Accueil

Jean XXIII: "Nous" aimons l'Espagne

Décryptage d’une information biaisée de la presse ‘’libérale’’ espagnole. Traduction de Carlota. (14/4/2014)

(Carlota)

Cet article signé du Père Jorge López Teulón (original www.religionenlibertad.com) évoque deux événements, certes qui concernent l’Espagne, mais qui nous permettent aussi de nous interroger une fois de plus sur la presse (presse d’opinions et/ou de propagande, presse d’informations).
Et il cite un très beau texte du Pape Jean XXIII (1) écrit en 1960 où le Souverain Pontife souligne l’importance pour les catholiques [en l’occurrence il s’agissait là des catholiques espagnols] de conserver et transmettre intègre et pur leur fécond patrimoine spirituel, et de continuer à diffuser dans le tissu social les principes et la doctrine du christianisme sans lesquels se fissure facilement l’édifice de la coexistence entre les hommes. Un rappel qui a gardé toute son actualité et qu’il me paraît important de faire alors le Pape Roncalli dont la cérémonie de canonisation aura lieu dans quelques jours, est peut-être plus apprécié aujourd’hui de certains ou détesté d’autres, du fait de leur approche trop « idéologique » du Concile Vatican II.

     

"Nous aimons l’Espagne"

P. Jorge López Teulón
------

Nous avons très souvent tendance à faire des affirmations catégoriques. J’ai appris il y a longtemps qu’il ne sert à rien de répondre aux articles « déformés » (expression de Carême, pour ne pas me laisser aller à en dire plus) publiés dans les médias de la gauche pour louer tout en démolissant. Il y a déjà un an et demi, «El País» (même ligne que « Le Monde » en France) affirmait que « Jean XXIII détestait l’idée des croisades ». La fin de l’article était la suivante :

En Espagne, il y avait une raison de se méfier de la convocation du Concile.
Jean XXXIII était détesté du Régime (de Franco). Peu avant d’être élu Pape, en plein conclave (28 octobre 1958), l’ambassadeur d’Espagne auprès du Saint Siège avait adressé un télégramme au ministre des Affaires Étrangères (de Franco) dont le texte disait : « Éloignez le danger Roncalli ». Quelques heures après, Roncalli était élu pape. Alors qu’il était cardinal, il avait voyagé en Espagne pendant des semaines sans venir rendre visite au « Caudillo » (2), ni à d’autres autorités ecclésiastiques, comme c’était l’usage, en faisant souvent de l’ironie sur l’extravagante situation politique espagnole.

Il y avait d’autres raisons.
Il était connu que la guerre civile qui avait éclaté du fait de Franco avec le soutien des hiérarques ecclésiaux sous le nom de Croisade (il avait interdit d’utiliser ce mot en sa présence) déplaisait au Pape Roncalli. Et il avait ordonné que soient "gelés" tous les procès en béatification des "martyrs" de cette guerre criminelle.

Ce qui est certain c’est que Jean XXIII, à qui on attribuait des origines familiales dans la vallée navarraise du Roncal (limitrophe du département des Pyrénées-Atlantiques) connaissait très bien la réalité des évêques espagnols, dont beaucoup au moment où allait commencer le Concile, célébraient avec des grandes paroles, avec des sermons obscènes, les soi-disant « Vingt-cinq années de Paix » (3) en Espagne.

L’article était signé de Juan González Bedoya, un journaliste d’information religieuse ( ?) devenu célèbre.
Du fait du temps liturgique dans lequel nous nous trouvons, je m’abstiens de commentaires personnels. Je préfère répondre avec les mots du pape Jean XXIII. Des deux textes qui suivent nous obtenons deux affirmations :

a. En avant avec les causes des martyrs! Qu’elles soient étudiées et que l’Église décide.

b. Jean XXIII dit qu’ « il aime l’Espagne » et il le dit en 1960 (Franco gouvernait depuis 21 ans et il lui en restait encore 15). Je ne dis rien d’autre que, si c’est comme le raconte Bedoya, Jean XXIII n’avait aucune obligation de rédiger le moindre message.

Lisons ce que dit le Pape:

1º SUR LES CAUSES DE CANONISATION

Publié dans « La Vanguardia » espagnole du 23 juin 1961. Est donnée une information sur un procès de 228 martyrs dont les dossiers sont remis par le cardinal Arriba y Castro, archevêque de Tarragone (un diocèse de Catalogne) et auxquels le Pape fait référence dans son discours à des pèlerins de cette ville reçus en audience particulière dans la matinée du dimanche 21 juin 1959.

« C’est il y a peu de temps, est encore frais le sang des bien méritants prêtres et religieux, ceux qui dans la Tarragone du XXème siècle ont donné leur vie, aux mains des hommes sans Dieu. Le témoignage de leur mort vient aujourd’hui avec vous à Rome pour être soumis à la décision du Saint Siège. Pour cela, il nous plait de vous proposer, en vous saluant, une brève considération.

Si confesser le Christ avec le sang est un phénomène de presque toutes les époques de l’histoire de l’Église, implantée avec ce sang qui fut versé par son Divin Fondateur, cela doit aussi être chaque jour professé, ce que le christianisme doit faire du Christ avec sa bonté et sa générosité, avec sa mortification, avec sa vie crucifiée…À cela doit nous encourager l’exemple des martyrs, gloire de l’Église de Tarragone, à cela même nous invitent leurs tourments ».

* * *

2º MESSAGE DU PAPE JEAN XIII DU 5 JUIN 1960 ADRESSÉ A L’OCCASION DE LA CONSÉCRATION DE LA BASILIQUE DE LA SAINTE CROIX DE LA VALLEE DES MORTS

À notre cher Fils le Cardinal Gaetano Cicognani (à l’époque Préfet du Tribunal de la Signature apostolique).

Un réconfort vif et particulier éprouve Notre cœur en nous sentant présent en esprit parmi les nombreux fidèles rassemblés pour les cérémonies de ces jours-ci dans la grandiose l'Église de la Sainte Croix de la Vallée des Morts, qui vient solennellement d'être consacrée, et que, par la splendeur de son art, par la dignité de son culte et par la piété des nombreux pèlerins qui avec rythme croissant la fréquentent, nous avons voulu honorer avec le titre de Basilique. À tous ceux qui sont réunis dans la basilique et à tout le noble peuple espagnol nous souhaitons qu’en ce moment, arrive Notre parole de Bénédiction.

Les glorieuses annales de l’Espagne, les enchantements de son pays, ce qui de grand et d’élevé s’est forgé avec sa douleur dans les dures années du passé, se sont donnés rendez-vous dans cette belle vallée, sous le signe de la paix et de la concorde fraternelles, à l’ombre de cette croix monumentale qui adresse aux Ciel les prières de la fervente Communauté Bénédictine et des pieux visiteurs pour la prospérité chrétienne de la Nation, et qui restera comme une alerte permanente pour transmettre le flambeau de la foi et des vertus de la patrie aux générations à venir.

Combien il nous plaît en cette solennelle circonstance d’encourager les catholiques espagnols dans leur persistance à conserver intègre et pur leur fécond patrimoine spirituel ! L’Histoire témoigne de ce que les idéaux chrétiens élevés ont donné de la cohésion et de l’élan à leurs ancêtres pour les grandes entreprises et de ce que, quand se sont décomposés
de tels idéaux, se sont réduits et affaiblis également leurs liens d’union, en mettant en danger leur limpide et héroïque trajectoire séculaire.

Nous aimons l’Espagne dont, nous avons pu admirer la pureté des coutumes, de même que ses beautés et trésors de l’art, lors d’agréables voyages au cours lesquels nous avons parcouru ses terres. Pour cela Nous sommes heureux que l’Espagne qui a porté la foi à tant de nations veuille aujourd’hui continuer le travail pour que l’Évangile éclaire les chemins qui marquent la route actuelle de la vie, et pour que la lignée hispanique, qui s’enorgueillit à juste titre d’être un berceau de la civilisation chrétienne et un phare de l’expansion missionnaire, continue et dépasse même de telles gloires, en étant fidèle aux exigences de l’heure présente dans la diffusion et la réalisation d’un message social du christianisme sans les principes et la doctrine duquel se fissure facilement l’édifice de la coexistence entre les hommes.

Que Nos fils très aimés d’Espagne aient toujours levée leur regard vers les objectifs élevés, avec le grand esprit qui les caractérise, sûrs de ce que l’obéissance à la Loi de Dieu attirera la protection de la Providence, qui dans le tissu de tout labeur historique guide les individus et les peuples, dociles à la voix du Roi des cieux et de la terre, in viam prosperitatis et pacis (sur le chemin de la prospérité et de la paix).

Notre supplique confiante va en ces moments précis à la Très Sainte Vierge, vénérée avec une telle dévotion en Espagne, celle qui en ses plus significatives invocations est mise en honneur dans ce Sanctuaire et à laquelle nous demandons qu’elle abrite sous son manteau les âmes de tous ceux qui y dorment de leur dernier sommeil unis fraternellement. Qu’elle protège cette grande Nation et ceux qui gouvernent son sort. Avec ces sentiments et ces vœux nous te donnons cher Fils (ndt le destinataire de la lettre), avec le Vénérable Épiscopat de ce pays catholique, à son Chef de l’État du Gouvernement, avec l’ensemble de très aimé peuple espagnol, un Bénédiction Apostolique particulière.

Pour conclure, si tout est comme Bedoya le raconte, tout cela me surprend un peu. Que chacun en tire ses conclusions.

P. Jorge López Teulón

* * *

Notes de traduction
-----
(1) Le Pape Jean XXIII né Roncalli en 1881, dans un milieu modeste, quatrième de 14 enfants. Il fut élu pape en octobre 1958 et mourut en 1963. Le Décret permettant sa canonisation a été promulgué le 5 juillet 2013 sur décision du Pape François ; cérémonie de canonisation aura lieu 27 avril 2014.

(2) Caudillo, terme employé depuis toujours en castillan et qui désigne celui qui a la tête de (du latin caput) qu’il s’agisse d’une armée ou d’un groupe d’homme comme une corporation, une branche professionnelle, etc., et ce, sans sens péjoratif. Si l’Histoire et sa vision avaient été différentes, ce terme aurait peut-être été employé couramment dans le monde à la place du mot anglo-saxon « leader »!

(3) L’État espagnol mettait effectivement en avant le fait que l’Espagne avait su garder un non alignement et ne pas entrer en guerre en 1940. L’on peut penser que la prudente attitude de Franco (avec l’armistice demandé par la France) a empêché à Hitler d’arriver directement en Afrique du Nord française dès juin 1940 (Les troupes françaises d’Afrique du Nord n’avaient pas d’ailleurs forcément les moyens de résister à une invasion) et l’a fait se retourner plus aisément contre son allié Staline à l’Est, à partir de l’été 1941. L’on connaît la suite.