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La revanche des mauvais prêtres

A propos d'une photo prise lors de la veillée de prières pour les victimes de la mafia, un article étonnament amnésique lu sur Vatican Insider (23/3/2014)

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Les Papes et la mafia (à propos de don Ciotti)

La photo de don Ciotti, le prêtre-militant donnant l'accolade à François lors de la rencontre avec les victimes de la mafia avait une portée symbolique que j'ai cru percevoir, et je trouve confirmation de mon sentiment dans cet article paru sur Vatican Insider.

L'auteur est allé chercher les témoignages de prêtres impliqués dans l'action sociale, s'occupant d'associations d'aide aux "accidentés de la vie", malades du Sida, toxicomanes, immigrés, etc..
Pourquoi pas? J'admets que pour un journaliste, cela puisse faire un bon papier.
A condition de ne pas pratiquer systématiquement le mensonge par omission qui relève de la pure désinformation dénoncée hier par le pape lui-même.
Et le mot "revanche" dans le titre de l'article, a-t-il sa place dans une perspective catholique?

Sans minimiser l'importance du travail de terrain de ces "mauvais prêtres" (tels qu'ils se qualifient eux-mêmes) prétendument réhabilités par François, je regrette que l'article donne une image aussi caricaturale de "l'Eglise d'avant", privilégiant par ailleurs uniquement un seul type de "périphérie" (pour laquelle, du coup, je me sens moi-même hyper-périphérique!)
En réalité, ce n'est pas le Pape qui avait marginalisé ces prêtres, ce sont eux qui l'avaient rejeté, et refusaient son magistère, au nom d'une idéologie ayant bien peu de rapport avec leur ministère, mais rappelant plutôt une certaine "théologie de la libération" revisitée à la sauce de l'Europe de ce début du 3ème millénaire. Ne confondent-ils pas un peu trop le sacerdoce avec l'activisme du travailleur social ou du militant syndical, oubliant que leur premier devoir est "d'annoncer le Christ"?

Benoît XVI a toujours témoigné la plus grande compassion, la plus grande sollicitude paternelle à TOUS les "blessés de la vie".

Que l'on se souvienne de son extraordinaire visite à la prison de Rebbibia, en décembre 2011 . Ou de celle à la maison pénitentiaire pour mineurs de Casal del marmo, en mars 2007. Et encore, de celle mémorable (au point qu'il en a parlé lors des voeux à la Curie Romaine de décembre 2007) au centre de réinsertion de la "Ferme de l'Espoir", lors du voyage au Brésil de mai 2007.
Sans parler de la visite à la maison de retraite de Sant'Egidio en novembre 2012 (les vieux appartiennent aussi aux périphéries!!) et du repas de Noël avec les pauvres de Rome le 26 décembre 2010.
Et tant d'autres épisodes (dont beaucoup se sont sans doute déroulés loin des caméras) que Galeazzi a malencontreusemnt censurés de sa mémoire décidément très sélective....

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Au final, on m'objectera que tout cela n'a qu'une importance relative, voire aucune importance, que Benoît XVI est bien au-dessus de ces bassesses, que l'histoire et Dieu jugeront, et qu'il faudra sans doute beaucoup de temps pour voir mûrir les graines qu'il a semées, et comprendre où était "le plan de Dieu" dans l'élection de François, bref, qu'il ne rime à rien de s'entêter à comparer les deux Papes.
De tout cela, je suis convaincue. Mais tout en faisant remarquer que la comparaison n'est pas initialement de mon fait, je suis curieuse, et je me demande à quel jeu jouent ces émanations des pouvoirs forts que sont des organes comme la Stampa, pour qui ils roulent, et surtout pour quoi (car je n'imagine pas un seul instant que le journaliste croit un mot de ce qu'il écrit)... encore que j'ai quelques soupçons.

     

La revanche des «mauvais prêtres» (1) que François a pris par la main

Le pontificat de Bergoglio réévalue les prêtres des périphéries
http://vaticaninsider.lastampa.it/vaticano/dettaglio-articolo/articolo/francesco-francis-francisco-32916/
Giacomo Galeazzi
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L'effigie du tournant est l'accolade lors de la veillée pour les victimes de la mafia entre François et Don Luigi Ciotti. Samedi, le successeur de Pierre et le prêtre-symbole du catholicisme de frontière sont entrés dans l'église en se tenant par la main. Forme et substance bouleversées, à l'ombre du Dôme, dans les diocèses et les mouvements, à ces «apôtres des derniers» est réservée une place d'honneur. Une «réhabilitation» tous azimuts pour ces «pretacci» (1) qui dans le passé étaient presque en odeur d'hétérodoxie pour leur intolérance envers le conformisme du pouvoir et leur proximité aux tourments de la société contemporaine.

C'est la vengeance de l'église «souffreteuse» (le mot utilisé est "sgarruppata", du patois napolitain, semble-t-il), en somme. Ils étaient les derniers et maintenant, évangéliquement, ils sont devenus les premiers. Dans l'Église transformée par Bergoglio (2) en un «hôpital de campagne après la bataille», la révolution copernicienne en cours renverse de fait la hiérarchie de l'Eglise et, met au centre du pontificat «les périphéries existentielles et géographiques», traditionnelles terres de mission des prêtres de frontière.

Entre François et don Maurizio Patriciello, le feeling s'est imposé en Septembre, au centre Astalli pour immigrés (cf. http://tinyurl.com/q3l8bup ). «On sent tout de suite qu'il est l'un de nous, qu'il vient des favelas - raconte don Maurizio, à l'avant-garde de la lutte contre la Camorra dans la Terra dei fuochi. Bergoglio parle d'une manière limpide, il prend le parti des pauvres que l'État a abandonnés. Nous avions besoin d'un pape comme cela, qui dit des choses de manière moins théologique et plus existentielle. Nous ne sommes plus seuls».

Don Gino Rigoldi, président de la «Comunità Nuova» et aumônier de la prison pour mineur «Beccaria» de Milan, confie: «Parmi les jeunes qui auparavant étaient lointains et hostiles, beaucoup sont intéressés par la figure et la prédication de François et certains m'ont demandé d'être baptisés».

Sur la même ligne dans les Marches, le fondateur de la communauté anti-drogue Oikos, don Giuliano Fiorentini: «Nos jeunes sentent qu'ils sont aimés et pas jugés, ils sentent qu'ils ont François de leur côté dans le chemin de reconstruction de leurs vies éprouvées par la douleur et la dépendance aux drogues». En effet, «pendant si longtemps nous nous sommes sentis en marge de l'Eglise aussi, mais maintenant Bergoglio a mis au centre de son magistère notre condition de périphériques».

Don Mimmo Bataglia, président de la FICT (Fédération italienne des communautés thérapeutiques, une ONG qui s'occupe entre autre d'aide aux drogués et aux alcooliques et d'accueil des réfugiés politiques), attribue à la «prophétie» de François le rapprochement de l'Eglise au peuple». Une «révolution dans les pas de Jésus», explique Don Battaglia, dont «ici nous faisons l'expérience chaque jour dans l'attention accrue des "lointains" au magistère pontifical».
Et pour ceux qui depuis toujours travaillent «dans les tranchées de la pastorale sociale» l'aide de Bergoglio assure «un souffle providentiel de confiance» et se traduit en «une proximité qui dépasse toute exclusion». En effet, «savoir qu'on a le Pape à nos côtés rend moins difficile de naviguer dans les mers du malaise».

A la Communauté Pape Jean XXIII , c'est un retour aux origines. «L'enseignement de Bergoglio nous ramène au charisme du partage direct avec les exclus qui nous a transmis don Oreste Benzi (le fondateur) - observe don Aldo Buonaiuto. La charge spirituelle de François n'est pas une mode passagère, c'est un puissant soutien dans la charité. Nous trouvons en lui le porte-parole des sans-voix et le modèle à suivre chaque jour contre la dictature de l'indifférence».

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NDT
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(1) pretacci: le suffixe accio ajouté au mot prete indique une appréciation péjorative

(2) Curiosité: Le traducteur automatique de Google traduit curieusement "Bergoglio" par "monde meilleur" ou "better world".
Ces traducteurs sont basés sur des algorithmes complexe d'intelligence artificielle. En italien, meilleur se dit meGLIO... et en anglais BEtter... je soupçonne que c'est une intervention humaine qui en a fait "monde meilleur"