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Interviewe dans l'avion

De retour de Terre Sainte, le Pape François a répondu à 11 questions de journalistes. Fragments (27/5/2014)

Le Pape François en roue libre. Malgré le voyage massacrant, il s'est soumis pendant une heure, sans filet, aux questions des journalistes qui l'ont accompagné en Terre Sainte

Par ces mots extasiés, Andrea Tornielli commence son compte-rendu très détaillé de l'interviewe papale dans l'avion de retour de Terre Sainte (vaticaninsider.lastampa.it).

Après les JMJ de Rio, et le désormais célèbre "qui suis-je pour juger?" prononcé dans l'avion, on avait salué ce choix du pape de répondre aux journalistes non pas à l'allée, comme le faisait Benoît XVI (lui donnant ainsi, avec la clarté et la pédagogie qui étaient sa marque, l'occasion d'exposer les objectifs du voyage et l'esprit dans lequel il l'abordait - le bilan, il le faisait lors de l'audience générale suivante), mais au retour: l'exemple de Benoît XVI aurait enseigné à son staff communicatif que des réponses "intempestives" à des questions piégées pouvaient polluer le traitement médiatique du voyage (Benoît XVI ne peut en réalité pas servir de référence, le traitement médiatique qui lui était réservé n'avait pas grand chose à voir avec le "timing" de l'interviewwe).

Ecoutant la radio ce matin, j'ai constaté que les médias ne référaient que deux échanges, chacun liquidé en 3 secondes: celui concernant les affaires de pédophilie (abuser d'un enfant, c'est comme une messe noire + "tolérance zéro") et celui sur le célibat des prêtres ("le Pape a dit que ce n'est pas un dogme")!!

En attendant que le Vatican ne mette en ligne une version officielle, celle de Tornielli est un document fiable.
J'ai compté 11 questions, balayant les thèmes spécifiques du voyages (les rencontres avec les dirigeants politiques, les gestes accomplis, le rapport avec les orthodoxes), les "polémiques" impliquant l'Eglise (IOR, abus sexuels, célibat des prêtres, réforme de la Curie); une question assez dissonante, sur les élections européennes et la montée des populismes en Europe; et enfin trois échanges qui m'ont particulièrement interpellée et que je traduis ci-dessous, sans commentaire, mais elles répondent à des thèmes qui ont été largement abordés dans ces pages.

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Trois questions parmi onze

MON RENONCEMENT ÉVENTUEL
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«Je ferai ce que le Seigneur me dira de faire. Prier, essayer de faire la volonté de Dieu. Benoît XVI n'avait plus les forces, et honnêtement, en homme de foi, humble comme il est, il a pris cette décision. Il y a soixante-dix ans, les évêques émérites n'existaient pas. Qu'est-ce qui va se passer avec les papes émérites? Nous devons regarder à Benoît XVI comme à une institution, il a ouvert une porte, celle des Papes émérites. La porte est ouverte, il y aura d'autres ou pas, Dieu seul le sait. Je crois qu'un évêque de Rome, s'il estime que ses forces diminuent, doit se poser les mêmes questions que le pape Benoît. (1)

BÉATIFICATION DE PIE XII
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«La cause est ouverte, je me suis informé, il n'y a pas encore de miracle. Donc, elle est arrêtée, elle ne peut pas avancer. Nous devons respecter la réalité de cette cause. Mais il n'y a pas de miracle, il en faut au moins un pour la béatification. Je ne peux pas penser si je le ferai (ndt: comprendre sans doute: c'est moi qui le ferai) bienheureux ou pas». (2)

DIVORCÉS REMARIÉS
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«Le Synode sera sur la famille, sur le problème de la famille et sur ses richesses et les situations actuelles. L'exposition préliminaire faite par le cardinal Kasper avait cinq chapitres, quatre d'entre eux sur les belles choses de la famille et sur leur fondement théologique. Le cinquième chapitre était sur le problème pastoral des séparations et de la nullité du mariage, et ici il y a aussi la question de la communion aux divorcés dans une seconde union. Je n'ai pas aimé que tellement de gens, même dans l'Église, aient dit: "le Synode est pour donner la communion aux divorcés remariés", comme si tout était réduit à une casuistique. Aujourd'hui, nous le savons, la famille est en crise, c'est une crise mondiale, les jeunes ne veulent pas se marier ou bien ils cohabitent. Je ne voudrais pas que nous tombions dans cette casuistique: on pourra, ou on ne pourra pas donner la communion? Le problème de la pastorale de la famille est très large, très large. On doit étudier au cas par cas. Je reviens toujours à une chose que le pape Benoît XVI a dit trois fois déjà: nous devons étudier les procédures de nullité matrimoniale, étudier la foi avec laquelle une personne va au mariage et faire comprendre que les divorcés ne sont pas excommuniés. Si souvent, ils sont traités comme des excommuniés.
Choisir le thème du Synode sur la famille a été une expérience spirituelle très forte, lentement,on est arrivé à parler à la famille. Je suis sûr que c'était l'Esprit du Seigneur qui nous a guidés à ce point».

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(1) cf. Démission du "Pape noir"
(2) Bien sûr, je ne confonds pas béatification et canonisation, mais pour être reconnue sainte une personne doit avoir accompli au moins deux miracles. Or, pour Jean XXIII, c'est le Pape lui-même qui a dérogé à cette règle, car un seul miracle lui a été reconnu, la guérison en 1966 du cancer à l'estomac d'une religieuse. L'exception qu'il a faite pour "le bon Pape", il pourrait sans doute la faire aussi pour Pie XII, s'il le voulait.
Je vois sur un autre site que cette réponse faisait suite à une question où le journaliste rappelait le "silence" de Pie XII pendant la Shoah. Le Pape n'a pas eu un mot pour défendre son prédécesseur.