la question évidente devient: "Peut-on souhaiter preuves plus manifestes de la folie de séparer le sexe et la grossesse ?

Ainsi l'avenir d' « Humanae Vitae » comme enseignement de l'Eglise catholique semble assuré, même si elle continuera également à être l'injonction la plus largement bafouée de l'église au niveau de la pratique.

L'étonnante "résistance aux chocs" de l'encyclique nous rappelle que les prévisions sur l'avenir du catholicisme en période de crise sont toujours une entreprise dangereuse - et cela a un rapport avec une fâcheuse situation catholique plus récente. Beaucoup de critiques croient que l'Eglise n'a pas encore répondu en juste proportion aux scandales récents des abus sexuels, les conduisant à prédire que l'Eglise « doit » devenir plus responsable, plus participative et plus démocratique.
Alors que ces étapes peuvent aujourd'hui apparaître inévitables, il semblait impensable à beaucoup d'observateurs il y a 40 ans que cette « Humanae Vitae » serait toujours en vigueur au 21ème siècle.
Le catholicisme peut changer, et change effectivement, mais essayer de deviner comment et quand relève presque toujours de la démarche d'un fou.