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La revanche des "mauvais" prêtres (2)

Ou l'image étonnante du Pape François embrassant la main du fondateur d'Emmaüs en Italie, don Michele De Paolis, 93 ans (14/5/2014)

>>> La revanche des mauvais prêtres

J'ai trouvé cette information grâce au site <Chiesaepostconcilio>: le geste INCROYABLE (dixit celui qui en était l'objet) du Pape qui, à l'issue de sa messe matinale à Sainte Marthe, le 6 mai, a embrassé la main d'un vieux "prêtre des rues", modèle du "chrétien adulte" (1) - selon ses propres termes" et dinosaure de la théologie de la libération. Un geste très étonnant venant d'un homme qui refuse tous les hommages dûs non pas à sa personne, mais au vicaire du Christ, et qui s'ajoute à celui, très médiatisé, de sa rencontre avec don Ciotti, connu comme le prêtre anti-mafia, que le Pape avait pris par la main pour entrer dans l'Eglise (Les Papes et la mafia) lors d'une veillée de prière contre la mafia (et avec ses victimes) le 21 mars dernier, inspirant plus tard à Vatican Insider un article intitulé "La revanche des mauvais prêtres " (façon de parler, évidemment).

L'information accessible sur le site "institutionnel" aleteia.org, était curieusement absente sur Vatican Insider, et je n'ai pas trouvé de trace sur les grands médias.

Voici donc le compte rendu d'Aleteia:

Don Michele de Paolis, 93 ans, n’en revient pas, comme n’en reviennent pas tous ceux qui étaient présents à la rencontre du pape François avec son auditoire après la messe du matin à Sainte-Marthe, le 6 mai dernier : le Souverain pontife a pris son bras et baisé sa main dans un geste d’humilité extrême que seul un grand homme fait à un autre grand homme de son rang.

Le président honoraire et fondateur de la communauté Emmaüs en Italie (*), a eu la joie ce jour-là de concélébrer la messe avec le pape François. Et comme tout le monde, il attendait son tour pour saluer le Pape et lui remettre quelques présents et une demande de prière d’un couple sans enfants.

Quand le Pape, à la fin de leur rencontre, lui baise la main, Don Michele est bouleversé : « je l’ai alors embrassé et j’ai pleuré », confie-t-il sur sa page Facebook. Il venait de raconter au Souverain Pontife les nouvelles initiatives prises par le mouvement pour aider les immigrés de Lampedusa, et de lui dire que le mouvement Emmaüs aurait tant souhaité avoir une audience avec lui. « Est-ce possible ? », lui a-t-il demandé. « Tout est possible ! » lui a répondu le pape François, « parle avec le cardinal Maradiaga - le président de Caritas Internationalis (ndt: et surtout conseiller très écouté du Pape, c'est probablement à ce titre que François le cite) - et qu’il organise quelque chose ». Et c’est là qu’arriva l’ " incroyable" : le pape lui baisa la main !
(http://www.aleteia.org/fr)

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(*) http://www.emmausfoggia.org/chisiamo/storia.asp
Il ne s'agit pas d'un groupe associé à la branche italienne de la Communauté fondée par l'Abbé Pierre.

     

Ce site, dans un bref récit, apporte une précision supplémentaire:

Les larmes de don Michele chez le Pape François: «INCROYABLE! IL M'A BAISÉ LA MAIN».
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Le prêtre, jeune parmi les jeunes est devenu le protagoniste d'une nouvelle preuve d'humilité durant sa visite au pape François. De Paolis a patiemment attendu son tour pour embrasser Bergoglio et lui donner quelques cadeaux.
Parmi ceux-ci la croix franciscaine en bois d'olivier faite à la main, le coffret en bois décoré d'un calice et d'une patène et pour finir son livre: “Un prete scomodo”, rebaptisé à tort par le Pape “Un prete incomodo”.
En plus des cadeaux, bénis par le Saint-Père, De Paolis a remis une demande de prière pour un couple sans enfant.

     

La page Facebook de don Michele présente sa "profession de foi":
(https://www.facebook.com/michele.depaolis.1?fref=ts )

Traduction:
Je me sens laïc, humble croyant, toujours en recherche, prêtre pour un service disponible, désintéressé, gratuit, dans la communauté chrétienne et dans la société, aux côtés des derniers.
Anticlérical, c’est-à-dire n'appartenant pas à une caste, une catégorie, pas un fonctionnaire de la religion.
Cherchant à donner paix et joie aux personnes qui se trouvent à vivre dans les situations les plus dramatiques: non croyants, séparés, divorcés, tombés dans l'avortement, homosexuels, désespérés, la multitude des exclus.
Cherchant la lumière de l'Evangile sur les thèmes discutés dans l'Eglise, comme le célibat des prêtres, le sacerdoce des femmes, la pédophilie, la maladie et la fin de vie.

     

Quid du livre "Un prete scomodo"?
Voici ce que j'ai trouvé sur des sites italiens "de première main" (évidemment favorables au vieux prêtre, sinon leur témoignage serait sans valeur).
Il s'agit de reportages sur deux séances de dédicace de l'ouvrage par son auteur, à Foggia, dans les Pouilles, où il vit.

I.
Don Michele De Paolis est un prêtre dérangeant dans le sens le plus positif du terme: 89 ans, une vie passée dans les missions au Salvador et au Guatemala, le fondateur d'une communauté pour les toxicomanes, mais avant tout un homme de grand charisme. Sa voix est une voix hors du coeur institutionnel, et tout cela fait de lui une figure extrêmement complexe, qui au cours de sa vie, a mûri un point de vue libre sur la foi et la façon de la vivre .
De son témoignage a été tiré un livre: «Cher Père Michele ... Questions à un prêtre dérangeant» ( “Caro don Michele…Domande a un prete scomodo”, Edizioni della Meridiana), présenté le 25 mai 2010 à la bibliothèque de Foggia.
Lors de la rencontre, don Michele De Paolis, qui est intervenu en même temps que l'un des auteurs du livre, la psychologue Enza Paola Cela, a raconté sa vie à partir d'un point de vue inédit, souvent à contre-courant de l'Église, une approche qui lui a permis d'affronter sereinement les questions les plus épineuses qui ont émergé au cours de la rédaction de l'ouvrage: testament biologique, homosexualité, suicide, célibat des prêtres: pour chacun de ces thèmes don Michele a une vraie réponse, qui ne se refugie pas dans le dogme, mais qui étudie la vérité dans la réalité de la vie quotidienne. C'est l'esprit dans lequel il a capturé l'attention de l'auditoire, se confrontant à l'incertitude et à la curiosité sans jamais céder à une vision simpliste et lointaine, en essayant au contraire d'aligner son regard à celui de l'homme moderne, avec sa méfiance moderne envers l'Église. Tout doute est légitime, toute question mérite une réponse, de cela, don Michele est convaincu. D'ailleurs, dit-il, «aucun de nous nne possède la vérité».
(http://www.recensito.net/pag.php?pag=6588 )

* * *

II. Voici un compte rendu d'une autre présentation du livre, encore à Foggia, en avril 2010, en présence de don De Paolis: Une rencontre pour parler des doutes et des certitudes, des impulsions et des espoirs.

A la question sur quelle est sa place dans l'Eglise, il répond:
«Je pense être un chrétien adulte, comme l'a dit Prodi (1), avec tout le respect dû à Ruini. J'aime l'Eglise. C'est notre mère, elle m'a éngendré, je me sens faire partie d'elle et je vois avec tendresse (pas avec suffisance) les rides de son visage. Je contemple avec une admiration adorante le travail mystérieux de l'Esprit, qui continue à recueillir dans le corps de Christ des peuples de toutes les tribus, toutes les langues.
J'aime beaucoup la belle prière à l'Esprit Saint de don Tonino Bello (**):

"Donne-nous la joie de comprendre que tu ne parles pas seulement depuis les micros de nos églises. Que personne ne peut se vanter de te posséder. Et que, si les semences de la Parole sont répandues dans toutes les plate-bandes, il est également vrai que tes gémissements sont exprimés dans les larmes des musulmans et dans les vérité des bouddhistes, dans les amours des hindous et dans le sourire des idolâtres, dans les mots des païens et dans la droiture des athées".

Comme tu le vois, je ne partage aucun fondamentalisme d'aucune sorte.
J'ai vécu avec joie intense le miracle du pape Jean XXIII et le printemps du Concile Vatican II. Je ressens beaucoup de tristesse pour la froide saison qui ne permet pas la pleine floraison des fleurs parfumées de l'Evangile; mais j'attends le temps de Dieu et je suis sûr, avec Martini que l'Esprit existe aussi aujourd'hui, comme dans les jours de Jésus et des apôtres ...
Je n'adore pas vraiment le droit canon, mais j'en comprends l'utilité, comme le squelette est utile pour un beau corps. J'écoute avec respect et attention les déclarations de l'autorité ecclésiastique, mais je ne renonce pas à l'analyse et au jugement de ma conscience.
Je ne peux pas m'empêcher d'être en désaccord, quand il semble qu'elle échange la prophétie contre un peu plus de puissance; quand elle se ferme dans un silence coupable, dans les moments où il faudrait parler contre les pouvoirs en place.
Je fais mienne cette belle prière de don Tonino Bello:

«Sainte Marie, nous te prions pour l'Église de Dieu, qui, contrairement à toi, a encore du mal à s'aligner courageusement avec les pauvres. En théorie, elle déclare 'l'option préférentielle' pour eux. Dans la pratique, elle reste souvent séduite par les manœuvres accaparatrices des puissants ... Aide-la à sortir de sa neutralité frileuse. Donne lui la fierté de retrouver la conscience critique des structures de péché qui écrasent les sans défense et repoussent en proportions inhumaines les deux tiers du monde»
(http://www.statoquotidiano.it/27/04/2011/don-michele-de-paolis-un-prete-scomodo-al-lanza/47229/ )

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(**) Evêque italien (1935-1993) dont le procès en béatification est en cours depuis 2007, réputé proche des pauvres et des marginaux, fondateur de la revue Mozaico di Pace du mouvement pacifiste Pax Christi, et chroniqueur récurrent du quotidien communiste Il Manifesto.

     

Plus, je ne peux pas dire.
J'ai trouvé d'autres informations (un lecteur m'a indiqué ce lien), mais je n'ai pas pu pour le moment remonter à leur source, et je laisse donc mes lecteurs intéressés faire leurs propres recherches.
Mais il est certain que l'on retrouve des échos de la pensée du vieux "prêtre dérangeant" dans la prédication du Pape François.

* * *

(1) Propos de Benoît XVI (parmi beaucoup d'autres) sur les chrétiens adultes, la foi adulte:
L'expression "foi adulte" est devenue un slogan fréquent ces dernières années. Mais on l'entend souvent au sens de l'attitude de celui qui n'écoute plus l'Eglise et ses pasteurs, mais qui choisit de manière autonome ce qu'il veut croire ou ne pas croire - donc une foi "bricolée". Et on la présente comme le "courage" de s'exprimer contre le magistère de l'Eglise. Mais en réalité, il n'y a pas besoin de courage pour cela, car l'on peut toujours être sûr de l'ovation du public. Il faut plutôt du courage pour adhérer à la foi de l'Eglise, même si celle-ci contredit le "schéma" du monde contemporain. C'est ce non-conformisme de la foi que Paul appelle une "foi adulte". C'est la foi qu'il veut. Il qualifie en revanche d'infantile le fait de courir derrière les modes et les courants de l'époque» (28 Juin 2009).