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La plume de Pierre, ou la comm' du Vatican

A partir de la recension d'un ouvrage sur la "communication" du Vatican, une remarquable réflexion d'Angela Ambrogetti sur ses couacs (sous Benoît XVI), ses buts, et ses perspectives (25/1/2013)

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Ci contre: Greg Burke et la comm' aujourd'hui (source)

Angela Ambrogetti part de la recension d'un ouvrage paru en Novembre dernier à la LEV, écrit par le directeur adjoint de la salle de Presse, racontant l'histoire de la communication vaticane du Concile au pape François. Après un regard vers le passé, elle nous propose une réflexion en pleine actualité sur la finalité de cette communication, ses limites, les échecs qu'elle a connus sous Benoît, et la forme qu'elle prend aujourd'hui.

     

«La penna di Pietro»

(La plume de Pierre), entre le Concile et le web
24 janvier 2014
Angela Ambrogetti
http://www.korazym.org/12451/la-penna-di-pietro-tra-il-concilio-e-il-web/
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Qu'entend-on par l'expression «bonne communication»? C'est un mystère sur lequel on débat dans chaque société. Et au Vatican aussi. On l'a fait depuis les temps apostoliques et patristiques. Augustin, au fond, avait un grand succès parce qu'il était un grand communicateur, c'était un rhéteur romain capable d'enseigner les foules avec sa prédication.
Si nous faisons un bond en avant, nous arrivons à la typographie polyglotte du Saint-Siège, au milieu du XVIe siècle, puis à Radio Vatican en 1930, au Centre de Télévision dans les années 80; sans oublier que la réforme de la Curie post-conciliaire a donné naissance à un Conseil Pontifical pour les Communications sociale, et que précisément du Concile est né un document sur la communication, ayant pour ancêtre l'encyclique de Pie XII, Miranda prorsus, en 1957, que peu de gens connaissent. Tout cela fait désormais partie de l'histoire connue. Mais tout le monde ne sait peut-être pas comment cette histoire de communication contemporaine du Vatican s'est développée au cours des dernières années, sous l'impulsion vorace d'un monde des médias de plus en plus incertain et boulimique.

«La plume de Pierre» est le livre idéal pour ceux qui veulent approfondir la question. L'auteur, Angelo Scelzo est le directeur adjoint du Bureau de Presse du Saint-Siège, il a été sous-secrétaire du Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, directeur adjoint de L 'Osservatore Romano, éditorialiste à l'Avvenire, Il Messaggero, Il Mattino.

Le livre publié par la Libreria Editrice Vaticana raconte un demi-siècle de la communication du Vatican, à partir de ce document du Concile Vatican II, Inter Mirifica (1) qui a tant fait discuter. C'était une autre époque, communiquer signifiait écrire. Scelzo a récupéré les précieuses notes du cardinal Andrea Deskur qui a accompagné cet «accouchement conciliaire» puis suivi les affaires de communication jusqu'à sa maladie, au moment où a été élu son compatriote Jean-Paul II, le pape considéré comme communicateur par excellence.

L'histoire d'Inter mirifica se lit comme un roman, et sert à comprendre beaucoup de ce qui s'est passé ensuite dans l'Église catholique et en particulier au Saint-Siège.

A dire vrai, il n'y a jamais eu de véritable stratégie de communication. D'ailleurs, écrit à juste titre Angelo Scelzo les médias du Vatican ont un plan éditorial, une ligne directrice à suivre. «Un plan mis en place, cependant, non pas par un quelconque département de marketing de la communication, mais élaboré à travers les documents qui, surtout depuis le Concile Vatican II et Inter Mirifica, ont accompagné le développement des moyens, modelant aussi leur caractère».

Bien sûr, tout n'a pas été sans heurts. Les bonnes intentions ne suffisent pas toujours, il faut aussi la pratique. Les différentes attentes et les réformes espérées de la communication du Vatican ont souvent fait naufrage sur les rochers des choix personnel. Sans compter qu'à la fin, la communication institutionnelle du Vatican devrait avoir pour but de raconter les activités du Pape et du Saint-Siège aussi à des journalistes qui ne sont plus des spécialistes et à qui on doit souvent expliquer les présupposés du travail du Pape et de l'Eglise catholique.

Nouveaux défis que Pierre a affrontés avec ses collaborateurs.
Et dans le livre d'Angelo Scelzo, on parle des années difficiles du pontificat de Benoît XVI, communicateur raffiné qui savait entrer dans le débat public et qui était nécessairement attaqué pour sa clarté de cristal.

C'est arrivé aussi à Jean-Paul II dans les premières années de son pontificat. Mais alors, la presse était moins omniprésente et superficiel, il y avait moins de précipitation dans l'écriture et la lecture et seuls les spécialistes écrivaient sur le Vatican.

Au cours des dernières années, les médias du Vatican se sont trouvés devoir affonter un monde plus rapide qu'eux. Et à dire vrai, l'adaptation aux media 2.0 n'a pas été brillante. C'est Benoît XVI lui-même qui en a fait les frais, il a préféré communiquer avec les livres, les interviewes longues et détaillées, les discours et les homélies, laissant les médias sociaux et le Web être gérés sans prophétie.

Du reste, les équivoques médiatiques ne manquent pas non plus sous le règne de François, avec des interviewes à demi démenties, et de continuelles clarifications sur des phrases mal rapportées par la presse. Tant et si bien qu'il y a quelques jours, le portail new.va qui rassemble les médias du Vatican a été contraint de préciser ce qui, sur le web est vraiment du pape et ce qui ne l'est pas (cf.
Fausses informations).

Il est évident que le problème médiatique dépasse souvent les capacités de la Curie romaine.
Nous l'avons vu en face d'événements tels que l'explosion médiatique de la question de la pédophilie, ou la révocation de l'excommunication des lefebvristes, ou encore la déplaisante affaire des Vatileaks. L'assaut à l'Église était évident et il a manqué une vraie contre-offensive médiatique. Ainsi, par exemple, la belle lettre de Benoît XVI aux catholiques d'Irlande a été perdue, tandis que les journaux rapportaient avec la tonalité du scandale les textes inoffensifs de billets personnels du pape ou les rapports routine de la Secrétairerie d'Etat.

Dans le livre de Angelo Scelzo, on arrive aux événements de Mars 2013, avec les grands efforts du Saint-Siège pour être au service des médias du monde entier. Un Media Center efficace, des conférences, des liaisons ont accompagné ces quelque quarante jours qui ont précédé l'Église des deux papes.

Et si François a renversé la façon de parler profonde et argumentée de Benoît, s'exprimant comme le curé du monde, les médias du Vatican ont essayé de s'adapter. Ainsi sont entrés dans les Palais sacrés advisor divers, agences de communication et de marketing, consultants externes. Si l'idée est de communiquer «comme les autres», beaucoup risquent d'être déçus. Le Vatican n'est pas une entreprise, il n'a pas de produit à vendre. L'Eglise a juste besoin de se raconter avec simplicité, tout en restant certaine que souvent, on ne la croira pas.

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(1) "La penna di Pietro"
Présentation de l'éditeur:
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A l'occasion du 50e anniversaire d'Inter mirifica (le décret conciliaire sur les moyens de communication sociale), ce volume retrace l'histoire de la communication du Vatican du Concile jusqu'à nos jours. Les cinq siècles de l'histoire de la communication, en effet, de Gutenberg jusqu'au Concile, ne valent pas en matière d'innovation et de progrès, les 50 dernières années, aboutissant à l'ère du numérique, période qui dans sa phase la plus récente a vu comme protagoniste de premier rôle le Pape François, démontrant une grande ouverture aux nouveaux médias et aux réseaux sociaux. Grace à la relecture savante d'Inter Mirifica, l'auteur propose donc ce long et suggestif voyage à travers la communication de l'Eglise.

(http://www.libreriadelsanto.it/libri/9788820991753/penna-di-pietro-storia-e-cronaca-della-comunicazione-vaticana-dal-concilio-a-papa-francesco-la.html )