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Le Pape du consensus avec le monde

Un fan de plus pour François: Dario Fo, homme de culture "de gauche" également connu chez nous...(3/5/2014)

Dario Fo (né en 1926 en Lombardie) est un écrivain italien, dramaturge, metteur en scène et acteur, ce qui en fait un « homme de théâtre complet »
Connu pour ses engagements politiques, il est l'un des dramaturges italiens les plus représentés dans le monde avec Goldoni.
(wikipedia)

Bénéficiant de recensions flatteuses un peu partout, au point d'avoir reçu le prix Nobel de littérature en 1997, on se doute bien de quel côté sont ses engagements politiques.
Effectivement, on lit un peu plus loin dans cette notice:

Anticonformiste, provocateur, engagé politiquement à l'extrême gauche, il a de nombreux démêlés avec la justice italienne et le Vatican...
En 2010, l’œuvre de Dario Fo est particulièrement reconnue en France : sa pièce "
Mystère bouffe" (en italien: Mistero buffo) fait son entrée au répertoire de la Comédie-Française... et ses pièces sont inscrites au programme du concours de l'agrégation d'italien.

Tout, donc, sauf un artiste maudit, ce qui n'est pas forcément bon signe, en ces temps de dictature du politiquement correct. Les vrais anticonformistes ne sont pas honorés par le Prix Nobel, et quand il leur arrive de passer à la télévision, c'est pour être démolis.

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Traditio Catholica est un titre assez explicite pour un blog dont l'auteur, Andrea Carradori, gère également le plus connu Messa in latino.
J'y trouve souvent des informations intéressantes, sans excès d'hostilité contre l'Eglise, comme c'est le cas de blogs "ultra" qui flirtent avec le sédévacantisme et qui se discréditent par leur violence verbale.
Son dernier billet, daté du 30 avril, s'intitule: "Mystère bouffe quand Dario Fo encense le pape François".
Le point de départ est une émission-débat sur la chaine privée italienne La7 (vidéo sur youtube), opposant Dario FO, qui vient de publier un libre sur Lucrèce Borgia, intitulé "La figlia del papa", et un journaliste Pietrangelo Buttafuoco - qui collabore à Il Foglio et ... à la Répubblica.
Tandis que Buttafuoco exprime de grosses réserves sur le pape et sa "théâtralité communicative", Dario Fo lui répond par une déclaration d'amour enflammée à François, qu'il compare au Saint d'Assise.

Occasion pour Andrea Carradori de s'étonner qu'un type, qui a fait fortune en tournant en dérision Jésus, sa Mère et les Saints, sans épargner les papes anciens et récents, témoigne aujourd'hui publiquement sa grande affection pour le Vicaire du Christ. Après Scalfari, et récemment Marcello Pannella, et beaucoup d'autres. Certes, l'adage populaire le dit: seul les imbéciles ne changent pas d'avis.
Petit bémol: interrogé à la fin de l'émission, Dario Fo admet qu'il ne croit toujours pas.

* * *

Faut-il s'étonner (ou s'inquiéter) de l'enthousiasme que François suscite dans le monde, et plus spécialement dans les milieux traditionnellement hostiles à l'Eglise - ceux-là mêmes qui étaient particulièrement haineux envers Benoît XVI?
Et pourquoi cette différence de traitement entre les deux papes?
Il me semble que Sandro Magister répond très bien à ces questions dans son dernier billet sur "Chiesa", au titre quelque peu trompeur: "Le pape d’"Humanae vitae".

Extrait:

Sa vision du monde [celle de François) est apocalyptique, c’est celle d’un combat cosmique dans lequel le grand adversaire est le diable. Il en parle fréquemment, en particulier à l’occasion de ses homélies matinales. Il ne cache pas l’aversion que lui inspire l'apparition nouvelle de soi-disant familles dans lesquelles on ne trouve pas "la masculinité d’un père et la féminité d’une mère". Il définit inflexiblement l'avortement comme un "crime abominable".

Toutefois il prend bien garde à ne jamais lier de manière explicite ces protestations aux lois, aux actes de gouvernement, aux décisions de justice, aux faits divers, aux campagnes d'opinion qui, dans de nombreux pays, manifestent justement, chaque jour, les progrès de cette "pensée unique" qu’il déteste. Cela suffit pour qu’on lui accorde aimablement le droit de dire tout ce qu’il veut, à condition qu’il reste dans l'abstraction.
En revanche le pape François se montre très concret en ce qui concerne d’autres catégories de réalités, qui sont génératrices non pas de polémiques mais de consensus.

Il s’est rendu sur l’île de Lampedusa, lieu d’abordage de émigrants, de fugitifs et de naufragés en provenance de toute l'Afrique, et il y a crié : "Quelle honte !".
Il ira bientôt à Cassano all'Ionio, pour condamner les mafieux qui ont fait de cette ville un de leurs repaires.
Et il se rendra ensuite à Campobasso, dont l’évêque est ce Giancarlo Maria Bregantini auquel il a confié la rédaction des textes du chemin de croix du Vendredi Saint au Colisée, pleins de compassion pour les pauvres, les réfugiés, les sans-travail.
Il a téléphoné au leader politique anticlérical Marco Pannella pour lui dire qu’il soutenait sa campagne en faveur du juste traitement des détenus.

Mais c’est à la basilique Saint-Pierre, le 27 mars, que François a le plus révélé ce style qui est le sien, à l’occasion de la messe qu’il a célébrée devant plus de cinq cents ministres, députés et sénateurs italiens (texte ici). Pas un sourire, pas un salut. Et une homélie pleine de reproches dans laquelle le mot-clé était "corruption". Un mot qui, dans le vocabulaire de Bergoglio, indique l’endurcissement du pécheur dans son péché, quel que soit celui-ci, qui l’empêche d’accueillir le pardon de Dieu. Mais un mot qui a été compris par pratiquement tout le monde, y compris les hommes politiques qui étaient présents, dans son sens courant, c’est-à-dire le délit spécifique que l’on désigne sous ce nom.

Cette longue réprimande de François a, comme on pouvait s’y attendre, augmenté sa popularité auprès d’une opinion publique qui, non seulement en Italie mais également dans le monde entier, est très hostile au personnel politique. Les cibles contre lesquelles il lance ses flèches sont celles-là mêmes contre lesquelles un très grand nombre de gens se dressent systématiquement, au moins en paroles. Il est impensable que quelqu’un critique le pape quand celui-ci condamne la mafia ou la guerre.

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Décidément, oui, comme le répète Sandro Magister pour la deuxième fois en quelques jours, "ce Pape est entièrement à déchiffrer".
Même s'il conclut, prudemment:

Le pape François est certes expert dans l’art de cultiver l'opinion publique, mais il n’est pas du genre à se laisser emprisonner par elle.

L'avenir le dira.