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La miséricorde de Jésus, expliquée par les Papes

Benoît XVI et François commentent, chacun à leur manière, le récit évangélique de la femme adultère [Jean, ch 8] (8/4/2014)

Tout récemment, le cardinal archevêque de Bologne, Mgr Caffarra, dans l'argumentaire qu'il avait publié dans Il Foglio pour contrer le cardinal Kasper, s'était servi de ce texte pour illustrer la différence entre miséricorde et tolérance (Cf L'archevêque de Bologne répond à Kasper ).

Un débat très passionné a tourné autour du sens de la miséricorde. Quelle valeur a ce mot ?
Prenons la page de Jésus et de la femme adultère. Pour la femme trouvée en flagrant d’adultère, la loi mosaïque était claire : elle devait être lapidée. Les Pharisiens en effet demandent à Jésus ce qu’il en pensait, afin de le rallier à leur point de vue. S'il avait dit :« Lapidez-la», ils auraient dit immédiatement : « Voilà : Lui qui prêche la miséricorde, qui va manger avec les pécheurs, lorsque c’est le moment, Lui aussi dit de la lapider ». S'il avait dit « Vous ne devez pas la lapider », ils auraient dit : « Voilà à quoi amène la miséricorde : à détruire la loi et tout lien juridique et moral ».
C’est là la perspective typique de la morale casuiste, qui vous amène inévitablement dans une impasse où il y a le dilemme entre la personne et la loi. Les Pharisiens tentaient d’amener Jésus dans cette impasse. Mais il sort totalement de cette perspective, et dit que l'adultère est un grand mal qui détruit la vérité de la personne humaine qui la trahit. Et précisément parce que c’est un grand mal, Jésus, pour l'enlever, ne détruit pas la personne qui l'a commis, mais la guérit de ce mal et lui recommande de ne pas retomber dans ce grand mal qu'est l'adultère.
« Je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus ». Voilà la miséricorde dont seul le Seigneur est capable. Voilà la miséricorde que l'Église, de génération en génération, annonce.

C'était aussi le thème de l'homélie du Pape lundi à Sainte Marthe (il commentait la lecture du jour). Et Benoît XVI en avait fait aussi, pour la même raison, le sujet de son homélie d'Angélus le 21 mars 2010.

Je trouve intéressant (sans en tirer nécessairement d'autre conclusion que la différence évidente dans la forme) de mettre en parallèle l'homélie du Pape François, telle qu'elle est rapportée dans l'OR et reproduite sur le site du Vatican, avec ses guillemets (dans ma traduction) et celle de Benoît XVI du 21 mars 2010 (dans ma traduction d'alors).

Le discours de Benoît XVI doit être situé dans le contexte tendu du début de l'année 2010, en plein dans les affaires de pédophilie, et alors que le Saint-Père venait d'envoyer sa "lettre aux catholiques d'Irlande" qui avait été publiée deux jours plus tôt, le 19 mars.
Il concluait en disant:
«Chers amis, apprenons du Seigneur Jésus à ne pas juger et à ne pas condamner les autres. Apprenons à être intransigeants avec le péché - en commençant par le nôtre! - et indulgents avec les personnes».

L'homélie de François, répétant que «Dieu pardonne non pas avec un décret, mais avec une caresse» et que «Jésus va aussi au-delà de la loi», doit-il être relié à la polémique entourant les récentes déclarations du cardinal Kasper sur la communion aux divorcés-remariés, et être interprété comme une réponse au cardinal Caffarra?

     

PAPE FRANCOIS:
«Dieu pardonne non pas avec un décret, mais avec une caresse». Et avec la miséricorde, «Jésus va aussi au-delà de la loi et pardonne en caressant les blessures nos péchés».
A cette grande tendresse divine, le Pape François a consacré l'homélie de la messe célébrée lundi 7 Avril dans la chapelle de Sainte Marthe.
www.vatican.va
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«Les lectures du jour - a dit le Pape - nous parlent de l'adultère» qui, avec le blasphème et l'idolâtrie était considéré comme «un péché très grave dans la loi de Moïse», puni «avec la peine de mort» par lapidation. L'adultère, en effet, «va à l'encontre de l'image de Dieu, la fidélité de Dieu» parce que «le mariage est un symbole, et aussi une réalité humaine, du rapport fidèle entre Dieu et son peuple». Ainsi, «quand on ruine un mariage avec l'adultère, on salit ce rapport entre Dieu et le peuple». À l'époque, c'était considéré comme un «péché grave» car «le symbole de la relation entre Dieu et le peuple, de la fidélité de Dieu» était sali.

Dans le passage évangélique proposé dans la liturgie (Jean 8: 1-11), qui raconte l'histoire de la femme adultère, «nous rencontrons Jésus, il était assis là, parmi beaucoup de gens, il faisait le catéchiste, il enseignait». Puis «arrivèrent les scribes et les pharisiens amenant une femme, peut-être avec les mains liées, nous pouvons imaginer». Et donc, «ils la placèrent au milieu, et l'accusèrent: voilà une femme adultère». Il s'agit d'une «accusation publique». Et, raconte l'Evangile, ils firent à Jésus cette question: «Que devons-nous faire avec cette femme? Tu nous parles de bonté mais Moïse nous dit que nous devons la tuer». Eux «disaient cela - a noté le pape - pour le mettre à l'épreuve, pour avoir un motif de l'accuser». En effet, «si Jésus disait: oui, en avant la lapidation», ils auraient eu l'opportunité de dire aux gens: "Mais c'est votre Maître si bon, regardez ce qu'il a fait à cette pauvre femme"». Si au contraire «Jésus disait: non, la pauvrette, pardonnez-lui!", alors ils pourraient l'accuser de ne pas accomplir la loi».

Leur seul but était «de le mettre à l'épreuve et de tendre un piège» à Jésus. «Ils ne se souciaient pas de la femme; il ne se souciaient pas des adultères». Et même, «peut-être que certains d'entre eux commettaient l'adultère».

Pour sa part, bien qu'il y eût beaucoup de gens autour, «Jésus voulait rester seul avec la femme, il voulait parler au cœur de la femme: c'est la chose la plus importante pour Jésus». Et «les gens s'en étaient allés lentement», après avoir entendu ses paroles: «Que celui qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle».

«L'Evangile avec une certaine ironie - a commenté l'évêque de Rome - dit qu'ils sont tous partis, un par un, à commencer par les plus vieux: on voit qu'à la banque du ciel, ils avaient beau compte courant contre eux!». Voici alors «le moment de Jésus confesseur». Il reste «seul avec la femme» qui reste «là, au milieu ». Pendant ce temps, «Jésus, s'étant baissé, écrivait avec le doigt dans la poussière de la terre. Certains exégètes disent que Jésus écrivait les péchés de ces scribes et ces pharisiens. C'est peut-être une imagination». Ensuite, «il se leva et regarda» la femme, qui était «pleine de honte, et il lui dit: Femme, où sont-ils? Personne ne t'a condamnée? Nous sommes seuls, toi et moi. Toi, devant Dieu. Sans accusation, sans bavardage: toi et Dieu».

La femme ne se proclame pas victime d'une «fausse accusation», elle ne se défend pas en affirmant: «Je n'ai pas commis l'adultère». Non, «elle reconnaît son péché» et à Jésus, elle répond: «Personne, Seigneur, ne m'a condamnée». À son tour, Jésus lui dit: «Je ne te condamne pas non plus, va, et à partir de maintenant ne pèche plus, pour ne pas passer un mauvais moment, pour ne pas passer tant de honte (sic!), pour ne pas offenser Dieu, pour ne ne pas salir le beau rapport entre Dieu et son peuple».

Ainsi, «Jésus pardonne. Mais il y a quelque chose de plus que le pardon. Parce que, comme confesseur Jésus va au-delà de la loi». En effet, «la loi disait qu'elle devait être punie». Par-dessus tout, Jésus «était pur et pouvait jeter la première pierre». Mais Lui «va au-delà. Il ne lui dit pas l'adultère n'est pas un péché. Mais il ne la condamne pas par la loi ». C'est cela, justement, «le mystère de la miséricorde de Jésus».

Ainsi, «Jésus, pour faire miséricorde» va au-delà «de la loi qui commandait la lapidation». Tant et si bien qu'il dit à la femme d'aller en paix. «La miséricorde - a expliqué le Pape - est quelque chose de difficile à comprendre: elle n'efface pas les péchés» parce que ce qui efface les péchés «c'est le pardon de Dieu». Mais «la miséricorde est la façon dont Dieu pardonne». Parce que «Jésus pouvait dire: mais je te pardonne, va! Comme il a dit au paralytique: tes péchés sont pardonnés». Dans cette situation, «Jésus va au-delà» et conseille à la femme «de ne plus pécher». Et «ici on voit l'attitude miséricordieuse de Jésus: il défend le pécheur de ses ennemis, il défend le pécheur d'une juste condamnation».

Ceci, a ajouté le Pontife, «s'applique aussi à nous». Et il a affirmé: «Combien d'entre nous mériteraient une condamnation! Et elle serait même juste. Mais il pardonne». Comment? «Avec cette miséricorde» qui «n'efface pas le péché, c'est le pardon de Dieu, qui l'efface», tandis que «la miséricorde va au-delà». elle est «comme le ciel: nous regardons le ciel, tellement d'étoiles, mais quand vient le soleil le matin, avec toute la lumière, on ne voit pas les étoiles». Et «ainsi est la miséricorde de Dieu: une grande lumière d'amour, de tendresse». Parce que «Dieu ne pardonne pas avec un décret, mais avec une caresse». Il le fait en «caressant nos blessures du péché parce qu'il est impliqué dans le pardon, il est impliqué dans notre salut».

Avec ce style, a conclu le pape: «Jésus fait le confesseur». Il n'humilie pas la femme adultère, «il ne lui dit pas: qu'est-ce que tu as fait, quand l'as-tu fait, comment l'as-tu fait et avec qui l'as-tu fait». Il lui dit au contraire: «Va et ne pèche plus: elle est grande la miséricorde de Dieu, elle est grande la miséricorde de Jésus: nous pardonner en nous caressant».

BENOIT XVI:
Apprenons du Seigneur Jésus à ne pas juger et à ne pas condamner les autres. Apprenons à être intransigeants avec le péché - en commençant par le nôtre! - et indulgents avec les personnes.
Angelus du 21 mars 2010
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Nous sommes arrivés au cinquième dimanche de Carême, dans lequel la liturgie nous propose, cette année, l'épisode évangélique de Jésus sauvant une femme adultère de la condamnation à mort (Jean 8,1-11).
Alors qu'il enseigne dans le Temple, les scribes et les pharisiens conduisent à Jésus une femme surprise en adultère, pour lequel la loi mosaïque prévoyait la lapidation. Ces hommes demandent à Jésus de juger la pécheresse, afin de «la mettre à l'épreuve» et de la forcer à faire un faux pas. La scène est chargée d'un caractère dramatique: des paroles de Jésus dépendent la vie de cette personne, mais aussi sa propre vie. Les hypocrites accusateurs, en effet, font semblant de lui confier le jugement, alors qu'en fait c'est lui, justement, qu'ils veulent accuser et juger. Au lieu de cela, Jésus est «plein de grâce et de vérité» (Jean 1,14). Il sait ce qu'il y a dans le cœur de chaque homme, il veut condamner le péché, mais sauver le pécheur, et démasquer l'hypocrisie.
Saint Jean l'Evangéliste met un détail en évidence: alors que les accusateurs l''interrogent avec insistance, Jésus se penche et commence à écrire avec son doigt sur le sol. Saint Augustin observe que ce geste montre le Christ comme le Législateur divin: en effet, Dieu a écrit la loi avec son doigt sur des tables de pierre.

Jésus est le législateur et la justice en personne. Et quelle est sa sentence? "Que celui qui parmi vous n'a jamais péché lui jette la première pierre".

Ces paroles sont pleines de la force désarmante de la vérité, qui abat le mur de l'hypocrisie et ouvre l'esprit à une justice plus grande, celle de l'amour, qui est l'accomplissement de chaque précepte (cf. Rm 13,8-10) . C'est la justice qui a aussi sauvé Saül de Tarse, le transformant en saint Paul (cf. Ph 3,8-14).

Lorsque les accusateurs "s'en allèrent un par un, à commencer par les plus âgés", Jésus, absolvant la femme de son péché, l'introduit à une vie nouvelle, orientée vers le bien: "Moi non plus, je ne te condamne pas, va, et à partir de maintenant ne péche plus".

C'est cette même grâce qui fera dire à l'Apôtre [Paul]: "Tout ce que je sais, c'est ceci: oubliant ce qui se cache derrière moi, et tendu vers ce qui est devant moi, je cours vers le but, le prix que Dieu m'appelle à recevoir ici-bas, le Christ Jésus" (Philippiens 3:14).

Dieu ne désire pour nous que le bien et la vie: Il veille à la santé de notre âme à travers ses ministres, en nous libérant du mal avec le sacrement de la Réconciliation, de sorte qu'aucun ne soit perdu, mais que tous parviennent à se convertir.
En cette Année Sacerdotale, je désire exhorter les pasteurs à imiter le saint curé d'Ars, dans le ministère du pardon sacramentel, de sorte que les fidèles en redécouvrent le sens et la beauté, et soient guéris par l'amour miséricordieux de Dieu, qui "va jusqu'à oublier volontairement le péché, pour pardonner "(Lettre de début de l'Année sacerdotale).

Chers amis, apprenons du Seigneur Jésus à ne pas juger et à ne pas condamner les autres. Apprenons à être intransigeants avec le péché - en commençant par le nôtre! - et indulgents avec les personnes.

Que le sainte Mère de Dieu, nous y aide, exempte de toute faute, et médiatrice de toutes grâces pour le pécheur repentant.